Sad warrior soul, they say

Lundi 3 juillet 2017
00h00
♫Icon of Coil – Dead enough for life

If I'm not dead enough for life
Am I alive enough for death ?

Que voulez-vous ? J’aime bien :) Je trouve que c’est une putain de bonne question.

Une part de moi ressent encore une certaine honte à écrire les questions au fur et à mesure que je me les pose. Une petite partie, car cela fait longtemps que je n’ai pas été aussi sereine. Le fait que je ne sois pas en face des élèves demain a son importance – je ne suis jamais si calme que lorsque j’imagine mon travail – mais même sans ça… J’ai l’impression d’avoir de la magie au bout des doigts. De la magie dans le ventre. Et je veux absolument m’en souvenir, pour comparer avec l’époque où la musique me torturait. Ce soir, elle fait partie de moi. Ces derniers temps, chaque mot, chaque mélodie,  chaque histoire murmurée, est un glyphe apposé sur mon armure. Je tairais les doutes qui m’assaillent, l’armée de démons chuchotant leurs mensonges en mode « tu ne fais rien, c’est pratique d’aller bien » ; parce qu’ils ont tort. Je sais l’été de mes dix-huit, de mes vingt ans. Je sais que là n’est pas la question. Il ne manque que la méditation et la conscience des cycles pour devenir la sorcière.

Mais elle arrive ! Je sens les sortilèges crépiter au bout de mes phalanges, alors même que ma bague gît abandonnée sur mon bureau depuis qu’elle s’est brisée – encore. Je ne la retourne plus dans tous les sens, fêlure oblige, il n’empêche qu’il sera difficile de m’arrêter.

J’ai l’alcool guerrier, et ça n’était jamais arrivé.

Je ressens tous mes souvenirs. J’ai les rues de Québec incrustées dans les veines, les hématomes de mes parents cerclés autour des bras, et la rage qui enfle dans la bouche. Mes anciennes muses se tiennent en cercle autour de moi, et augmentent mon pouvoir. J’égraine leurs prénoms en boucle. Je croyais que je devais les sacrifier, stupide ! À chaque itération, le cercle s’élargit. Julia, Mylène, Maman. Je suis essoufflée, j’ai du goudron plein les poumons. J’essuie l’écume sur mes lèvres. Julia, Mylène, Marie, Lætitia, Léa – mes muses sont féminines. J’ai obtenu quelque chose que j’ai détruit. J’ai voulu, parfois, qu’elles soient ce qu’elles n’étaient pas. J’ai voulu qu’on soit ce qu’on n’était pas. Mais j’ai plus peur – tu mens ! M’en fous, reste la sœur-sorcière.

Cette écriture automatique m’effraie. Tout se mélange.

Je suis sereine. Ça ne se voit pas, mais c’est le cas. Je vois pas l’horizon – mais j’ai jamais voulu. Quand t’as peur de la mort, le bout du chemin, c’est pas vraiment ta préoccupation principale. Je regarde autour de moi, pas plus loin. Et je vois l’accomplissement. L’absence d’Angoisse au creux de mes reins a tout d’une victoire. C’est le même soulagement que quand une douleur se tait. C’est ouf, cette sensation. Je marche vers la mort et je me sens de moins en moins anxieuse.

00h34
♫God Module – A night like this

J’ai passé 194 heures de ma vie à jouer à Dragon Age 2. 194 heures que je ne regrette absolument pas, tant j’ai l’impression, chaque fois, de plonger dans un univers que j’aime, dont les personnages m’émeuvent – tous, même ceux que je n’aime pas. Affabulation ? Non, pas vraiment. In real life, je passe autant de temps à comprendre ceux qui m’entourent. C’est juste qu’ils ne me le rendent pas. J’aime m’imaginer dans un monde dans lequel les mots ont du pouvoir.

J’ai l’air cynique, hein ? Le pire, c’est que… ce n’est pas le cas. Vraiment. J’ai toujours vécu dans un monde imaginaire. J’ai toujours eu des gens dans ma tête. Ce n’est la faute de personne. C’était déjà comme ça quand j’avais dix ans. Je ne fais pas exprès de n’être pas réelle. J’ai juste trouvé cette solution, un jour, pour être moins seule. Marlène, Flora, Tony, Manu, Marco, Stéphane, Olivier… J’ai honte d’avouer qu’ils ont toujours existé. Je n’y peux rien. J’ai souvent pensé que je m’en débarrasserai, mais je me suis trompée. Je ne peux pas !
Parfois, ils disparaissent pendant plusieurs semaines. Je suis occupée à autre chose. Mais il arrive toujours un moment où j’ai besoin de me replier sur moi-même et de les invoquer.

Quand j’étais en CP, un jour, la cloche sonnant la fin de la pause déjeuner a dû sonner, et je ne l’ai pas entendue. J’errais dans la cour, j’ai l’impression que ça a duré des heures (se méfier des souvenirs qui se modifient à chaque itération). Je ne sais pas quelle heure il était quand j’ai repris conscience. Les « grands » étaient dans la cour et je suis remontée en classe complètement paniquée. Je n’ai pas la moindre idée du temps qui s’est écoulé. Je ne sais pas pourquoi personne ne m’a vue. Une autre fois, en CM1, j’étais tellement plongée dans mon livre que quand j’ai repris pied dans le monde réel, mes camarades en étaient à je-ne-sais-combien de fiches de travail posées sur l’estrade. Je me suis levée, complètement perturbée, et j’ai couru chercher mon travail en me demandant depuis combien de temps j’avais lâché prise. Probablement pas longtemps mais… pourquoi madame Mazé ne m’a-t-elle pas vue bouquiner plutôt que de faire ce qu’elle demandait ? Ça me perturbe… ! J’ai l’impression d’avoir littéralement disparu pendant un moment…
Je sais bien que ça fait partie de ma mythologie personnelle, mais ça n’a jamais cessé de m’interroger. Aujourd’hui, je pense à Scott Landon et à sa faculté à disparaître sous les yeux des gens… Évidemment, ça me plaît.

D’une manière générale, je me suis toujours complu à vivre plus intensément dans un univers qui n’existait pas. J’y ai vécu mes plus grands drames, parce qu’il était plus facile de les sublimer dans ce contexte. Toutes les horreurs que j’ai vues en vrai, je les ai réécrites dans mon univers imaginaire. Je pense sincèrement que si je ne l’avais pas fait, je serais sacrément perturbée, aujourd'hui.

C’est pour ça que je fuie les vraies gens. C’est pour ça que j’ai pas été à l’anniv de Christophe, et que j’écris pas à Valérie. Regardons les choses en face : ces gens sont vachement moins concrets que ne le sont Marco et Manu. J’ai essayé de fitter mais il n’y avait aucune chance que ça marche. J’aime jamais autant les gens que quand ils ne sont pas réels. Et, pour ma défense, je ne pense pas qu’ils me souhaitent réelle non plus. Martial est le seul à me recontacter même après que je lui aie dit que j’abhorrais le téléphone. C’est le seul qui ne se soucie pas de mon taux d’alcoolémie ou de mon absence aux moments cruciaux, de toute évidence. Les autres, s’ils savaient… Mais ils ne savent pas, parce qu’ils ne veulent pas. J’ai toujours eu envie d’une relation hyper intense complètement romantique et romancée.