Des combats qu'il faut livrer, alors qu'ils sont gagnés d'avance

Mardi 27 février 2018

J'ai rêvé que papa était mort. C'était si inconcevable que je continuais de le voir et de lui parler. J'en faisais part à Ubik et à Maloriel, comme si c'était normal. Je savais que je ne faisais que calfeutrer un abîme dans lequel j'étais bien près de tomber, mais pour l'heure, ça fonctionnait.

Le pire a été de me réveiller au milieu de la nuit et de ne pas réaliser tout de suite que ça n'était qu'un putain de rêve. Depuis, j'attends avant de décrocher le téléphone, une angoisse sourde baignant mon ventre.

Papa, s'il te plaît, reste en vie encore longtemps. Je ne suis pas prête à te perdre, pas prête du tout.

12h45
Découvertes de la semaine sur Spotify

Tandis que le guerrier rennais expérimente le renoncement, je gobais deux pilules. Oh, rien de grave. Des cachetons aux plantes, en vente libre en pharmacie. Je ne me savais plus si fragile. Mais ce matin, alors que je prenais ma douche en écoutant de la chouette musique et en sachant pertinemment qu'il faisait un temps superbe, j'avais l'impression d'être environnée de nuages anthracites. J'avais presque peur de sortir, et de m'apercevoir que même en offrant mon visage au soleil, je ne ressentirais rien d'autre que le froid et l'angoisse.

Deux pilules aux plantes ont suffi, pour un temps, à lever le voile. Mes entrailles dénouées, je me suis dit qu'il était bien paradoxal de sombrer si facilement, si un presque placebo pouvait me remettre les idées à l'endroit.

Je demeure bien trop agitée pour songer à écrire ce mémoire que je me suis promis de sacrément entamer pendant ces vacances. Je me dis que si je me confrontais à la page, déjà moins blanche qu'avant, j'en ressortirais rassérénée. Je le sais, ça marche à chaque fois.
Mais non, pas maintenant.

Peut-être aussi parce que je me suis jurée de ne pas sans cesse repousser mes émotions. Parce que ça ne fonctionne que sur le court terme. Et moi, je veux qu'ils repartent, Angoisse et ses valets-cauchemars. Donc, je les regarde.
Sans froideur ni états d'âme.

Je vais faire du rangement en les surveillant du coin de l'oeil. Aérer, repositionner, contempler.

Allez, va-t-en, Angoisse. Tu sais bien que je gagne à chaque fois.

...

Mardi 20 février 2018, 16h49
Capsule temporelle 2018

La nuit dernière, j’ai rêvé de M. C’est toujours extrêmement bizarre, compte tenu du fait que, bah, il n’existe pas. Pas en dehors de ma tête, en tout cas. Nous étions dans… un souterrain, une grotte, peut-être, le plafond était très bas, il faisait sombre tout autour de nous – je ne sais pas d’où venait la lumière qui nous éclairait. Et je lui disais… Quoi exactement ? C’est confus parce que je crois que ce lieu incarnait M. C’était son Naya’ Lune, sauf que le sien était obscur et anxiogène parce que M, c’est un mec perturbé. Et du coup, comme j’avais conscience d’être dans son monde, je lui disais que j’étais désolée. Que si j’avais pu me figurer avant à quoi ça ressemblait, d’être dans sa tête, alors j’aurais agi différemment. J’ai toujours essayé de le protéger et je ne l’ai jamais jugé. Mais c’est pas pareil de vraiment comprendre, profondément, ce que traverse autrui.

Et donc, tout ça est un peu insensé, puisque, bah, M. n’existe pas. Ah oui, sachant que dans ce rêve, je n’étais pas moi, mais elle. Ouais. Je suis quand même à la limite des personnalités multiples, là. Quand je dors, en tout cas.


Féminisme et excentrisme (en deux temps, hein)

Lundi 19 février 2018, 22h23
Capsule temporelle 2018

Lu aujourd'hui sur Francetvinfo.fr : "C'était une Rambo déguisée en Barbie" : Laeticia Hallyday, une femme d'influence ? »

Alors, c’est peut-être l’influence de Titiou Lecoq (qui doit être la seule meuf un tant soit peu féministe qui ne se contente jamais de fake news pour argumenter), mais ce gros titre, là, par contre, il me dérange vachement. Autant j’en ai rien à carrer de la vie de famille de Johnny, autant ça, là, oui, ça me choque. La meuf, elle a deux choix : incarner le « summum » de la virilité, ou les tréfonds de la féminité. Et si c’était juste une gonzesse amoureuse, qui comme tous les gens du monde, se souciait davantage de sa progéniture que des ayants-droits déjà « âgés » et riches de son mari ?

Nan, sérieux, j’suis hyper choquée par ce gros titre. J’aime bien, aussi, l’idée qu’une femme qui a un cerveau en devienne nécessairement une « femme d’influence ». On s’attendait à ce que la Latiatia, elle fasse la belle gosse au bras de son rockeur de mari, et elle a osé utiliser sa cervelle, et elle a, OMG, eu une influence sur l’homme qui l’aimait et lui faisait confiance. Quelle garce. Perso,  j’en déduirais que si une meuf est trop conne, en théorie, pour que son mec l’écoute, bah c’est que Johnny, il avait un déficit d’hormone et que ça l’a transformé en femmelette. Il a été influencé par sa venimeuse épouse, sans déc’. Quelle lopette.

23h13
♫ CSS – Faith in love

Aaah… Ça faisait longtemps que je n’avais pas eu cette conversation. Celle où on me répond que je pourrais faire tout ce que je fais actuellement, avec un gosse. C’est marrant, parce que ça émane soit de mecs (mon père ou mon beau père, qui n’ont pas eu la charge des enfants), soit de meufs qui apparemment ne saisissent pas l’ampleur du fossé qui nous sépare.

Ah, elles se couchent tard. Parce qu’elles ont occupé les trois heures précédentes à s’occuper du gamin en question. Moi, je les ai consacrées à écrire ou à gamer. C’est pas un jugement que je porte ; c’est un fait. Elle dit : « c’est vrai qu’on est tous différents, et c’est une richesse », et j’entends : « je ne comprends pas du tout que tu n’aies pas cédé à cet impératif social/biologique, mais je me sens comme les racistes : j’ai une amie nullipare, ça prouve que j’ai aucun problème avec ça. »

Surtout quand c’est une gonzesse dont le fond de commerce, c’est qu’elle n’a pas sa langue dans sa poche et qu’elle ne fait jamais rien dont elle n’ait pas envie. Elle dit de sa fille : « Elle n’aime pas faire comme les autres et ne rentre pas dans le moule… Je me demande de qui elle tient ça. » Désolée, mais… dans quel moule t’es pas rentrée ? Tu fais absolument tout comme tout le monde, jusqu’à procréer, ce qui est, excuse-moi, putain d’important. Et le premier impératif social auquel les humains – les femmes – soient soumis. Je ne t’en veux pas de l’avoir fait – j’en ai rien à carrer de comment tu mènes ta vie, c’est encore la tienne, que je sache. Mais viens pas me dire que t’es une putain de rebelle.

(Je parle d’une meuf que j’aime beaucoup et avec qui je passe mes soirées à échanger des textos, pas de quelqu’un que je méprise).
Morgane, c’est un rayon de soleil. Elle sait ouvrir sa gueule → je pense que sa gosse, oui, elle la voulait. J’ai aucun doute sur la question. Je comprends juste pas sa perplexité. Pas de la part d’une meuf « différente ». Jtrouve que les gens mettent les barrières entre la normalité et l’excentricité là où ça les arrange.

Eastsiders

Dimanche 18 février 2018, 22h00
Capsule temporelle 2018

Eastsiders m’avait beaucoup manqué. À la fin de l’épisode 5 de la saison 3, tous mes souvenirs étaient clairs : j’ai toujours été Cal, avec sa noirceur exagérée et sa propension à juger, à commencer par lui-même. Et j’ai toujours été folle amoureuse de Thom. Tout colle. Ça m’a paru important de me souvenir qu’on ne tombait pas amoureux des gens qui nous ressemblaient, et que ça expliquait la relation qu’on entretient avec les gens imaginaires.
J’aime tout dans cette série, y compris ses bizarreries. Je trouve que Thom et Cal jouent incroyablement juste. J’aime la manière dont leurs corps occupent le cadre.

Ça me fait rire parce que Thom est… superficiel. Il a le physique d’un surfer et l’attitude d’un hédoniste dénué d’empathie. Enfin, c’était le cas dans les saisons précédentes. Ça m’étonne presque d’être amoureuse d’un personnage tel que lui. Et pourtant… Il me fait complètement craquer.
Ce que j’ai aimé, dans cette saison, c’est… l’optimisme. C’est la première fois que nos deux amants se rejoignent.

Ils sont tellement nombrilistes. Je l’ai souvent pensé en regardant des séries. Tous ces personnages qui se définissent comme « broken », « a mess », « not normal ». J’ai toujours envie de leur crier dessus. De leur demander : « mais OÙ t’as vu des gens normaux ? » Tous les protagonistes de toutes les œuvres artistiques se posent la même question. Ils s’enferment dans leur petit monde, dans lequel, pourtant, tout le monde est au moins aussi démoli qu’eux. D’où leur vient donc cette idée que la vie, c’est une putain d’image d’Épinal ?

Sunny Day

Vendredi 16 février 2018, 13h48
♫ Indochine – 13

Je suis tellement fatiguée que je sais plus bien où j’en suis dans la journée, et c’est plutôt agréable. Il faut super beau.

Partir dans vingt-cinq minutes donner un dernier cours, un peu chancelante. Rouler vers l’est et quand même arriver à la mer. Écouter Indochine avec la même joie qu’avant. Retrouver, de ce fait, une partie de l’adolescente fan. Me lover littéralement dans leurs mélodies – je ne les avais pas autant aimés depuis Alice et June. Peut-être même Danceteria – que j’ai aimé en retard. Comme l’impression d’avoir retrouvé une bande originale à ma vie. Comme l’impression d’être vêtue de musique. Mon dieu, c’est tellement rassurant. Ouii ouii c’est moi !

Ça me rappelle l’époque où j’écoutais Placebo en boucle, quand Pure morning s’enroulait autour de moi, comme du lierre qui soutient de vieilles pierres. Je pouvais pas m’écrouler, j’avais de la musique pour me tenir debout. Le casque soudé aux oreilles, relié au walkman qui déroulait les bandes de cassettes déjà antiques. Les compil’s enregistrées à la sauvage sur Ouï FM. Les copies de trucs que j’avais en CD – mais pas de discman, c’est venu quelques années après. Placebo et Marilyn Manson en boucle, qui traduisaient, qui en musique, qui en paroles, tout ce que je ne savais pas exprimer. Je taillais dans mes poignets, je répondais par monosyllabes, mais il suffisait d’écouter ma musique pour savoir.

La fatigue reflue. Reste le soleil sur mes paupières et le bitume qui scintille au milieu de cette journée à part, cette journée lumineuse au bout de semaines de pluie, de grêle et de bourrasques qui donnent envie de s’enfouir sous une couette pour lire Léa Silhol toute la journée.
La vie est belle ? Je sais pas. Le monde est beau, en tout cas. C’est déjà pas si mal.

Echoes

Mercredi 14 février, 22h53
♫ Minor Sun – The Beauty of Gemina

« Tout en ayant, en boucle, dans un coin de ma tête, l'idée persistante qu'il aurait suffi d'une personne. »


Ça me rend dingue. Je passe la moitié de ma vie sur les blogs de gens qui, si je les avais rencontrés, auraient été mes amis, j’en suis certaine. Des gens qui se sentent seuls, qui se considèrent différents des autres, parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Je sais, à les lire, qu’ils ont raison. Je sais à quel point ils doivent se sentir décalés. Et pourtant, on ne se connaît pas, et on ne se connaîtra jamais.


La fille en question, elle m’aurait peut-être gavée, en vrai. Y’a plein de choses qu’elle écrit dans lesquelles je ne me reconnais pas. Dans mon esprit, c’est une parisienne pur jus dont l’entourage laisse perpétuellement à désirer. Le genre qui persiste à fréquenter des cons et qui en tire la substance de sa déprime. Comme j’ai – sincèrement – toujours préféré rester enfermée chez moi que de passer mes soirées avec ceux dont je savais déjà que je les mépriserais, j’ai parfois du mal à concevoir pourquoi ce genre de meuf s’inflige ça. J’en ai rencontré plusieurs : méga intelligentes, socialement défaillantes – de mon point de vue. Elles voient pas plus loin que leur univers, et du coup ne se doutent pas qu’il y a mieux – en tout cas mieux pour elles, ailleurs.


Faut pas se leurrer, ça fait trois semaines que je lis ses billets à rebours – enfin, non, pas à rebours : depuis le n°1 jusqu’au dernier. C’est bien parce que j’y trouve un écho.

Je sais pas trop d’ailleurs si c’est un écho du passé ou si c’est un truc qui me raccroche au présent, parce que désormais, quand je tombe sur un truc derrière lequel je distingue l’ombre de Dépression, j’ai tendance à filer sans demander mon reste. Je ne cherche pas pour autant la blancheur et la sérénité propres aux trentenaires en manque d’imagination (l’amour des gens pour le blanc sur les murs me donne des haut-le-cœur). Mais Angoisse, telle que je l’ai connue, se planque partout, et quand je ne lui trouve nul opposant, je me barre vite fait, parce que je sais bien que sans adversaire, elle me reprendra sans effort. J’en peux plus des gens malheureux, des victimes du cadavre aux cheveux blancs, parce que même au fond du trou, j’ai tenté de lui échapper. Je me souviens de Please like me. Les dépressifs incarnent un néant que je ne suis pas prête à embrasser. Je n’ai jamais su ce que c’était de sombrer comme eux, et je ne tiens pas à le savoir. Je veux me battre, bordel.

Mad haters

(c'est un jeu de mot, d'accord ? Il est pourri mais moi je l'aime bien alors zut)

Mercredi 14 février, 20h10
Découvertes de la semaine sur Spotify

Vous savez, il y a des tas de trucs chez les gens qui m’effraient. Par exemple, l’importance qu’ils accordent à des détails. Comme le fait de porter des vêtements froissés ou de pas tondre sa pelouse. Ça me semble tellement éloigné de la vie… Comment peut-on seulement s’en soucier ? J’entends bien que ça participe de la relation sociale, que ce qu’on dit, la manière dont on s’habille, transmettent un message à autrui. Mais qui s’en soucie ? Je veux dire, je vois bien que tout le monde s’en soucie, apparemment. Mais pourquoi ? C’est ça que les gens veulent savoir à propos de leurs voisins ? Qu’ils sont pointilleux sur l’entretien de leur jardin ? C’est important ? M’est avis qu’il y a plus crucial, quand on cherche à savoir qui sont les gens. Je suis sûre que le couple qui entravait et torturait ses gosses depuis une vingtaine d’années possédait un gazon impeccable et nettoyait son barbecue après chaque utilisation. Et avec Ubik, vu le nombre de fois où on s’est fait arrêter par les douanes, on s’est dit que si on devait dealer de la drogue, on tomberait le costard. Ouais, nos fringues transmettent un message, mais uniquement parce que les gens sont bêtes.

Comment peut-on même s’intéresser à ce genre de choses ? Je ne comprends pas. Évidemment, je range ma maison assez régulièrement, je prends des douches et tout, parce que je trouve ça agréable et aussi parce que les rituels tiennent l’entropie à l’écart (j’emploie toujours « entropie » comme si c’était un synonyme de « chaos », mais c’est pas le cas, si ?) Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre de ce que les autres font ?

Ouais, les gens sont bêtes. Ils tirent des conclusions de trucs qui n’ont même pas de rapport avec ce qu’ils perçoivent. Par exemple, y’a quelques semaines, je fumais avec mon collègue dehors, et il se trouve que l’endroit où on se cache des élèves pour ce faire se situe à côté du grillage de la maison d’à côté, celle d’un de mes élèves. Le jardin n’est pas spécialement entretenu et y’a un peu de bazar entreposé de-ci de-là (mais franchement, dans mon garage c’est bien pire). Et mon collègue me dit : « regarde-moi ce bordel. Comment veux-tu que le môme s’en sorte ? » Moi, j’étais là : « ouais, enfin, c’est juste un jardin. » Je crois que les parents de Jérémi le laissent un peu trop libre de ses mouvements, mais c’est pas leur pelouse qui me l’a appris. Tu crois que la mère de Titouan, qui est persuadée que son fils est un ange, n’a pas une maison impeccablement tenue ?

Ils me font marrer. Moi, ce qui me terrifie, c’est les gens qui ne possèdent aucun livre (ou qui les planquent dans un endroit dédié, comme si en déco c’était plus moche qu’un mur blanc). Ce que je ne comprends pas, c’est les gens qui passent leur samedi à nettoyer leur voiture au car-wash du coin (comment on dit, en français ?) Ou ceux qui matent mes pieds comme si mes Docs ouvertes étaient une atteinte à la pudeur. Sérieusement ? C’est ce que t’as vu de plus immonde dans ta vie ? Putain, moi quand je regarde les infos et que je vois des gens mourir en live parce que les news c’est devenu un putain de snuff movie, je trouve ça vachement plus immoral que la coupe de cheveux de certains de mes élèves. Mais ça doit être parce que j’ai aucun sens des priorités.

Happy Day

Jeudi 8 février 2018, 17h38
♫ Indochine – 13

J’ai passé une excellente journée, et j’ai bien l’intention de m’en souvenir. Ce matin, premier « vrai » cours avec ma nouvelle 5e – je suis de retour à Paimpol pour décharger une collègue remplaçante d’un plein temps dont elle ne voulait pas. J’avais déjà rencontré mes élèves lundi, mais ils sont en plein dans une séquence hypra-chiante au CDI. Donc, j’ai décidé qu’en parallèle, on allait lire Alice au pays des Merveilles. La première bonne nouvelle, c’est que la classe a globalement un très bon niveau. Une élève m’a demandé : « Peut-on dire que le Lapin a subi une personnification ?
- Euh… (mâchoire qui se décroche). Oui… ! »
(Je ne suis pas sûre que mes 4e sachent ce que c’est, même s’ils l’ont appris dans le chapitre précédent…)

Ils ont un super vocabulaire et ont bossé avec enthousiasme, j’ai trouvé. À la fin du cours, M. est parti en s’exclamant : « Ils sont super, vos cours, madame ! » J’ai répondu en souriant qu’il s’emballait peut-être un peu, après tout, c’était notre premier cours… Mais j’étais, évidemment, hyper flattée.
Après, j’ai discuté un peu avec mes anciens 6e, qui sont maintenant en 4e et qui ont toujours l’air super contents de me voir et ça aussi, c’est flatteur.

L’après-midi, j’ai accompagné nos 4e de Plouha au forum des métiers de Saint-Brieuc. J’avais en charge six élèves dont un qui peut être pénible vu qu’il se prend pour un voyou… Mais pas avec moi. J’ai laissé les filles se balader, j’ai pris les deux gars avec moi et ils n’ont même pas râlé. Au détour d’une allée, j’ai croisé une ancienne élève et ça m’a fait super plaisir qu’elle vienne me parler, me demande si je me souvenais d’elle, me raconte qu’elle se rappelait avoir lu Les misérables avec moi. Elle fait un CAP coiffure, je l’ai trouvée très jolie et épanouie. J’étais contente qu’elle ait rejoint une filière qui lui plaisait. C’était une gamine en difficulté, mais gentille et travailleuse. Je lui ai dit que ça m’avait fait plaisir de la revoir et que je lui souhaitais le meilleur.

Aujourd’hui, il a fait super beau ; dans le car j’ai eu le cœur serré comme ça m’arrive souvent en hiver, quand l’air est limpide et qu’il semble qu’un rien permettrait de passer à côté, un accroc et on serait dans l’Immatériel, ou l’Après comme disent les Elfes (je suis calée en mythologie Dragon Age, hein). Quand il fait ce temps-là, je suis terrifiée à l’idée de mourir, tant je me sens vivante, heureuse et remplie d’espoir. J’adore prendre le car avec les élèves. C’est toujours cool de les voir dans un cadre moins formel que la classe (bien que je n’entretienne pas avec eux une relation très formelle.) Ça me rendrait presque nostalgique, de les voir faire les cons, écouter leur musique… Quand on y pense, c’est tellement court, ce moment où on sait qu’on a un avenir, mais qu’on est incapable de vraiment l’envisager…

Et j’ai mis le temps, avant d’écouter cet album, mais il est très, très cool, ce nouvel opus d’Indo. Et ça aussi, ça me file la pêche.

Indochine

Mercredi 7 février 2018
♫ Indochine – Alice et June

« Qu’est-ce qu’on a fait demain / Je ne me rappelle de rien »
«  Et un, deux, trois, Alice est née dans un endroit / Un endroit qu'il ne fallait pas »
« Mais c’est qu’ici il n’y a plus de place / pour qu’elle puisse grandir davantage / elle n’avait juste qu’un ennui / c’est de comprendre les jours de pluie »

Danceteria – Paradize – Alice et June.

« J’en ai jamais assez / de ma réalité / à trouver des vampires / à qui parfois sourire »

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’expliquer à quiconque pourquoi j’ai tant aimé Indo. Pourquoi j’aime autant Indo. J’ai pas trop aimé Black City Parade. J’ai trouvé que Nicola avait rarement été aussi peu inspiré. Perdu entre ses récits d’amours adolescentes et sa fascination pour les lettres de soldats, il n’avait pas l’air de savoir quoi raconter (et j’ai franchement rien compris à ses textes) Même si j’adore l’instrumentation de Belfast, j’entends surtout : « Cette chanson s’appelle Dunkerke, mais ce soir pour vous elle s’appeeeelle… Reeeeeeennes ! » Du coup, ça me fait rire, un peu.
La république des Météores sonnait nostalgique, et c’était pas si mal, ça changeait.

J’adore la syntaxe pourrave de Nicola. C’est paradoxal, hein. La prof qui fait « ksss », balance du sel et croise les doigts chaque fois qu’elle entend un truc qui sonne pas français, elle est fan d’Indo.
Mais c’est pas vrai. Quand mes ados écrivent un truc insensé mais super joli, j’suis toujours la première à m’en émouvoir. Ça m’aide pas à enseigner, mais… Au moins je transmets l’amour de la poésie :)

Je suis ce que je savais 
J'y ai dansé la nuit 
L'esprit parfois retrouvé
Et parfois c'est fini
Je me raccroche à qui? 
Tous mes héros sont morts 
Ne restent que mes ennemis 
Tant pis si j'ai eu tort

C’est si maladroit que c’en est hyper touchant, vous comprenez ? Parce qu’il dit un vrai truc, même s’il le dit mal. Et chuis désolée, mais c’est quand même vachement plus émouvant que « Je voudrais être la chaise sur laquelle elle s’assoit. » Pardon, hein. Bon, même si « Oui-ii, oui-ii / c’est moi / Ou-ii, oui-ii / voilà » c’est pas le truc le plus intelligent que j’aie entendu ces dernières décennies (je suis en train d’écouter le dernier album, pour ceux qui sont perdus – le morceau c’est Station 13. Et aussi : l’intro de Henry Darger (c’est qui???) = « on a écouté VNV et on adore »).
J’suis fatiguée. Faut que j’aille me coucher.

Trop-plein

Mardi 6 février 2018
22h33

Fact : les féministes nous font chier pour qu’on « féminise » la grammaire. Question : quand les Amerloques disent « her » en parlant de leur voiture, c’est positif, du coup ?

*

23h04

J’ai fait des progrès. Pas forcément dans le sens social du terme. Aujourd’hui, ma collègue m’a encore raconté sa vie. Je vois bien qu’elle a besoin d’attention. Mais l’envers du décor, c’est qu’elle n’accorde son attention à personne.

J’admets évidemment ça de mes élèves parce qu’ils ont treize ans en moyenne. Ma collègue, qui me laisse rarement la place de parler… Non. Je suis désolée, Béatrice, que tu éprouves le besoin de te vanter d’avoir été interviewée par des sixièmes, et que tu en profites pour me redire à moi ce que tu leur as raconté. Mais t’as pas douze ans, et quand j’essaie de dire quelque chose, tu m’envoies chier parce que t’es pas d’humeur. Alors… Va te faire voir.
Je l’ai pas dit, hein. J’ai opiné du chef et c’est impossible qu’elle n’ait pas vu que je voulais m’en débarrasser. Quoi que…

J’estime que c’est un progrès parce que y’a quelques semaines j’aurais culpabilisé.

*

Je sais que je suis pas juste avec les féministes. Mais JE SUIS une femme. Qu’elles considèrent mon avis comme « lamentable » me place instantanément du côté des hommes. Si les chantres de « notre » condition me condamnent parce que je suis ne suis pas comme elles, qu’est-ce qu’il reste ?

Parmi nous, y’a des putes des lolitas des meufs qui refusent d’être mères, des quarantenaires qui se coupent les cheveux à la garçonne des voilées des pondeuses des allumeuses des gamines, des racistes des scientifiques des rêveuses des littéraires des punks des pochetronnes des madones et des iels. Pour ma part, et je suis pas, je pense, la seule, j’ai un cerveau en état de marche. Aussi, j’ai du mal à admettre qu’on veuille m’inculquer quoi que ce soit. La Tribune du Monde, avec Deneuve, j’étais d’accord avec. Si vous pensez que traiter mes semblables de connes affligeantes va faire progresser votre message, venez prendre quelques cours de pédagogie.

J’en ai ras-le-bol qu’on estime penser mieux que moi. Dans ce cas de figure, féministes et macho-men, même combat.

Mais foutez-moi la paix, bordel. Parce que vous ne vous entourez que de connards à qui vous donnez raison, moi j’ai tort parce que je ne les connais pas. Eh bah, j’sais pas, essayez de changer la donne. Essayez d’échapper à votre vie, bon dieu. Les mecs dont vous parlez, je les vois pas. Je ne dis pas qu’ils n’existent pas. Juste que vous glorifiez chaque jour leur pouvoir en parlant de leur société patriarcale. Putain, l’envergure que vous leur donnez, à ces pauvres mecs dépassés, persuadés de leur supériorité sur les femmes, mais aussi sur les gays les désaxés les drogués & co. !

On est vachement plus nombreux qu’eux, et rien ne nous oblige à les écouter. J’en ai soupé des pauvres victimes. Le pire, c’est que les rares femmes qui ont osé s’exprimer contre les hashtag weinstein & metoo se sont fait laminer. Comme si c’étaient pas de vraies femmes et/ou qu’elles avaient trahi leurs consœurs. Hey ! C’est des gonzesses aussi. Elles ont autant de légitimité que les autres à parler. Et quand elles disent « ça fait dix ans qu’on sait que c’est un porc », pardon mais elles ont probablement raison. Comme la fille à Allen : dix ans qu’elle essaie de se faire entendre. Et qui l’a envoyée chier ? Des femmes. Elles ont beau jeu de l’inclure dans leurs révoltes, maintenant. Dix ans qu’elles acceptent toutes de tourner avec le mec hype des Inrocks et Télérama. Dix ans qu’elles se foutent de la poire d’une meuf qu’elles érigent maintenant en égérie. Trop crédible. À peu près autant que les mecs qui ont soit-disant grandi avec une console entre les mains alors qu’ils harcelaient les geeks au collège.

Et qu’on vienne pas me dire que je suis pas du côté des victimes. Je l’ai toujours été. J’en suis une. Mais je crois pas que ce soit leur rendre service que de leur maintenir la tête sous l’eau. Je dis pas non plus qu’on peut se remettre de ses traumatismes. Certainement pas. Mais c’est pas une meuf qui s’est fait siffler dans la rue qui va m’apprendre que la life est trop difficile. Pauvre petit cœur. C’est pas parce que t’as de la thune que t’es pas dépressif. Non. Mais un poil d’humilité, ça fait pas de mal. T’es pas obligé d’étaler tes problèmes en place publique comme si t’étais le seul à en avoir, et si tu penses que c’est pour bâtir un monde meilleur, laisse-moi te dire : on va continuer de souffrir. Et désolée si je suis condescendante. On est né avec une conscience, alors oui, on va morfler. On va pas éradiquer le malheur. C’est triste ? Sans doute.

J’aimerais juste que les gens arrêtent de se prendre pour le centre du monde. Qu’ils cessent de monter au créneau chaque fois que le monde ne leur ressemble pas.

C’est ce que je suis en train de faire ?

Ah bon ? À part sur mon blog ? Quand est-ce que j’ai ouvert ma gueule pour faire savoir à Machin que je le trouvais trop con ?

Jamais. J’ai écouté ou contourné. Je me suis bouché les oreilles. J’ai tenu ma langue. Juste, s’il vous plaît, arrêtez de parler.

Sister (suivi de : Nouvelles Divagations Éthyliques.)

Samedi 3 février, 23h38
♫ Cyborg Attack – Bloody Truth


J’ai perdu des amis en cours de route. Julia, évidemment, et avec elle, Élise. Et puis Anne-Lise, sans que je sache vraiment pourquoi, tout en étant consciente de mes manquements – qui suffisent, sans doute, à expliquer sa défection. Ludo. Arthur, dont je crois comprendre – mais c’est arrogant – qu’il tenait trop à moi pour me voir comme juste une meuf à qui parler. (Et Cécile, et Amélie, et Clémentine, et Émilie... mais… dans une moindre mesure.)

Et c’est tout, parce qu’il y a jamais eu trente-six personnes à qui je tenais. Les gens sont opaques. On sait jamais s’ils veulent une béquille ou s’ils tiennent à vous.

Géraldine est retournée à l’HP. Je tiens à elle ! Mais je sais pas comment je pourrais l’aider. Alors je m’éloigne. Je suis comme les gens : je me préserve quand le bénéfice est trop mince. J’en veux à personne. Parfois, je suis triste parce que je me sens seule, mais j’en veux à personne.

Mais j’ai une sœur. Du genre avec qui j’ai pas eu besoin d’échanger le sang qui coulait de ma paume au milieu d’un cimetière (j’ai fait ça avec Anne-Lise, c’est con que ça n’ait servi à rien. C’est naze, les pactes non avenus.)

Ma sœur et moi, on a jamais eu besoin de s’allonger sur des tombes au milieu de la nuit pour se jurer fidélité, parce qu’il se trouve que chez nous, « frangines », ça a vraiment un sens. Si tu la touches, je te marave ta gueule, qu’importe si au fond t’as raison.

Ma sœur, c’est pas du tout moi. Elle a des milliards de défauts, je vous jure ; parfois j’ai envie de l’étrangler. Mais j’suis la seule à en avoir le droit. Les gens, souvent, expliquent ce genre de complicité *qu’ils envient probablement sans la comprendre* par les événements qui l’auraient créée. J’en crois pas un mot. Pour citer France Gall – enfin, Michel Berger – (hey ! c’est de circonstances !) : « Si tu l’as, tu l’as ! »



Ma sœur et moi, on se disputera pas l’héritage sur le cadavre de nos parents. Oh ! On va s’engueuler à un moment, j’en doute pas – on l’a déjà fait des centaines de fois. Mais elle et moi, c’est une histoire de veines mêlées.

« Qu’est-ce que c’est les histoires ? » demandait machin dans La Théorie des Balls. Y’a pas d’histoires. Mu a décroché le téléphone ce jour-là et assumé le reste. Y’a des années de ça, elle a fait l’adulte pendant que je me vautrais dans le fauteuil du médecin qui m’exaspérait tant – il a cru qu’elle était l’aînée. Et la prochaine fois qu’elle fait de la merde, je le lui dirai, parce que chuis incapable de faire autrement. Et c’est comme ça, c’est notre dynamique, et la seule à pouvoir me le reprocher, c’est elle.
J’dis pas que c’est bien, mais si quelqu’un doit me le faire remarquer, c’est elle.
(ou mon homme, parce qu’il sait)

Ma sœur m’a dit un jour qu’elle m’avait perdue. Même avec le recul, je ne pense pas que quiconque aurait pu me sortir de la merde comme elle l’a fait ce jour-là, et c’est probablement dû au fait qu’elle l’a pas fait exprès. Je veux dire par là qu’il n’y avait pas de jugement, pas vraiment, y’avait juste la déception, mais c’était comme ça. Elle m’a pas fait la morale. Elle a constaté que j’étais partie. Donc je suis revenue. Ma sœur elle peut faire ça, et c’est pas donné à tout le monde, et ça marchera pas sur vous (pardon, frangine. Évidemment qu’il y a des gens sur qui ça marchera, et ceux-là, t’as intérêt à les garder précieusement. Parce que si on passe notre temps à écouter l’avis des autres, il faut conserver ceux parmi eux qui entendent le nôtre.)

*

♫ Lacrimas Profundere – Solicitude, silence

Tu vois, c’est ce genre de morceau qui me fait sortir de mes gonds. Au sens où ça me libère. Je suis contente que ce soit un titre que j’ai aimé y’a quinze ans. J’aime que certaines choses ne changent pas. L’histoire des symboles qui parlent à notre place. Là où ma voix s’éteint, l’art maintient le lien. J’aime entendre des gens hurler quand je suis juste capable de vociférer.

♫ Nachtblut – Antik

Je serai en vie au milieu des cadavres. Je suis en vie au milieu des cadavres. Il est tard : ils dorment.
Je suis toute seule au milieu de la ville endormie, et je danse (comme Fenris ! Personne ne me voit jamais danser, mais je le fais… c’est à la fois mystérieux et joli, non ? ;))

Y’a de la fumée partout, et l’air de dehors qui se mêle au tabac râpeux. Les fantômes s’engouffrent par la fenêtre ouverte. C’est dommage, que j’aie besoin de l’ivresse pour me sentir vivante. Non ?
Je ne suis pas en état d’en juger. Je suis forte, je suis heureuse. La mélodie monte staccato, comme j’aime. J’ai envie d’ouvrir les bras, même au moment où la voix se tait et où les violons sirupeux prennent le relai, parce que j’aime quand c’est mielleux, quand la musique me confirme que la vie est épique-tragique-et-incroyablement belle.

Tu fais chier, maman. Tu sais qu’heureusement que tu m’as donné une sœur, parce que sinon je t’en voudrais à mort (super, l’expression !) Heureusement qu’elle te traduit. Tu voulais pas qu’on se recueille sur ta tombe ? Mais t’es même plus là ! Qu’est-ce que ça peut te faire ? Pourquoi tu m’as rien laissé ?

Je sais bien, que tu pensais n’avoir rien à donner. Tu croyais que disparaître solutionnerait tout. Mais à d’autres, putain !

J’avais une mère à qui je tenais, et comme j’ai pas su le lui montrer, elle s’est éteinte sans rien me laisser. Elle croyait être un poids – elle l’était, putain, elle m’a putain d’emmerdée - et du coup, elle a préféré disparaître. Fait chier. Tu fais chier, maman. Où je vais ? À qui je me confie aux heures indues ? À une bague ayant appartenu à mamie, et à ton collier ? Je suis certes fétichiste, mais quand même. Elles sont où, vos tombes ? À quels spectres puis-je parler ? Où dois-je me recueillir ? Tu savais, pourtant, que j’avais besoin d’ancrages !
Tu savais sans doute pas. Merde !

Mon père et ma sœur, ils savent se confier à l’abîme. L’un rationalise, l’autre accepte. Moi je fais ni l’un ni l’autre. J’essaie, je vous jure. Mais quand je regarde l’océan, je me souviens qu’on n’y a même pas balancé ses cendres. Ils sont d’accord pour le faire, c’est prévu et tout, c’est pas une cabale que je lance. Enfin si, mais contre maman. Tu voulais pas qu’on se recueille sur ta tombe. Mais t’avais des filles, bordel ! Qu’elle ait pas pensé qu’on puisse vouloir le faire me terrifie. Ma mère n’envisageait pas que son existence ait du sens pour qui que ce soit. Elle voulait qu’on l’oublie, qu’on fasse comme si elle avait jamais existé. C’était ma mère, putain. Comment je pourrais faire comme si elle avait pas existé ?

Et mes collègues qui continuent de balancer les détails de leur life sans se soucier de la mienne. J’ai survécu à un putain de tsunami, et personne ne me demande comment je vais.

C’est pas vrai. Du tout. Ma sœur mon mec Valérie les amis. Ils sont là. Pourquoi tu veux toujours que le monde entier reflète ta peine ?

Parce que ! Le monde entier, je l’ai haï puis intégré, et il continue d’en avoir rien à foutre.

Je suis tellement en colère, maman. Et toi tu le savais. Tu m’as toujours couverte, auprès de papa, notamment. Je séchais le sport en prétextant que j’avais mal au ventre, et tu me signais un mot sans sourciller et même, en m’approuvant. Pourtant, t’étais une bonne basketteuse, si mes souvenirs sont bons ;) Tu faisais preuve d’empathie, tout le temps, même pour des gens moins malheureux que toi. Dieu sait que t’étais chiante, mais pour ce qui était de plaindre tes contemporains, t’étais la première !

Aujourd’hui, je me sens obligée d’expliquer aux gens que « handicapé », c’est pas une insulte, c’est un fait. Tu me manques, bordel. J’arrive toujours pas à y croire, parce que j’avais jamais enterré personne à qui je tienne. Je savais que les gens mouraient, mais j’étais toujours passée au travers. J’ai dit adieu à des gens que je respectais, mais c’était pas comme ma mère. J’ai déjà pleuré devant des cercueils, mais c’était plus ma terreur de la mort qui parlait qu’une véritable peine. Et même si tu m’avais avertie – ton état il y a un an ne laissait que peu de place au doute – il n’empêche que je l’avais pas vu venir. Parce qu’on s’imagine pas mourir, pas plus que nos proches.

Au fond, j’ai toujours cru aux fantômes. Que t’ais choisi d’être réduite en cendres me perturbe plus que de raison. J’ai l’impression que tu peux plus être nulle-part et même si je sais que c’est ton choix, ça m’angoisse. Quand la télé ou la radio font des leurs à la maison, je peine à croire que c’est toi qui fait chier jusqu’au bout, alors que ça devrait être toi, bordel. Tu tenais tellement à disparaître que t’as réussi. C’est pas donné à tout le monde, félicitations !

Je sais pas ce qui me maintient debout (à cette heure-ci, je veux dire (il est 2h00)). Les fantômes, peut-être :)
J’veux pas domir - 6 heures, mon idéal, c'est d'aimer avec horreur (Mylène Farmer – Effets secondaires)

Ma sœur et moi, on a aimé Mylène Farmer à la folie. Elle s’en est détachée plus facilement que moi, peut-être parce qu’elle est plus forte, ou c’est le contraire. J’en sais rien. N’empêche qu’elle est la seule à savoir pourquoi je regarde de vieux clips à deux heures du mat’, y compris des trucs relativement récents comme L’amour c’est rien.
Je pourrais jamais vraiment en vouloir à la meuf qui a écrit Désenchantée.