Catharsis

Vendredi 14 décembre 2018, 22h24
♫ Enya - The Humming

Salut maman,

Je t'avais promis de revenir...  et j'ai mis le temps, je sais, et je sais aussi que tu t'en fous. T'as la patience des océans, maintenant. Le souffle des méditants et la puissance des forces telluriques. J'ai beaucoup photographié et filmé la mer, en novembre. J'ai arrêté quand décembre a posé sa faux sur l'horizon. Tout a pris une teinte blanche et uniforme ; l'hiver s'est coulé dans la lumière.

La douleur s'est apaisée, comme elle était supposée le faire. Pourtant je suis à nouveau ivre, et je sens que je dois te parler, maman. Je n'ai pas encore de nom pour ce qui me consume, ce qui, pour la littéraire que je suis, constitue un problème en soi.
Tu n'es plus là, et cette absurdité ne cesse de me transpercer. L'aller-retour enthousiaste d'une lame maniée avec ironie. La mer m'apaise toujours autant, mais je ne cesse d'y voir rouler des fantômes.

J'ai toujours aussi peur, tu sais, c'est pour ça que je continue de te parler : pour oublier qu'au fond, je ne crois pas que tu m'entendes.

Je t'aime, putain, maman.

J'ai foi en mes convictions, et j'ai foi en les mots. J'ai foi en la force des symboles, et en ma certitude du non-sens. C'est avec toute ma rationalité que je t'invoque. Parce que, maman, si rien n'a de sens, alors tu peux bien me revenir et m'accompagner. Et si je t'espère chevauchant les vagues au son de Storms in Africa, rien, dans ce cas, ne peut l'empêcher d'advenir.

♫ Nachtblut - Antik

J'ai même pas honte de dire à quel point cette chanson a du sens pour moi. J'ai un super bon potentiel midigoth, à la base, parce qu'elle a accompagné ma lecture de Love Street comme Vale of tears avait secondé celle d'Armand le vampire (rien que l'assemblage de ces deux titres est terrifiant de gothitude). Le fait est que Mu écoutait Fairy Tail et s'enquillait les let's play de Bob Lennon. Parce qu'on avait besoin de légèreté, oui, pour autant celle-ci n'était que de façade. Là où vous voyez peut-être du superficiel et du mauvais goût, nous avons puisé des ressources qu'on ne trouve pas, d'après moi, chez les "grands" : ils nous sont par trop étrangers. Aussi éperdument passionnée de tragédies que je sois, je n'y trouve pas la catharsis espérée, ou plutôt, la catharsis ne me libère nullement. Il faut du quotidien, du vécu, ne serait-ce que parce que se dresser face aux dieux, c'est bien beau, mais les dieux n'existent pas. Il faut s'affronter au vide. C'est pour ça que j'aime Antigone, dont je parlais sur le Carnet : ce sont les hommes qu'elle récuse, pas les dieux. Les artistes "mineurs" peuvent le faire avec moins de mots, mais autant, voire plus, d'enthousiasme, de colère ou d'innocence. Se révolter, quand on est un intellectuel reconnu, c'est facile : tout le monde est d'accord avec vous.

Mer(e) et terre

Jeudi 13 décembre 2018, toujours, il est 23h20.
♫ Midnight Oil - The dead heart, after Liquido -  Narcotic

1. Il est à noter que j'aime les musiques qui me rendent heureuse, et beaucoup moins celles qui m'enfoncent la tête sous l'eau.

2. Ma sœur n'est pas mon âme sœur. Elle est ma sœur dans le sens le plus fort, le plus mythologique du terme. Amies, ennemies - jamais -, nous sommes reliées. Si tu t'approches de trop près et que je ne te sens pas, gare aux griffes. Qu'on ait douze ou cent ans, ça ne change pas.

She crazy like in every single way
Like a hurricane
You gotta get out of the way
But she's hot, and she's cold
And she's cool and she's bold
And she's full of rage like me

Lana Del Ray, Noir

3. Les rouleaux sur la plage à Saint Quay.
Comme si le ciel se dévidait dans l'écume. Il faisait froid et gris. J'étais seule au bord de mer.

Signes

Jeudi 13 décembre 2018, 22h49
♫ VNV Nation - Further & 4400 theme extended

Se savoir vivant quand l'autre est parti est une sensation très particulière. On a l'impression de percevoir une dimension supplémentaire. Tout devient signe, et aucun ne nous est destiné. Notre insignifiance nous terrasse, et nous exalte.

J'ai bien fait de continuer à regarder Harry Potter. Les autres années, je me suis arrêtée au premier film (je mate toujours Harry Potter aux alentours de décembre). Je me dis que je devrais les relire. Après tout, j'avais quinze ans de moins quand j'ai passé outre mon rejet stupide de tout ce qui est populaire. Comme hier, j'y découvrirai probablement bien d'autres choses. Ma force, en dehors de ma foutue et trompeuse colère, c'est surtout d'être capable d'introspection. Je sais toujours très bien qui et où je suis. Je démêle mes propres fils sans difficulté. Dommage que je sois incapable d'étendre cette faculté à mes contemporains.

 

Le refus et le mouvement

Mercredi 12 décembre, 22h12
♫ VNV Nation - Standing (live)


Je viens de revoir L'Ordre du Phénix, et à la fin du combat entre Dumbledore et Voldemort, tandis que ce dernier possède Harry, j'ai réalisé quelque chose que je n'avais jamais compris : c'est pas tant le pardon qui est difficile, que de se prémunir contre la fureur et l'abandon.
Le pardon, c'est autre chose.

Le premier mouvement, c'est le refus. L'unique mouvement. Je m'en suis tenue à la colère, mais elle me consume tout autant que si je m'étais résignée. Rien ni personne ne devrait avoir un tel pouvoir sur moi.

C'est pour ça que les héros en sont, c'est pour ça qu'ils sont badass. Ils sont puissants parce qu'ils sont au-dessus. Ils savent canaliser leur rage, et la transformer en un bruit blanc qui fonde leur méditation. Elle ne les accable pas, ils la surplombent. Elle n'a pas disparu pour autant.

J'ai toujours cru, au fond de moi, que ma colère était ma force, qu'elle me constituait, mais j'ai rarement su la dépasser. Elle est fondatrice, oui, mais pas que de mes cicatrices. Elle suppure en permanence. Elle m'affaiblit, alors que je croyais m'adosser à son aura rouge et destructrice. Je croyais que j'étais puissante, alors que je me recroquevillais à chacun de ses assauts.

Mais j'ai compris. Et tandis que Ronan Harris crie "Are you happy ??" je crois que pour la première fois, je peux répondre que oui.

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La nuit dernière, j'ai rêvé que nous entrions dans une forteresse. C'était un labyrinthe rempli de touristes et, alors que je nous croyais parvenus au terme du parcours, je réalisais que j'avais été abusée par la perspective, et que ce que je savais être la sortie se trouvait au-delà du rempart infranchissable. J'en ai conçu une impatience et une frustration exacerbées. Le rêve a recommencé. Cette fois, je savais où aller. Nous sommes arrivés au bout. Nous ne pouvions pas pour autant sortir. L'impatience s'est muée en anxiété.

Nous avons traversé des pièces lumineuses, des cloîtres, des remparts. Une fois, deux fois... J'ai l'impression d'avoir refait ce rêve en boucle trois ou quatre fois. Je me suis réveillée en sursaut entre chaque itération, et chaque fois que je me suis rendormie, je suis revenue au point de départ. Quand le réveil a sonné, j'ai hésité entre le soulagement et l'angoisse. J'aurais bien aimé sortir ; j'avais l'impression d'être toujours prisonnière de cet endroit sans issue, et bondé.

Comme à chaque fois que je visite en rêve un lieu clos, une impression très fort de déjà-vu nourrissait mon exaspération.

D'après le dictionnaire des rêves de Tristan Moir, "le château est le siège de l’imaginaire humain. C’est, plus précisément, l’imaginaire de l’enfant qui est représenté par le château. Celui qui le visite en rêve est donc en train de se reconnecter avec sa capacité à imaginer ou à créer d’autres mondes, ce potentiel extraordinaire de l’imaginaire créatif de l’enfant. Dans son histoire, l’individu le bâtit, l’abandonne pour le redécouvrir. Ce retour sur soi est aussi une capacité à ré-enchanter le monde.

C’est dans le château, derrière ses murs, dans le labyrinthe de ses couloirs et de ses souterrains, à l’intérieur de ses pièces innombrables que l’individu résout l’énigme, le mystère de la vie. C’est ici qu’il peut un jour découvrir un trésor, celui de sa nature véritable.

Le château un lieu mystérieux, magique où peuvent se dérouler toutes les transformations. Ainsi, l’homme peut l’approcher, mais pour y parvenir, il doit d’abord vaincre le dragon pour atteindre la princesse. L’histoire devient plus universelle. C’est la quête fondamentale de l’homme, la rencontre avec son opposé, sa partie d’ombre."

Derrière le blabla - et la coïncidence des révélations -, je souris (jaune). L'adulte prisonnière de son imaginaire - ses traumas -, l'incapacité à imaginer, à créer autre chose, l'énigme non résolue, la transformation non advenue. N'en déplaise à Vanina autant qu'à mon esprit cartésien, les pièces s'emboîtent, comme d'habitude.

Rhaa

Jeudi 6 décembre 2018, 21h05
♫ Cyborg Attack - Blutgeld

J'ai l'impression d'avoir appris pas mal de trucs, ces deux dernières années. Je suis plus patiente et je porte beaucoup moins de jugements à l'emporte-pièce. Mais y'a un truc que j'ai toujours pas réussi à soigner, tellement c'est épidermique : je ne supporte pas l'autorité, quand je l'estime déplacée ou mal utilisée. Je vois qu'épidermique se dit en réalité "d'une réaction qui présente d'emblée un certain caractère d'hostilité, d'agressivité", ce qui qualifie tout à fait ma manière de réagir, mais ce que j'entendais par là, c'est que c'est si spontané que je ne vois rien venir, donc je n'ai pas le temps de prendre du recul.

Ça m'est encore tombé dessus tout à l'heure (ou c'est tombé sur mon interlocutrice, c'est selon, mais les conséquences, elles sont pour moi.)
J'ai fait une belle boulette, cette semaine : j'avais bien noté les rencontres parents-profs de 3e à Stella Maris aujourd'hui, mais omis que le jeudi, je finis à Paimpol. Il aurait fallu que je bloque les premiers créneaux disponibles, au moins jusqu'à dix-sept heures, et je ne l'ai pas fait. Donc, je me retrouve ce midi, en panique, à mendier auprès de la CPE (la directrice était en rendez-vous et c'est la CPE qui gère la perm') la possibilité de lâcher les 4e vingt minutes en avance. Ça passe, y'a de la place en perm', c'est réglé. Là-dessus, je vais fumer une clope, histoire de décompresser cinq minutes avant la reprise des cours (le jeudi, je bosse de 8 à 16h30 sans autre pause que la pause déj', durant laquelle je fais aussi le trajet entre les deux établissements. Bref.)

La directrice se pointe et m'incendie. Je me répands en excuses, j'explique que je sais que c'est une faute professionnelle. Elle me répète que je dois assurer mon heure. Je réexplique que je ne peux pas. Rebelote. Ça commence à m'énerver et ça se voit, je me prends un "tu comprends bien que je suis dans mon rôle de directrice de te dire ça", je réponds que oui, que je suis toujours aussi désolée et que j'assume complètement, et je finis, à bout, par glisser un "alors propose-moi une solution." Elle fait mine de réfléchir, ou réfléchit vraiment, je sais pas, et me dit "il faudra rattraper ton heure." J'ai répondu que bien évidemment (je vous passe le moment où elle m'explique que le collège pâtit terriblement de cette erreur : je les lâchais vingt minutes en avance, hein.)

Je peux pas vous la refaire vraiment dans l'ordre et d'ailleurs vous vous en foutez, j'écris juste pour me défouler, mais déjà, me dire que je devais assumer mon heure alors que j'étais dans l'impossibilité de le faire et qu'une solution avait été trouvée, j'ai trouvé que c'était peu pertinent. Ensuite, elle m'a sorti : "déjà que tu n'étais pas là au conseil de classe, et que tu es partie en formation..." Le pire, c'est que j'ai beau rester calme - même si ma colère froide se lit sur moi comme dans un livre -, je n'ai rien su répondre à ça, alors que c'était parfaitement déplacé. Mon absence au conseil était justifiée et j'en avais fait la demande bien en avance. Quant à la formation... J'ai loupé deux heures de cours, chacune avec une classe différente, pour me former avec deux collègues sur le projet Classe Actu. Ce n'est pas moi qui ai formulé cette demande, mais ma collègue documentaliste. Le projet Classe Actu, la directrice en est ravie, elle ne manque pas de s'en vanter chaque fois qu'elle croise un parent. Alors tu sais quoi, Élodie ? C'est la dernière fois que je mène le moindre projet d'envergure avec nos élèves. Ça me prend du temps supplémentaire, ça m'oblige à repenser mes progressions pour le caser parmi les impondérables du programme, j'ai dû faire un aller-retour à Saint-Brieuc et y passer la journée alors que j'avais que quatre heures de cours ce jour-là. Si j'ajoute à ça que même s'il est normal que je me partage entre mes deux établissements, je ne dois à Saint Jo' que 8h de cours contre 13 à Stella...

Ça fait longtemps que j'avais pas été de si mauvaise humeur. En plus, je suis apparemment incapable de me faire comprendre, dans ces cas-là ; on dirait que mon corps exprime tout le contraire de ce que je dis. Je dis que je comprends le savon et que je le sais mérité, on me rétorque "mais je ne t'engueule pas." Je dis que j'assume mais que je ne sais pas quoi faire, on me répond "mais enfin ne t'énerve pas, j'ai toute légitimité à te parler comme je le fais." J'ai l'impression d'une conversation de sourds qui me met d'autant plus en colère.

Et comme j'ai aucun sens de la mesure et que j'ai horreur de devoir rendre des comptes à quelqu'un que je ne respecte pas, ma première réaction après ça a été d'envisager ma démission. Je me suis dit "ah tu veux jouer à ça ? Très bien, demain j'abandonne mon poste, démerde-toi pour trouver quelqu'un au pied levé pour assurer tes huit heures et reprendre les projets en cours. On verra si tu préférais pas une prof à la ramasse."

Parce qu'encore une fois, c'est pas l'engueulade. Mélanie m'a aussi adressé un mail très vert, et parfaitement mérité. Comme tout le monde, j'aime pas trop m'apercevoir que j'ai fait une connerie, mais je suis capable d'entendre les critiques qui l'accompagnent. Mais quand je me suis excusée trois fois et que rien ne change en face, j'ai envie de dire : "eh bah quoi ? Prends une sanction, je sais pas moi !" Si je dis que j'assume, j'assume, mais si la sanction se résume à devoir baisser les yeux en répétant "oui madame", t'es tombée sur la mauvaise personne. Nos élèves, on leur donne des punitions en rapport avec leurs manquements. Fais pareil avec tes profs. J'ai manqué des heures ? Donne m'en d'autres ! Demande-moi de les justifier auprès des parents ! Je sais pas, moi !

Il est 22h, demain j'ai encore cours à 8h. "Mais au moins t'as un plein temps ! Je sais ce que c'est, tu sais, je l'ai fait pendant des années." Ouais Élodie, j'ai un plein temps, et même quatre heures de plus, et l'année prochaine tu me reverras pas. Je prendrai un temps partiel où qu'on me le propose, mais pas chez toi. Et j'espère que t'entendras les bruits de couloir. Même le prof de techno m'a dit : "bah tu sais, c'est ça les profs de sport..."  Ouais, c'est ça, les directrices qui ne connaissent de l'enseignement ni les corrections de copies ni, excusez-moi, les préparations de cours. On parle des seuls profs qui ne sont pas obligés de maîtriser la matière qu'ils enseignent. Ils ont le droit de noter la performance de leurs élèves en gymnastique sans être capable eux-mêmes de la pratiquer. Je sais pas comment ils font, moi j'aurais eu trop honte.

Sinon, j'ai proposé à Tom de lui consacrer une ou deux heures par semaine après les cours histoire de réviser pour le Brevet, mais je suppose que c'est parce que je ne suis pas assez dévouée à mon boulot.

Disparus en mer - À l'envers

mercredi 5 décembre 2018, 20h37
♫ VNV Nation - Noire

J'avais entendu la nouvelle aux infos du matin : un radeau de survie retrouvé vide au large de Saint Quay Portrieux, qui avait immédiatement convoqué mes souvenirs de Pêcheurs d'Islande, que j'ai lu il y a si longtemps, dans ma Beauce qui ne connaissait des marées que le vent dans les épis de blé.

Plus tard, en quittant mon collège paimpolais, j'ai croisé Karen, qui fumait en triturant son portable, comme souvent. Je lui ai souhaité une bonne après-midi, et elle a grimacé avant de m'adresser un vague sourire en disant "ouais". J'ai soupiré intérieurement, en pensant : "elle fait souvent la gueule, quand même. Je sais bien qu'elle a pas la vie facile, mais bon..."

Le soir arrivait le mail :
"Nous venons d'apprendre ce jour le décès du papa de Nassim H.
Ce dernier est porté disparu en mer et malheureusement il ne reste pas d'espoir après 12h dans l'eau.
Karen et Nassim seront donc absents quelques temps."
 
Voilà.
 
Je suis allée voir la mer, ce matin. J'y ai pris une photo, à laquelle je destinais la légende de celle que j'ai postée sur le Carnet. Mais j'y suis retournée ce soir - après tout, je m'étais promis de contempler la mer dans l'obscurité.
Après, je suis retournée à Stella Maris pour rencontrer mes parents délégués. J'ai dit : "ah pardon, vous êtes déjà là ! J'étais allée voir la mer...
- Hein ?
- Je suis allée voir la mer.
- Ah ! J'ai cru que vous disiez : j'ai été voir ma mère."

T'étais pas loin du compte.

Ils ont trouvé un corps, ce matin. Je les ai observés tandis que la vedette des sauveteurs prenait son élan sur l'océan, suivie par une foule de petits bateaux de pêcheurs.

J'espère que c'était celui du papa de Nassim. Ou pas ?

De l'utilité des spectres


 Vendredi 9 novembre 2018, 22h36
♫ Amduscia

Je craignais l'hiver, mais j'avais tort. À croire que si on refuse quelque chose de toutes ses forces, cette chose n'existe pas : il (a) fait un temps magnifique (ce soir, la pluie cingle le velux et le vent fait craquer la charpente). Quand je prends la route le matin à 7h, l'aube guide mes phares, et quand j'arrive à Saint Quay, et que le soleil ruissèle sur les flots, je sais que je suis vivante et - c'est la première fois - heureuse.

Florent, avec qui je discutais tout à l'heure, m'avouait qu'il revenait toujours aux mêmes disques. J'ai opiné : il ne s'écoule pas une semaine sans que j'écoute Amduscia. C'est la raison pour laquelle je les décris souvent comme mon groupe préféré. À l'exception de Mylène Farmer quand j'étais plus jeune, et d'Enya toujours, ils sont les seuls dont je ne peux pas me passer, parce que chaque fois que j'écoute Fucking Flesh ou Profano tu cruz, j'ai l'impression d'entendre la musique que j'aurais composée si j'en avais eu le talent.

Enya est sans aucun doute la BO de ma vie, mais Amduscia est l'exacte retranscription de ce qui m'habite. Depuis mon stage à Critic en... 2009 ? jusqu'à aujourd'hui, quand ma sérénité s'embrase. Je sais bien que c'est parfaitement subjectif, mais j'ai la sensation que si tu comprends Amduscia, si toi aussi tu entends la mélodie... alors tu me connais. Je sais depuis longtemps qu'il n'est nul besoin de partager quoi que ce soit avec autrui pour l'aimer, mais je cherche l'âme sœur. L'amie sœur, devrais-je dire, car certains pourraient croire qu'Ubik ne me suffit pas. Je cherche Julia.

C'est très injuste, quand j'y pense. Je réalise en l'écrivant que je ne vouais pas un grand respect à la fille qui a marqué ma vie. Ce que j'aimais, c'est qu'elle m'admire. Élise aussi m'admirait. Anne-Lise m'a, pour un temps, prêté des qualités d'empathie et de compréhension que je lui ai réservées l'espace de cinq minutes. J'aime qu'on m’anoblisse, mais je n'ai pas connu d'autres confluences d'esprit que celles que j'entretiens avec ma sœur et mon compagnon. Ils ont persévéré là où - à juste titre - les autres avaient abandonné, parce que je donnais juste ce qu'il fallait pour qu'on me remercie d'avoir été là au bon moment.
J'ai vraiment vu qu'Anne-Lise n'allait pas bien. Mais une fois que je le lui ai dit, et qu'elle a apprécié, je suis retournée dans ma coquille. Pas étonnant qu'elle ait fini par partir. Je me gargarise de mon empathie, mais je n'en fais rien. Ou, du moins, je n'en ai rien fait. Aujourd'hui beaucoup plus qu'avant, je m'embourbe dans mes propres paradoxes, puisque je suis prompte à réagir à l'émotion que me cause autrui, mais qu'au bout du compte, je fais souvent machine arrière. J'aime à montrer que j'ai compris, mais je suis rarement prête à assumer le fardeau que représente sa souffrance.

Plus les gens sont cassés, plus je me sens le devoir de leur dire que je sais. Quand bien même ce serait vrai, je me demande ce soir à quoi cela pourrait bien leur servir, puisqu'en revanche je suis persuadée que c'est à eux de s'en sortir tout seuls. Parce que j'ai déjà la mienne, de souffrance, vous comprenez. Je n'ai pas le temps de me noyer dans celle des autres, et surtout pas la force. Au bout du compte, tout ce que j'espère, c'est que vous reconnaissiez que moi j'ai mal, ça devrait suffire à nous connecter. T'as mal, j'ai mal, on s'est compris, maintenant on avance. Je ne supporte pas les gens qui se noient.

Sauf les ados. Le mail de ce soir. "Si Ninon était absente, c'est parce qu'elle a tenté de mettre fin à ses jours."
C'est pas une de mes élèves, alors j'ai effacé le message.

Je peux pas affronter ça. Je voudrais être l'héroïne qui redonne espoir et conviction à ceux qui ont sombré si profond qu'il faudrait un miracle pour qu'ils remontent à la surface. Mais je ne suis pas celle-là. Je ne saurais pas quoi dire, et je me partage entre impuissance et indifférence. Je ne peux pas porter ça, vous comprenez. J'ai lu le mail et je l'ai foutu à la corbeille avec la même impassibilité que quand j'ignore les mails d'Amnesty International. Je ne les lis même plus. Je mets la vie de mes contemporains aux oubliettes. Je les zappe avec la même facilité que quand j'appuie sur "suivant" pour sauter une vidéo YouTube. "Ah, encore un(e) condamné(e) à mort. Pas envie de m'en soucier. Tiens, la newsletter de Madmoizelle. Pas de quoi casser du bois : parfait."

Le mail de ma directrice : "pour aider Ninon à revenir parmi vous, confiez vos cours à sa prof principale." Ouais, Ninon a l'air d'être vachement préoccupée par les cours. Quand quelqu'un refuse la vie, la meilleure solution, c'est de s'accrocher au quotidien. Je parie ma paie que si c'est tout ce que le monde lui offre, elle recommence dans deux semaines.

Après, je suis une grosse connasse : qu'est-ce qu'on pourrait faire d'autre ? On est profs, pas psy ni travailleurs sociaux. Même si on le voulait, on n'est pas dans la vie de nos élèves et on n'est pas supposés l'être. Perso, c'est une des choses que j'ai le plus de mal à vivre, quand bien même je suis la meuf qui disparait sitôt que je vous ai tendu la main.

L'année dernière, je me suis figuré ce que ça ferait, d'accueillir un ado chez moi, un qui n'aurait pas d'autre recours. La première chose qui me soit venue à l'esprit, c'est combien je me serais sentie fière. Je suis comme tous les connards que j’exècre : autrui me sert à valider ma propre existence. Les ados mal dans leur peau confirment ma jeunesse pourrie, et leur découvrir une partie de mon esprit entérine le fait que je suis quelqu'un de vraiment cool.

Putain, qu'il est long, le chemin vers la bienveillance.

23h51
♫ Enya - On my way home

"Ninon a essayé de mettre fin à ses jours dans la nuit de mercredi à jeudi en avalant des cachets." Et putain, outre mon absence (encore une fois, je ne la connais pas, je ne me sens pas coupable), le... respect ?
J'ai jamais osé. J'ai jamais ne serait-ce que mis ma vie en danger - excepté les fois où j'ai laissé Mylène conduire une bière à la main en imaginant qu'on percute une bagnole, c'était une pensée agréable mais qui ne me coûtait pas grand-chose.
"Elle a perdu un ami proche pendant les vacances qui lui-même a mis fin à ses jours. (...) Je vous demande donc d'être (...) surtout bienveillant et attentif à son retour."

Tu fais comment pour être attentif au retour d'une personne qui a voulu mourir ? Tu crois que lui parler gentiment va la ramener dans le monde des vivants ?
Putain, moi qui n'ai jamais fait le moindre pas vers la mort, pourquoi je me permets une telle animosité envers ceux qui accueillent les revenants ? En quoi mon attitude sert-elle qui que ce soit ? Ma rage ne reflète que ma lâcheté. Je revendique une parenté d'esprit avec des gens que je ne connais ni n'ai soutenu. Je projette ma haine d'adolescente sur ceux qui ne font que ce qu'ils peuvent. C'est pratique, vu que je n'ai aucune idée de la façon dont il faudrait réagir.

Toute ma vie, je me suis vue du côté des désespérés. Je brigue une place que je n'ai jamais rien fait pour mériter. Je jure connaître les morts-vivants sans avoir jamais eu les couilles de mettre en pratique mes prétentions. Je ne suis pas digne d'eux. La force de caractère que je revendique est une putain d'imposture. Oh, je suis forte, sans aucun doute. Tellement que ma fascination pour ceux qui tombent est totalement hors de propos.

♫ Nachtblut - Antik

Mu m'a envoyé un message magnifique. Je vais me vautrer dedans toute la soirée. Oui, je suis saoule. "Si tu te soules, si tu es même confrontée à tous ces doutes, c'est parce que ça t'importe." Elle dit aussi que je ne suis "pas moins forte que les autres, ni moins légitime", et parfois je me pose la question. Moins forte, non, effectivement, je ne pense pas. Mais j'aimerais être plus légitime que les autres, je me targue de l'être. Je suis cette meuf qui croit tout savoir de la douleur d'autrui, et je suis persuadée que de ce fait, je saurai la résoudre. Mais je ne sais pas. Je ne suis qu'une conne qui raconte sa vie et se raconte celle des autres pour bien dormir.

Je ne sais pas ce qu'est la douleur, on me l'a assez répété *quart d'heure auto-apitoiement !*
Mais de fait, je ne sais pas. J'ai écrit des lettres que j'espérais êtres lues après ma mort à 14 ans. Mais six mois plus tard, j'étais toujours là, preuve de ma propension à me mettre en scène. C'est probablement une des choses qui m'aient le plus vexée : à 17 ans, j'ai séché un cours de sport. Je me suis tailladé le poignet droit, assez fort pour que le sang coule vraiment. J'ai eu peur, j'ai couru à l'infirmerie. Je pleurais comme une grosse conne, j'entends encore l'infirmière me demander : "qui t'a fait ça ?" et moi, ridicule, répondre, "personne, c'est moi..." Elle m'a promis de ne pas appeler mon père, l'a fait quand même, et quand il est venu me chercher à l'hôpital (après que, comble du ridicule, les ambulanciers soient arrivés avec un véhicule pour civière et m'aient dit "on croyait que c'était assez grave pour que vous soyez allongée"), celui-ci m'a dit, peu ou prou : "tu as fait ça pour justifier ton absence en sport." Je lui en ai tellement voulu ! Parce que c'était parfaitement vrai. Je voulais que tout le monde sache combien j'allais mal, et je savais déjà que mourir ne me le permettrait pas. Putain de drama-queen. Combien de fois les filles de L à Sainte Thérèse ont fait circuler le bruit que si on voyait mes bandages, c'est parce que je me la pétais (je note au moins que je ne suis pas la seule pour qui le suicide apparait comme un acte héroïque). Anne-Lise leur a répondu que je relevais toujours mes manches par réflexe - ce qui est entièrement vrai - mais mes détractrices n'avaient pas tort pour autant. Putain, c'est ce que je disais l'autre jour et j'avais jamais fait le lien. J'ai tellement eu l'impression qu'on me retirait systématiquement la légitimité de ma douleur que je l'ai brandie aux yeux du monde dans un accès de colère.

J'ai jamais voulu mourir : je voulais juste qu'on me voie. La seule légitimité que je me trouve actuellement, c'est que quand mes ados veulent crever ou qu'ils "se contentent" de cracher leur rage, je crois que je les comprends.


J'aime les ados parce que, souvent, ce qu'autrui a souffert me semble être de sa faute. Je ne comprends pas les adultes victimes. Ni les femmes battues ni ceux qui, comme mon père, ont endossé une responsabilité que personne ne leur demandait de porter. Aujourd'hui, mon père est un héros. J'en suis moi-même persuadée, mais, la belle affaire, aucun de ceux qui le louent aujourd'hui n'aurait consenti ses sacrifices. C'est la raison pour laquelle je suis renfermée et médisante : les héros sont des gens qu'on célèbre pour oublier qu'on n'a pas du tout envie de leur ressembler. Mon père s'est dévoué comme absolument personne n'est prêt à le faire. Moi comprise. La douleur qu'il m'a balancée dans la gueule était la sienne, et si je voue une telle rancune à mes parents, c'est parce que je suis persuadée qu'ils auraient pu me l'épargner. Je leur en ai voulu parce que d'après moi, il "suffisait" de bifurquer. Preuve s'il en est que je n'ai aucun sens des responsabilités, et que ma survie m'importe plus que tout. Papa a cherché auprès de moi une aide que je ne pouvais lui fournir. Toutes les horreurs qu'il m'a racontées n'ont servi qu'à conforter mon dégoût de la réalité. Encore aujourd'hui, sa quête désespérée de l'amour de ses filles me met mal à l'aise, parce que le mien lui est acquis, mais en silence. Oh, je peux lui dire que je l'aime ! Mais s'il s'avise de s'exposer, je me referme comme une huitre et le toise de tout le mépris dont j'ai drapé nos traumatismes.

Je ne veux pas savoir, Papa. Je crois que j'en sais déjà bien assez. Désormais, je veux entendre les hurlements des gamins, pour pouvoir leur répondre qu'ils ne sont pas seuls - que je ne suis pas seule. C'est stupide. Il parait qu'on ne peut pas aider les autres quand on ne s'est pas aidé soi-même. C'est sans doute vrai. Projeter ses démons sur autrui alors qu'il en possède déjà, c'est le meilleur moyen de le foutre en l'air. Il n'empêche, mes spectres sont ma force - après tout, tout le monde n'en a pas, ou, comme dit Mu, moi au moins je ne les ai pas "rangés avec la saleté."

C'est ma force, Maman. Je sais que les démons existent. Tous les "c'est la vie" ne les rendront pas à la poussière. Au contraire. Chaque fois qu'on dira à un être humain que ce qu'il traverse, "c'est la vie", on le perdra.

Le salon orange

Samedi 27 octobre 2018, 1h48 - il faut savoir que quand j'écris ce genre d'heure, je prends la date du matin. Du lendemain, en un sens. Pas que ça ait d'importance pour d'autres que moi.

Et donc, Caribbean Blue. Et un putain de courant d'air, parce que je savais pas si Kitsune voulait rester dans le bureau ou descendre.

Tu sais, maman, à la rentrée, j'ai discuté avec Christophe, mon collègue. On s'est dit qu'après la mort de nos proches - il venait de perdre sa mère -, on ne se souvenait que des bons côtés. J'étais sincèrement d'accord avec ça. N'empêche, chaque fois que je te parle, je te vois dans ton lit.  Faudrait pas s'étonner que je sois une personne pessimiste. J'envisage toujours la fin avant qu'elle arrive. Je sais pas pourquoi je fais ça. Faut croire que t'avoir sous les yeux pendant trente ans a fini par avoir une putain d'influence *ironie inside - traumatisme inside, visiblement.*

Montons le son.

♫ Enya - Book of days

Plus t'avances, plus tu meurs. J'écris en mode automatique alors pardon si je manque de recul. Chaque pensée qui me vient, je la note. C'est pas très marrant, mais je suis pas très marrante, comme fille. Le père de... je ne sais pas comment il s'appelle, je ne l'ai jamais eu comme élève, qui est venu avec nous en voyage scolaire l'année dernière, et que j'ai croisé tout à l'heure chez Gemo, m'a demandé si j'envisageais d'acheter des fringues de couleur. Ben... Non... C'est marrant parce que j'y avais pas pensé depuis un moment. Je sais pas, moi, j'achète les fringues qui me plaisent, tu comprends. Mais c'est jamais parti. Même adulte, je suis toujours la goth. Je ne tiens pas à l'être, rassure-toi. Et je ne m'en vante pas non plus. Je constate juste, avec un rire dont je ne sais d'où il vient, que je suis toujours vachement plus sombre que ce à quoi les gens s'attendent. Je me trouve classe, ils me trouvent... motarde ! C'est ce que Noëlle a dit à Catherine : "mais si, tu sais, la prof super sympa (hey, c'est elle qui le dit !), qui fait de la moto..." Nan, je porte juste la même veste en simili-cuir que 80% de mes élèves féminines.

Tiens et puisqu'on on parle de gens mourants.
♫ Johhny Clegg - Asimbonanga

Tu sais, quand il va mourir - bientôt - ce sera encore une partie de moi qui finira sous terre. Bowie ne me fait ni chaud ni froid, mais Johnny Clegg... Encore un mec que j'ai entendu toute mon enfance dans le salon orange. Et, tu le sais bien, le salon orange, c'est de toute évidence ma red room.  On n'y rentre pas. On entend son raffut de l'extérieur. Le jour où je rentre dans le salon orange, c'est que je meurs, maman, mais c'est une bonne chose. Je suis contente d'avoir finalement trouvé un endroit où revenir. Comme dans un film américain, je sais que j'y entendrai Clegg et Enya, et que je serai chez moi. Ne reste plus qu'à trouver la bonne direction au moment opportun.

Je t'ai vue plus souvent malade que bien portante, maman, et je sais que tu ne le supportais pas. Mais c'est vrai, et toutes les musiques que j'ai en tête ne sont là que pour m'aider à te voir décroître. Tout le monde me répète : "mais tu savais qu'elle allait mourir ?" parce que, c'est vrai, c'est vachement moins abrupt. Ouais, c'est vrai, je savais. C'est commode : ça veut dire que je souffre moins, parce que je savais que ça arriverait. Les années moribondes, avant ça, ne comptent pas. J'ai l'impression que tout le monde me dit : "ah bon, mais, elle était malade, alors c'était prévisible." Enfin, c'est pas qu'une impression, et j'ai envie de leur dire : évidemment, que c'était prévisible, et... T'as vu ta mère commencer à crever quand t'avais dix ans, et c'est mieux ? Ah ça ouais, je l'ai vu venir. Et ? Et quoi, merde ? Oui, c'est vrai, je connais des gens qui ont perdu un parent sans l'avoir vu venir. J'avoue, ça me rassérène pas des masses.

♫ Midnight Oil - Dead Heart

Comme si les autres devaient s'y habituer à ma place.
Comme si, maintenant, je devais continuer à culpabiliser. Tu sais, maman, quand t'étais vivante, je me disais que j'avais pas le droit de me sentir mal, parce que t'allais tellement pas bien. Tu souffrais tellement, de quel droit je me serais permis d'aller mal ?
Puis t'es morte. Alors je me suis sentie libérée d'un poids monstrueux. Ça y était, j'avais le droit de souffrir : j'avais perdu ma mère, j'appartenais enfin à la caste des gens qui souffrent vraiment.
Et puis ça aussi c'est parti : t'étais malade, je l'avais vu venir, alors ça allait.


Toute ma douleur, maman, m'a toujours été enlevée.
J'ai conscience de l'égocentrisme du truc, mais je le pense vraiment.

Ma colère, c'est ma douleur, maman.

Nell is in the red room

Dimanche 21 octobre 2018, 01h28

Quand je suis ivre et que je ferme les yeux, j'ai l'impression de descendre à l'intérieur de moi à la vitesse d'un ascenseur lâché dans le vide. Ça me rend malade, évidemment. Pourtant, ça ne m'a jamais empêchée d'écouter Fucking Flesh en décapsulant une autre bière. Ça tourne, mais mon cœur bat, alors tout va bien.
Tout va très, très bien.

Je pense à The Haunting of  Hill House. Dès que je mets le doigt dessus, ça m'échappe. A ghost is a wish.

Un souhait, et un démon. The hauting of Hill House parlait de moi, de nous. Des secrets, des non dits et des spectres qui nous structurent. De la chute interminable à l'intérieur de soi-même, et de comment le temps tourne en boucle dans nos têtes.
Le pire, sans doute, c'est que je n'ai pas envie d'y échapper. On te dit toujours "va ta soigner, guéris, respire". Mais je serai toujours Nell, obsédée par elle-même, repliée sur ses traumatismes, lovée autour de l'angoisse à laquelle on s'abandonne et qu'on chérit, parce qu'elle nous appartient, parce qu'elle est nous et qu'elle nous berce quand on atteint les confins et qu'on se noie en enjambant l'horizon. Je serai toujours Luke et sa foutue addiction, et je serai toujours Shirley qui croit qu'un symbole peut réparer le réel.
J'ai lu sur Babelio ce dont je ne me souvenais pas, la culpabilité que ressentait Nell par rapport à sa mère.
Je serai toujours Steve et son cartésianisme qui l'incite à mépriser les croyances d'autrui. Comme Steve, j'aimerais croire ; comme lui, je sais que les fantômes ne manifestent que nos lâchetés.
Je n'ai pas envie d'y échapper ; comme les protagoniste de cette histoire, j'aime tournoyer à l'intérieur de moi-même et me plait à y trouver des clefs qui ne déverrouillent que moi-même.

Nell is in the red room.

Nell est au cœur, elle a plongé, et Shirley, qui sait réparer, devrait savoir ce que ça signifie. Au cœur de la folie de maman, qui nous a empoisonnés, au centre de tout... La question est : et quoi, après ? Comme à Hill House, ne vaut-il pas mieux tourner autour ? Déverrouiller le centre, n'est-ce pas renoncer ? Une part de moi pense qu'après avoir trouvé cette pièce, il ne reste rien à vivre. Leur bonheur final me semble factice. Bien moins réel que les spectres qui les hantaient.
Si tu peux épeler "éternité", c'est que tu vas mourir.

Monologue de rentrée

Jeudi 20 septembre 2018, 22h15
♫ Sin DNA - Thorns For Misery

Presque trois semaines à n'être nulle-part. L'esprit dissout dans l'asphalte et ce qu'il en reste, évaporé avec la buée sur les vitres des salles de classes. Ce qui reste de moi s'accroche aux carreaux des fenêtres haut placées qui empêchent de voir quoi que ce soit d'autre qu'un bout du bâtiment d'en face. Enterrée, enfermée, prisonnière d'une routine qui annihile, tandis que mes élèves se lèvent et s'endorment au rythme des sonneries qui strient les couloirs. Comme des zombies ; comme moi.

À moi, il faut l'énergie de les sortir de cette torpeur. Que chaque heure de cours soit autre chose qu'un mouvement infligé vers l'avant. Après l'anglais il y a les maths, après les maths le français, après le français la pause déj'... Ad lib.
À eux, il faut la vague conscience que ça sert à autre chose qu'à gagner des points au DNB. Je ne me souviens pas si j'ai déjà autant eu l'impression d'être moi-même de retour au collège, à enfiler les heures sur le collier greffé au cou à la rentrée.

♫ The Retrosic - The Storm

Parfois, je vais me coucher dans le seul but de retrouver mes amis imaginaires, mais je suis si fatiguée que je m'endors tout de suite, alors je me réveille aussi seule que la veille.

Dulce Liquido - Disolucion

"El presente aqui".
Je comprends désormais pourquoi je revisite le passé, sans nécessairement ressentir la moindre nostalgie. C'est parce que le présent n'existe pas. Le présent est cette longue fresque qu'on observe de loin sans s'y projeter. Le présent est un no man's land qu'on traverse à toute vitesse, comme dans un train qui irait si vite qu'on ne pourrait pas fixer son regard. Trois semaines ont passé dont je ne retiendrai qu'un flou artistique rythmé par les bruits de la machinerie.

Demain, je me lève une heure plus tard. Que dalle, et pourtant ça me semble une porte ouverte vers un ailleurs, un n'importe quoi total. Il est 22h36 - j'écoute Hocico - A fatal desire - et j'ai l'impression que rester debout jusqu'à minuit est une chose incroyable, un prélude à Samhain. Je ne regarde pas Jessica Jones, je ne joues pas à Seeker's notes sur mon portable. J'écoute la musique qui entretient l'ivresse et crée des remous sur le clavier. J'enfonce une touche, la seconde suit. Les lettres ricochent et forment des mots, ma pensée se berce d'elle-même, sur la surface d'un clavier sale que mes vagues ne dérangent qu'un instant.

La majeure partie de la 4e Balzac a compris où je voulais en venir avec ma première séquence intitulée "pourquoi écrire ?" La 4e Duras est demeurée hermétique. Même après avoir lu le témoignage de Primo Levi, certains se sont acharnés à m'écrire que ce médium ne les intéressait pas, et qu'ils ne comprenaient pas que quiconque éprouve le besoin de se livrer. Dieu merci ils sont minoritaires, mais cela reste un immense échec que de se confronter à des élèves qui, après avoir lu la souffrance des camps de concentration, s'en retournent à leurs occupations en mode "super, et alors, t'as pas autre chose à faire que de nous le raconter ?"
Je ne me plains pas : mes troisièmes m'ont redonné foi en l'humanité, et les Balzac sont capables de réflexion du style "moi je ne veux pas écrire, mais après cette séquence je comprends mieux pourquoi c'est parfois important de le faire." Comme d'habitude, les échecs semblent peser plus lourd dans la balance que les réussites, et comme d'habitude, ces dernières me semblent plus le résultat du hasard que mes défaites.
La maman de Thomas m'a dit : "je ne sais pas ce que vous avez fait, mais depuis qu'il vous a comme prof, il adore le français." Il était 19h15, j'étais debout depuis 7h du mat', et j'ai pensé : "vous n'imaginez pas comme une seule personne qui prend la peine de vous dire que ce que vous faites est bien peut vous sauver une journée."

Vous qui me lisez, vous savez tous ce dont je vous parle alors surtout ne prenez surtout pas ça comme une leçon de vie. Mais sérieux, vous êtes d'accord avec moi ? Les premiers à donner un avis sur votre taf, ce sont toujours les mécontents. Thomas, en plus, il est dys', alors je vous assure que m'entendre dire qu'il est rentré chez lui en sautant de joie parce que j'étais sa prof de français, c'est la plus belle chose qu'on m'ait dite depuis la rentrée. Ça justifie le présent aboli.

Depuis trois semaines, je me lève à 6 (hem, 7) heures, je pars au taf, je rentre, je prépare des trucs pour le lendemain, je bouffe, je vais me coucher. Je ne sais plus qui je suis, je n'écoute plus que les infos, je ne lis même plus de quoi m'infuser des rêves. Je sais qu'on est des milliards à faire la même chose, et je m'en fous, parce que je crois toujours dur comme fer à ce que je croyais ado : la plupart des gens en ont rien à foutre, parce qu'ils n'ont aucune putain d'imagination. Pour ma part, je refuse catégoriquement de bosser plus, parce que si je le faisais, je m'anéantirais, je serai ce genre de prof qui propose toujours les mêmes exercices photocopiés dans le manuel, et qui fait lire André Gide en 4e. Je précise que d'après mon collègue, Les faux Monnayeurs est une littérature jeunesse. Avec tout le respect que je te dois, Lionel, j'espère que tes mômes auront encore le goût de lire après être passés dans ta classe.


23h52
♫ Amduscia - Filofobia


Je sais que je dois aller me coucher (et fermer la fenêtre, il pleut sur moi). Mais je ne peux (ne veux) pas plus que l'été dernier quand je parlais à maman.
La fumée de ma cigarette cascade dans mes poumons. J'ai Amduscia dans les oreilles, je suis immortelle.

Vendredi 21 septembre 2018, 22h24
♫ Now now - School Friends

Apprendre à parler aux ados. Chose que j'ai toujours cru savoir faire, mais il me manquait la confiance en moi. Depuis que je suis moi, ça marche vachement mieux. Je les charrie, je fronce les sourcils quand il faut, je les dorlote et je m'efforce de ne jamais les juger, ce qui est, de loin, la partie la plus difficile. Ma vie défile à toute allure et je comprends qu'on puisse s'épuiser dans ce métier : on fait toujours passer les autres avant soi. On dort mal parce qu'une histoire de harcèlement, on prend sur soi le lendemain post-cuite pour rire et patienter, on remise son agacement pour trouver la carotte qui les fera lire, on étouffe son indignation devant des réactions à mille lieues de ce qu'on voudrait. Je repense à ce que j'écrivais précédemment sur mon métier, à propos du fait qu'il fallait être soi et que c'était soi qu'on mettait en scène. Bah c'est exactement ça. Sauf qu'à force d'assumer être toi en permanence, tu t'effaces. Quand t'es prof, tu vis sous les projecteurs toutes la putain de journée. Ils s'engouffreront dans tes failles, alors si elles sont trop visibles, il faut que tu les assumes. Tu peux mentir aux plus jeunes ; avec les 4-3, déjà, tu devras te contenter de bricoler. À la fin, t'es tellement toujours conscient de toi et d'eux que tu sais plus qui t'es, tu rentres chez toi vidé de toute substance. Ils l'ont siphonnée, tu la leur as donnée.

Mais quelle putain de récompense quand ils répondent. Quelle putain de fucking récompense quand ton élève qui passe sont temps à maugréer lève la main pour te demander le plus naïvement du monde pourquoi, mais pourquoi, Mathilde Loisel est-elle aussi pénible ?

Quand je rentre chez moi, depuis une semaine, je ne peux même plus commencer par me poser : la première chose que je fais, c'est de caresser et rassurer mon chat, qui me regarde avec ses grand yeux écarquillés après avoir passé la journée tout seul. Là, il se balade sur mon bureau et je ne vois même pas ce que je tape :) Son jeu préféré, comme à tous les chats, je confirme, c'est de faire tomber des trucs. J'ai trop hâte de tester le truc du concombre :D

Ça crée un contraste super étrange, quand j'écoute Blutgeld II et que je m'efforce dans le même temps de ne pas faire peur à Kitsune par des caresses brutales en rythme avec la musique. Comme une méditation sur de la musique hardcore.

♫ Enya - Flora's secret

Hey... Salut Maman. Y'a un tout petit chat endormi sur mes genoux, qui me fait sourire avec une tendresse niaise, et en même temps je pense à toi. C'est assez étrange, ce mélange d'émotions, entre l'amour que je porte à cette bestiole suffisamment confiante pour s'endormir sur mes genoux, et la tristesse et le putain de manque qui m'étreignent.
Il dort tellement bien que les flashs de mon portable ne le réveillent pas.

Toi, tu pouvais même pas tendre la main pour caresser Chipie quand elle se couchait à tes pieds. J'espère que sa présence te réconfortait malgré tout, que tu percevais comme moi ses ronronnements sans même avoir à la toucher.
Tu sais maman, j'aime pas Enya juste parce qu'elle me rappelle toi. Je l'aime de toutes mes tripes, parce que tu me l'as fait entendre dès mon plus jeune âge, et que du coup elle est l'artiste qui a accompagné toute ma vie. Cet enchaînement The Celts - The longships que me propose Youtube, je le connais par cœur. Il a bercé toutes mes rêveries, tous les films que je me suis joués pour survivre. Elle a composé ce qui s'est avéré la bande-son de ma vie. Ça parait bien dramatique, mais c'est vrai. Si je devais citer trois artistes à emporter sur une île déserte, elle ferait partie du podium. En compagnie, je pense, d'Amduscia et de Mylène Farmer, parce que... Parce que Désenchantée, parce que Tristana, parce qu'une dizaine de chansons que je trouve toujours incroyablement écrites, quoi qu'elle soit devenue. Parce que je n'aime presque rien en chanson française, et que Mylène Farmer a composé des textes que je n'ai pas honte d'aimer. Des textes qui ont rendu mon adolescence moins solitaire, parce que si elle les avait écrits, et si des gens les avaient aimés, ça voulait dire qu'on était légion.

Et comme j'ai retrouvé mes ados, ceux qui boudent, qui renâclent, ceux qui se coupent les veines au cutter, ceux qui te regardent comme si t'allais les sauver... Ben je reviens à elle. À celle que j'écoutais quand j'avais leur âge, et parce qu'on est enfin vendredi, et que je peux rester chez moi et retrouver qui je suis, j'écluse mon mousseux avec un chat roux sur les genoux, en fredonnant L'amour c'est rien. Un jour, cette meuf a chanté À quoi je sers et vous ne pouvez sans doute pas imaginer ce que ça m'a fait. Je dis "sans doute pas" parce que quand j'évoque Mylène Farmer, tout le monde rigole (au mieux, sous cape).



Ouais, c'était en 89, ça a bien vieilli. N'empêche que je la préfère encore dans ses pantalons à carreaux démodés, son micro collé aux lèvres et ses cheveux collés par la sueur que maintenant. Muriel est probablement la seule personne que je connaisse à aimer ce live 89 autant que moi. Je sais toujours pourquoi je l'aime quand je le vois. Youtube m'envoie ensuite, du même live, Sans logique. Mais putain ces textes, cette orchestration. Je resterai éternellement fan, je crois, même si je déteste tout ce qu'elle est devenue. Je connais encore les textes par cœur, c'est dingue (mais pas la chorégraphie, dieu merci). En particulier Désenchantée.C'est pour ça que voir cette chanson en live est toujours si émouvant pour moi. Cette putain de fête, sur la chanson qui m'a sauvée.

En même temps, puisque j'en suis aux (pseudos) confessions (vu que vous savez déjà tout), je suis hyper fan de Jeanne Mas quand elle chante Johnny Johnny et En rouge et noir. Chaque fois que je pense à Jeanne Mas, je me remémore un déjeuner à Paris, dans une large salle tapissée de (velours ?) bleu, avec Jordi ? et Mylène ? Ce genre de souvenirs me fout la frousse, parce que c'est plus un sentiment qu'une image. Ça a eu lieu, il y a quelques années, et me manquent tous les détails. Était-ce Anne-Lise plutôt que Mylène ? Était-ce en route vers l'hôpital où je rencontrais cette correspondante de vingt ans mon ainée, fan d'Indochine ? Je n'en ai pas la moindre idée. Ne restent que les tables en bois et les murs sombres, que j'ai aussi inventés, si ça se trouve. D'habitude, j'oublie ce genre de trucs, tout simplement. Ce dont je me souviens n'est jamais aussi mystérieux que ce fragment.

Je viens de réaliser que j'aimais toutes les chansons qui parlaient de mecs fragiles, et qu'elles avaient construit tous mes fantasmes. Johnny Johnny, donc, mais aussi Boys don't cry et A night like this, et La balade de Jim d'Alain Souchon. Jim et Johnny se foutent en l'air parce qu'elles sont parties. Ce ne sont pas des bogosses du 78, obsédés par les grosses bagnoles. Ce sont des mecs amoureux qui finissent tout seuls et passent à deux doigts de se flinguer pour ça.

Drunk movements - part IV

Vendredi 23 août 2018, 23h30
♫ Capsule temporelle 2017

Il y a un peu moins d'un an, j'écoutais Lizette Lizette chanter Sober up, depuis mon nid douillet au fond du puits. J'y pense en la réentendant au fil de ma capsule temporelle 2017. Eliness a linké mon article de l'époque comme étant représentatif du Carnet Orange ; ça m'a perturbée. Je continue de considérer ce billet comme un vaste foutoir un tantinet égocentré, mais c'est celui qu'autrui a souhaité mettre en évidence parmi mes écrits.
Je dis "autrui", je devrais préciser qu'Eliness n'est pas n'importe qui. Pour moi, elle n'est pas Perso.Random.n°x. Elle est quelqu'un dont l'opinion m'importe. Et donc, que Sober up l'ait interpellée m'interroge.
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Aujourd'hui, j'étais habillée tout en noir, un hasard pas si aléatoire compte tenu du fait que, bah, il y a beaucoup de noir dans ma garde-robe, passé gothiquo-dark-pas-si-lointain-que-ça oblige. Mon collègue JB, que je fuis régulièrement parce qu'il confond drague et harcèlement (mais que j'aime beaucoup par ailleurs) m'a demandée si j'étais en deuil. Personne ne m'avait posé cette question depuis mes quinze ans et le connard à la sortie du cinéma (tu te souviens, Mu ?) J'ai vraiment, vraiment hésité à lui répondre, "bah, ma mère est décédée il y a un an", juste pour voir sa réaction.
Les gens qui se permettent des commentaires sur le physique ou les fringues de leurs contemporains me fascinent, en un sens. T'imagines, je lui aurais répondu oui ?
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J'ai souvent pensé que la bienveillance était le vernis de la lâcheté. Y'a des gens à qui je ne peux pas pardonner. J'ai pas assez de compassion pour l'étendre à des personnes qui, de mon point de vue, ne font que s'écouter. Pour vous donner un exemple, les parents de Luna, qui sont sacrément contents qu'elle soit en ULIS parce que ça leur évite de s'investir, mais sont persuadés qu'elle pourrait faire mieux si seulement elle s'en donnait les moyens, sont des personnes que j’exècre. Ma collègue m'a dit : "qu'ils refusent le handicap de leur fille, je le comprends". Ben pas moi. C'est sans doute parce que je ne veux pas d'enfants et que j'ai dû m'en justifier toute ma vie, mais je ne supporte pas les parents qui n'assument pas les leurs.

La bienveillance, pour moi, se traduit généralement par une vaste fumisterie, orchestrée par des personnes qui croient qu'avoir donné leur manteau à 3000 euros à un déshérité équivaut à un acte de charité. J'ai lu la Bible toute jeune (éducation catholique oblige). J'avais pas compris qu'un sacrifice ne te coûtait rien. C'est le degré zéro de l'empathie.

Je repense à la Prophétesse-langue-de-serpent d'un de mes derniers billets. J'en discutais avec Ubik tout à l'heure : ce que je voudrais, c'est que les élèves dont je suis la prof principale se sentent appartenir à une communauté. Ma cinquième A devrait être un havre. C'est ce que je vais m'efforcer de créer. Je ne veux pas qu'ils s'entendent tous à merveille. Je veux que leur classe soit un endroit dans lequel ils se sentent bien. Je leur ai apporté des bouquins, parce que je veux que ceux qui me l'ont demandé aient tout loisir de lire quand ils ont fini leur taf avant les autres. Je leur ai expliqué que si ça les bottait, on pourrait mettre en place un système de prêt, histoire de savoir où sont passés les livres, surtout s'ils ont été apportés par l'un d'entre eux. Ils m'ont répondu : "ah ouais! ce serait le CDI de la 5A !" Exactement. C'est pas que je veuille exclure les autres classes. Mais je veux que la mienne ait l'impression d'être chez elle. Quand je leur ai demandé d'écrire ce qui, d'après eux, permettrait à la classe de bien fonctionner, ils m'ont répondu qu'ils aimeraient avoir des plantes aux fenêtres. C'est trop mignon ! Je vais voir ce que je peux faire. Sans déc', c'est une super bonne idée - à condition qu'ils assument et qu'ils s'en occupent.

00h07
♫ Capsule temporelle 2018

Le lien entre tous ces paragraphes décousus ? Bon, j'imagine que je vais l'inventer du haut de mon ivresse. Je voudrais qu'on se respecte à défaut de se comprendre (sauf pour les connards, mais aucun de mes gamins n'est en âge d'en être un ;)) Je veux que mes 4D arrêtent de hausser les épaules quand il s'agit de s'asseoir à côté de Luna. Elle est chiante, je comprends qu'ils ne l'aiment pas. Mais c'est pas la honte ultime de t'asseoir à côté de quelqu'un que t'aimes pas.

Je voudrais qu'aucun d'entre eux n'ait à vivre ce que moi j'ai éprouvé quand ma prof principale m'a dit : "oh ça va, vos histoires de gamines ! Les autres filles sont bien plus mûres, ça commence à bien faire !" Peut-être que "les autres filles" n'avaient pas autant besoin de réconfort que moi. Peut-être que quand elles rentraient à la maison, elles bénéficiaient d'une famille. Peut-être que c'était pas si important, de fitter à l'extérieur.

Parce que quand la vie n'est pas simple, c'est tellement mieux d'être ensemble
Parce que je sais que le lundi, je vais te parler et te voir
Parce que c'est toi, parce que t'es là, je n'ai plus peur du dimanche soir

Je veux que personne n'ait peur de rentrer chez moi. Je veux que le lundi soit une porte de sortie. (putain Mu, je te hais... Quand j'écris des choses qui sonnent déjà bien assez sentencieuses, et que démarre Light of the seven. Putain, ce que les premières minutes me font penser à Enderal.)


♫ Enya - The Humming

 And all the winds are like a kiss / And all the years are nemesis

Je sais hein, que je l'ai déjà écrit vingt fois. C'est juste que depuis Aurora, personne n'avait jamais écrit un truc dans lequel je me reconnaisse. C'est pas tant le fait de trouver une parenté, que la coïncidence. Vous savez que j'aime les signes. Même si ça me fait mal, j'aime qu'on écrive à ma place. Les pièces du puzzle, tout ça. Bien sûr que le monde tourne autour de moi. Je n'en vois que ce qui m'arrange. C'est l'essence des signes. Ils ne sont destinés qu'à ceux qui regardent.

Je suis tellement, tellement ivre.

J'ai toujours tellement aimé ce mot, "ivresse". Mon seul regret, c'est que j'avais espéré réaliser ses promesses... sobre. Ça fonctionne avec une classe avec qui le courant passe. Quand ta passion traverse le polycopié.
Julia ne se souvenait pas des vers d'Antigone. Elle les avait clamés avec une telle passion que j'en étais restée pantoise, et je n'étais pas la seule. Vingt ans après, elle ne s'en souvenait pas. Je sais pas comment on peut oublier Antigone, a fortiori quand on l'a incarnée. Mes collègues font Antigone en troisième. Je vais pas me gêner, du coup.
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Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un cœur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement?

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon
J'ai tout appris de toi, comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines
Comme, au passant qui chante, on reprend sa chanson
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson
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Le vent dans tes cheveux blonds
Le soleil à l'horizon
Quelques mots d'une chanson
Que c'est beau, c'est beau la vie

Un oiseau qui fait la roue
Sur un arbre déjà roux
Et son cri par dessus tout
Que c'est beau, c'est beau la vie.

Tout ce qui tremble et palpite
Tout ce qui lutte et se bat
Tout ce que j'ai cru trop vite
A jamais perdu pour moi

Pouvoir encore regarder
Pouvoir encore écouter
Et surtout pouvoir chanter
Que c'est beau, c'est beau la vie.

Le jazz ouvert dans la nuit
Sa trompette qui nous suit
Dans une rue de Paris
Que c'est beau, c'est beau la vie.

La rouge fleur éclatée
D'un néon qui fait trembler
Nos deux ombres étonnées
Que c'est beau, c'est beau la vie.

Tout ce que j'ai failli perdre
Tout ce qui m'est redonné
Aujourd'hui me monte aux lèvres
En cette fin de journée

Pouvoir encore partager
Ma jeunesse, mes idées
Avec l'amour retrouvé
Que c'est beau, c'est beau la vie.

Pouvoir encore te parler
Pouvoir encore t'embrasser
Te le dire et le chanter
Oui c'est beau, c'est beau la vie.

Je suppose que je vous ai déjà dit à quel point j'aimais Jean Ferrat. J'y reviens toujours. J'aime pas la chanson française. J'aime pas ses fanfaronnades, ses postures, j'aime pas leurs 'r' roulés pour imiter Brel. J'aime pas qu'un texte, même bon, me déconcentre de la musique. Mais j'aime Ferrat. Et Yves Simon. Je le connais encore par cœur.

Et dans un vieux poste à galène
Traînait l'âme des poètes

L'exemple même de je-sais-chanter-mais-je-n'ai-rien-à-ajouter :


Sérieux. Désolée, mademoiselle, mais t'as rien à raconter.

En revanche, je suis assez convaincue par Hochi. J'espère qu'elle écrit ses textes.


 (ne regardez pas le clip, tout ce que ça va faire, c'est vous déconcentrer.)

À ma grande honte, j'aime beaucoup le dernier Calogero



Il y a certains jours où je reprends mon skate / et je vais faire un tour en 1987.
J'adhère, et j'ai super honte.

22 août


Mardi 17 juillet 2018
Maman,

Quelle tempête t’a succédé ! J’entends encore – je fais exprès – les vagues se fracasser sur le sable après ton départ. Ne m’en veux pas, s’il te plaît : il me faut un paquet d’alcool pour accepter de penser à toi. Pour ce faire, j’enclenche le bouton ‘play’ pour jouer des morceaux que j’ai écoutés jusqu’à plus soif l’année dernière. C’est moins de toi dont je me souviens dans ces moments-là, que des émotions qui m’ont emportée après que tu ais disparu.

J’aime bien tous ces euphémismes – toutes ces litotes ? – de la langue française, qui m’enjoignent à imaginer que je peux te parler, quand bien même je suis persuadée que tu n’es nulle-part.

Tu sais, l’autre jour, j’ai presque terminé ta crème de nuit. Oui, je sais, c’est très con. Mais il n’empêche que j’ai sérieusement envisagé d’emporter le pot vide au magasin, pour retrouver la même (je vais le faire, ne nous leurrons pas.) Je n’utilisais presque pas de cosmétiques avant ta mort (ça me fait un peu mal d’utiliser ce mot), mais depuis que j’ai vaguement compris ce que ça signifiait, je me tartine religieusement, matin et soir, de ces onguents qui sentent toi.

Avant que tu t’en ailles, je m’étais déjà fait la réflexion que je te ressemblais de plus en plus. Je vais pas te mentir, ça m’a un peu contrariée. La moue irritée qui abaissait la commissure de tes lèvres, je m’en serais bien passée. Mais j’en ai hérité, donc je suppose que je dois faire preuve d’humilité : de toute évidence, tu m’as légué bien plus que ma colère, dont j’ai toujours pensé que je te la devais, mais pas dans ce sens là.

T’imagines pas comme ton départ m’a changée. Moi non plus, d’ailleurs. Je dois bien admettre que je l’avais maintes fois envisagé. Mais que tu t’en ailles vraiment m’a donné raison, et ça, c’était pas prévu. Apparemment, j’espérais une fin heureuse. Tu sais, c’est assez dingue, parce que je crois vraiment que c’était ça, le problème (enfin, le mien) : j’espérais accepter avant. Tu t’es barrée genre au moment où je m’y attendais le moins (ouais sans doute je réécris mon histoire. Mais merde, c’est vrai : j’avais rien vu venir. Je t’avais vu mourir deux ans avant, tu comprends, et t’étais restée là, comme l’incarnation d’un mythe gréco-romain, alors j’en avais un peu conclu que t’étais immortelle et que t’incarnais la souffrance ad vitam aeternam.)

J’écoute Enya, comme à chaque fois que l’ivresse me désinhibe au point que je me sente suspendue entre la vie et l’éternité. Je crois que c’est pour ça que j’aime boire : je suis tellement confuse que j’en oublie que je vais mourir – et que toi t’es déjà passée. Tu sais, maintenant, c’est Papa qui réclame la dissolution de tes cendres dans la mer. Moi, je veux pas y penser, ça me rappellerait que t’es plus du tout là. Je préfère me demander pour la 250e fois ce que toi et moi av(i)ons en commun pour écouter en boucle ce même morceau que j’ai tant de fois entendu dans le salon de Rambouillet.

Est-ce que tu te souviens de Cursum Perficio ? Pour moi, c’est l’inexorable que Victor Hugo a tenté de décrire avec tant de mots – et ça me fait mal de dire ça, parce que les mots sont plus précis, je le sais ! Il y a eu Shepherd Moon, Watermark et The Celts. Les notes qui déambulent et ricochent dans le salon orange. C’est pour ça que j’aime pas Le Tour du Parc : j’y ai rien construit, à part des piles d’amertume. Rambouillet était terrible, par bien des aspects. Muriel et moi nous rappellerons toujours les « Bouchées à la Reine » et le bouquet de fleurs fiché dans le carreau cassé. Mais en Morbihan ne restaient que le silence de la télévision et les terribles larmes de Papa au seuil de ma chambre. Au moins, là-bas, j’avais la forêt et Book of days.

3 août 2018

Les cendres de maman sont restées au bord de la presqu’île. J’ai balancé deux gorgées de bière dans la flotte qui t’entourait, j’espère que t’as vu. Y’avait un super alignement de planètes, on était trois à tenter de se convaincre que ça avait un sens – même papa, t’imagines. Je me suis dit que le Morbihan n’avait jamais été aussi beau, avec ses odeurs d’algues pourries. Les éoliennes clignotaient dans le lointain (à Ambon, a dit papa). Mars, que je n’avais jamais repérée avant l’éclipse, flottait hiératique dans le ciel nocturne.

Il fait super chaud, depuis que t’es partie. Ça fait deux étés que la canicule assomme les gens, aussi sûrement que ta mort.

Je suis contente que tu reposes dans la mer. L’autre jour (on t’a jetée/libérée avant-hier), j’ai repensé à ce que je t’ai dit tout à l’heure : ça me fait chier, parce que maintenant je suis sûre que t’es plus là. C’est pas vrai. Vu que tu m’as privée d’une tombe, et que tout ce qui me reste, c’est ton souvenir, c’est pas plus mal que ce qui restait de toi finisse là.

Y’avait beaucoup de cendres, beaucoup plus que ce que je pensais. Tant mieux. Je croyais qu’il restait trois grammes de toi, là-dedans. C’est bien qu’il y en ait eu plus – pardon hein, mais t’es plus là, alors je vois pas bien ce que ça peut te faire. Je sais bien que t’as dit « pas de tombe, pas de fleurs, pas de pleurs », mais t’es un peu mal placée pour faire des commentaires et c’est encore à ceux qui restent de décider de ça. Tu voulais pas qu’on se recueille ? Et bah tu sais quoi, maman ? C’est certainement pas à toi d’en décider.

J’ai vécu des tas de drames en pensées, supposés me préparer à ça. J’ai imaginé ta mort comme j’imaginais celles de personnages fictifs dont je n’arrivais déjà pas à me séparer. M’en veux pas, maman, mais ça fait belle lurette que je me suis réfugiée dans un monde imaginaire. Survivre dans le monde des « vraies » gens sans ça me demanderait une force dont je ne dispose pas. Le seul truc que je puisse te dire, c’est que, probablement, ce que j’imagine être toi est tout aussi fictif que le reste. C’est pas comme si je savais qui t’étais. De toute façon, je romance toute ma vie, donc je doute que quiconque je fréquente ressemble vraiment à ce qu’il/elle est dans ma tête.

Tu crois que c’est différent, pour les autres ? Tu crois qu’ils nous voient vraiment comme nous estimons l’être ? J’ai l’impression que chaque vie est une histoire – celle qu’on se raconte, « on » désignant soi et ceux qui nous regardent.

T’as vu, j’ai dit que t’étais morte. Bon, j’ai varié le vocabulaire, mais je l’ai quand même placé dans un coin. Je me demande si les Espagnols emploient ser ou estar. « Esta muerta » ? ou « es muerta » ? Google trad. dit « ella murio » avec l’accent que je sais pas faire. Mais c’est du passé simple, non ? Google est bien optimiste. Les Espagnols sont bien optimistes – les dicos confirment. Ils n’ont pas l’air de se soucier de ce qui arrive après.

6 août 2018, 22h29

Bon. J’ai écouté le dernier album d’Enya (du moins le dernier que je connaisse, que Mu m’a refilé) et j’ai pleuré. En plein après-midi. Sobre, donc. Je sais pas si c’était bien. Je voyais l’ombre blanche que tes cendres avaient dessinée dans l’eau de la Presqu’île. J’ai repensé pour la énième fois à combien ça faisait mal de pas croire, tu sais ? Je donnerais n’importe quoi pour éprouver la conviction que je parle pas dans le vide. Cela dit, ça m’a fait vraiment du bien de voir toutes ces cendres. Comme quoi, j’ai beau être relativement d’accord avec papa quand il dit « oh, tu sais, tout ça c’est des symboles, juste des symboles », bah l’autre partie de moi, celle qui pense que le monde est comme tu l’imagines, elle a raison aussi. Si je pense que ces cendres, c’est toi… Elles le sont. Cela dit, j’ai conscience que c’est assez nul, comme pensée : j’imagine que t’avais pas méga envie de rester échouée pour l’éternité au bord du rivage de Penvins, du coup je suis désolée. T’inquiètes, avec ce que je picole, je devrais pas en avoir pour très longtemps. On ira se boire des coups interstellaires après, promis.

J’ai passé suffisamment de temps cet après-midi à écouter de la musique triste, donc j’ai relancé ma playlist Elekktroböxx – oui, avec des doubles k et des trémas, je sais que t’aurais trouvé ça affreusement ridicule – ça l’est. En vrai, c’est parce que je suis en train de recopier toutes mes playlists originelles sur mon nouveau compte gmail (dont je connais le mot de passe, ce qui fait une grande différence avec l’ancien), mais ça n’empêche que ça me remet dans les oreilles des trucs que j’ai pas entendus depuis un bout. Amduscia est, je pense, mon groupe préféré (tu aurais détesté alors je décris pas), mais Blutegeld part. 2 de Cyborg Attack est probablement un des morceaux qui me défoulent le plus au monde, si ce n’est LE morceau. Franchement, je trouve dommage que t’ais jamais aimé ce genre de musique, parce que je suis sûre que ça t’aurait fait du bien.

J’ai pas pu m’empêcher de switcher vers The humming, puis vers Sancta Maria, évidemment. Putain ce que t’aurais détesté m’entendre fredonner ça. Enfin, ça t’aurait fait marrer, mais si t’avais su que j’y mettais un minimum de conviction… Des fois, je suis contente que tu sois plus là pour me voir. Echoes in rain. Enya et moi, on a des points communs, je crois. Elle s’efforce à l’optimisme. Mais une chanson sur deux, elle flanche.

01h37

Y’a pas longtemps, j’ai croisé quelqu’un qui n’a pas compris. Ta haine, la mienne. Papa m’a souvent dit que tu voulais pas mourir. Comme quoi chacun regarde midi à sa porte.

9 août 2018, 02h37

♫ Enya – The Humming

Maman, j’ai fait le tour. Je peux écouter ça. Je peux entendre la marée qui va et vient. Maman… Echoes in the rain… Je souris et je pleure en même temps. Je dois me lever demain matin, tu sais, et je peux pas. J’ai commencé une nouvelle fanfic, FF XV, et j’ai parlé de toi et de papa. Il est beaucoup trop tard, et je peux pas. Ni me coucher, ni arrêter de boire. Maman… Le simple fait d’entendre Enya me donne envie de chialer, mais dans le bon sens, tu sais… Bon, tu serais pas trop d’accord si tu voyais le verre se vider à toute vitesse, et comment je fredonne, ivre morte et les larmes aux yeux, comme une meuf qui a tout laissé glisser. Mais J’ai tout laissé glisser, et je m’en fous, et c’est sûrement parce que j’ai bu mais JE M’EN FOUS, parce que le piano, parce que la marée montante, parce que maintenant je chiale.

10 août 2018, 01h05

♫ Enya – Echoes in the rain

Ouais, bon, ça marche pas. Heureusement que Mathias était là ; sans lui je serais restée là jusqu’à six heures, à boire des coups dont je n’avais vraiment pas besoin, en pleurant. C’étaient pas des pleurs horribles, hein, c’était plutôt rassérénant, en fait, m’enfin depuis deux jours, je suis en train d’exploser mon quotat de bières, et dieu sait qu’il est élevé de base. Je trouve que FF XV parle un peu de ma vie. J’imagine que c’est comme les horoscopes, suffisamment vague et humain à la fois pour que tout le monde s’y reconnaisse. Et c’est exactement ce que j’aimerais accomplir quand j’écris (mais c’est pas gagné). Bref, tout ça pour dire que FF XV multiplié par Enya provoque chez moi des débordements lacrymaux.

Mu a écrit un texte magnifique te concernant. Je pense pas que je pourrai faire de même, ne serait-ce que parce que notre relation, à toi et moi, n’est pas fondée sur les mêmes bases. Noctis ne te rendra pas plus hommage qu’à papa. Et pourtant… Je ne serai peut-être jamais capable de dire que je vous aime, mais je suis ce que vous avez fait de moi, et tu peux pas savoir à quel point j’y tiens. Et je peux te dire que jamais j’irai me faire soigner de mes traumatismes, parce que j’ai pas à guérir de vous, ni de moi. Je suis fière de ce que nous sommes, maman, Les gens biens peuvent aller se faire foutre. Je te promets de continuer à écrire sur la garce que tu as souvent été, parce que c’est d’elle dont je suis fière. C’est pas comme si aller bien allait nous empêcher de mourir, hein. Je ne vois pas pourquoi je devrais me débarrasser de toi.

Ce matin, je suis allée nager, comme tous les deux jours (presque). Le vent plissait l’océan et entre deux vagues, je me fondais dans le décor. Depuis qu’on a commencé avec Mu, ça m’arrive de plus en plus souvent. Une espèce d’harmonie totale : le corps délié et l’esprit connecté.

Mercredi 22 août 2018, 03h36

♫ Enya – Echoes in rain

Ça fait un an, maman. À la tienne !

Un an, putain. Pour tout le monde, ça doit faire longtemps. Pour moi, c’est comme si c’était hier. Mais genre, vraiment ! J’ai toujours eu du mal avec la chronologie, j’ai toujours l’impression que des trucs arrivés il y a un mois ont eu lieu deux semaines auparavant, et vice-versa. Mais là… Je t’assure. Ça fait un an que t’es partie, and all the winds are like a kiss, and all the years are nemesis. J’ai réécrit ça en tête de ma fanfic, j’ai écrit ça partout depuis quelques jours. Je t’aime, tu sais. La dernière fois que je te l’ai dit, c’était pas trop le moment. C’est la fois pour laquelle je m’en suis voulue pendant des années, tu te souviens ?

Maman, je te l’ai déjà dit, il y a quelques pages : tu voulais pas qu’on se souvienne de toi, et ça me perturbe sacrément. Déjà parce que t’es la seule personne que je connaisse qui ait jamais formulé un truc pareil. Tout le monde veut être immortel. Sauf toi.

Y’aura personne pour se souvenir de moi, tu sais, alors j’imagine qu'en fait ça m'importe pas tant que ça de laisser une trace. Mais moi je me souviendrai de toi jusqu’à ma mort. Je te le jure. Je viendrai (pas que le 22 août) m’asseoir au bord de l’eau et trinquer avec toi. Jusqu’à la fin, maman.

Un an, maman. Tu sais que je peine à y croire. Un an que le téléphone a sonné, un an que j’ai traversé la Bretagne de nord en sud pour trouver la maison vide et lire le compte rendu de tes dernières minutes dans le petit cahier des infirmières. Un an que je me demande si tu t’es vue partir et si t’as souffert. Papa et moi, on essaie de se convaincre que non. Que t’étais pas toute seule. Alors il est quatre heures du mat’, et j’ai entamé la bouteille de mousseux. À la tienne, vraiment. À toi, maman, à nos souvenirs, à ta vie qui, aussi merdique ait-elle été, a compté. Pour moi, pour Mu, pour Papa.

Ce petit cahier disait : « Maria a quitté sa maison à quinze heures » et t’imagines pas comme ça me fait chialer que cet euphémisme signifie que t’étais enveloppée dans une bâche. Je me demande si ça aurait changé quoi que ce soit que j’accepte de te voir après. Dans les jolis vêtements que les filles avaient choisi pour toi, tandis que le chat tournait en rond dans la maison. Chipie a été super perturbée, après ton départ. Je sais pas pourquoi, j’essaie de pas anthropomorphiser, mais je t’assure qu’elle était bizarre. Elle donnait vraiment l’impression de te chercher. Je me souviens avoir fermé la porte de ta chambre, où y’avait le lit vide et bien fait comme si t’y avais pas passé ces deux dernières années. Chipie a pas voulu manger à l’intérieur pendant plusieurs jours. On lui posait sa gamelle devant la porte. On a croisé les filles, aussi. Hélène a pleuré quand on t’a incinérée, mais si je crois que tu m’entends, je suppose que tu le sais déjà.

On avait déjà rencontrée Anne-Marie (je crois) peu de temps après notre arrivée à Mu et moi, elle nous a emmenées chez Béatrice, et puis après on est allées à la mairie, et c’était trop bizarre, j’arrêtais pas de sourire en essayant de prendre un air triste, mais en vrai il a fallu l’arrivée de ta famille, les Néerlandais, et la cérémonie, pour que je m’effondre. Ta sœur a morflé, je peux te le dire. Ça lui a fait putain de mal, que tu t’en ailles. Je sais que t’as toujours dit que tu t’en foutais plus ou moins, mais je me rappelle comme tu était heureuse quand elle venait – elle, ou Elly. T’avais une drôle de famille, maman, mais c’est des gens bien. Je peux pas te dire que je les ai toujours appréciés, ce serait un mensonge. J’ai pensé qu’ils avaient le beau rôle. Ils remerciaient Papa de s’occuper de toi et puis ils repartaient, contents d’avoir accompli une bonne action. Mais ils tenaient à toi. Elly t’a élevée comme sa propre fille, et c’est elle qui m’a fait pleurer la première. Je sais que demain matin, ils seront tous réunis autour de toi. Et Alexis, qui a tapé trois coups sur ton cercueil en te murmurant des trucs dont j’ai pas la moindre idée. J’ai trouvé ça beau.

17h03

Aujourd'hui, on est tous réunis en pensée. C'est un peu con, quand on y pense, ou alors pas du tout. Elly me disait qu'à présent, on pourrait se consacrer aussi les uns aux autres, parce que c'est vrai que c'était toi le centre de notre monde commun. Et c'est bien. Parfois on n'a rien de plus en commun avec les gens qu'une personne à qui on tient de tout notre cœur, et maintenant que j'y pense, je trouve que c'est bien suffisant. J'espère que ça t'emmerde, qu'on soit tous en train de penser à toi au même moment :) À la tienne, maman !

Le voyage

Mardi 5 juin 2018, 22h39
♫ Whisky Bar [II]

J’aime bien faire naître des échos et, Rose Song oblige, je suis particulièrement d’humeur à les provoquer ce soir.

Il y a un peu plus de trois ans, je montais terrifiée dans un bus rempli d’ados que je ne connaissais pas pour un voyage à Londres. Lundi prochain, je m’embarque pour une semaine dans les Pays de la Loire. Je me sens bien moins incongrue que la dernière fois.

J’ai pas super envie de quitter Ubik parce que je suis une personne collante. J’aime être seule, mais pas seule comme les solitaires l’entendent. J’aime faire comme ce soir : il geeke de son côté et moi j’écris n’importe quoi en écoutant de la musique, ivre. On n’est pas ensemble mais il est là. Après, il va ronfler et prendre de la place dans le lit, et je vais râler, mais c’est beaucoup mieux que quand il est pas là. Vu que j’ai passé plus de la moitié de ma vie à m’inventer des amis imaginaires qui partageaient ma chambre, je ne vais pas jouer la surprise. Je suis putain de dépendante. J’suis juste assez forte – ou folle – pour imaginer des gens quand ils ne sont pas là, histoire de survivre.
Je suis pas pour autant réticente à partir. En plus, cette fois, je pars avec des gens que j’apprécie. Si Karen préfère regarder sa série, je sais que Christophe profitera de l’absence de Valérie pour aller boire des coups. Du moins, j’en suis presque sûre, et que je me trompe importe peu car je vois plutôt bien comment mettre à profit une semaine de solitude – et de diète.

Je vais visiter une région dont les paysages m’apaisent, en compagnie d’au moins deux collègues avec qui je sais pouvoir parler – je les ai invités à dîner, je sais qu’on s’en sortira (et croyez-moi, inviter des collègues à dîner est de loin le truc le plus « adulte » que j’aie fait de toute ma vie.)
Je connais qu’un tiers des élèves, mais comme je me l’expliquais dans le billet sur Londres, c’est plus vraiment un problème. En plus, j’ai pas mal hâte de parler metal avec Aglaé, qui a, je me dois de le préciser, réagi comme suit à l’annonce du fait que je les accompagnais : « Eh ! Madame G vient en voyage avec nous !! » C’est pas que je pars en terrain conquis, m’enfin vu que c’est la même classe dans laquelle un élève a dit que mes cours étaient « trop bien », vous comprenez que je sois moins stressée que la dernière fois.

(je me rends compte que je me la pète grave, mais c’est pas du tout le but : j’écris d’abord sur mon journal perso hein, d’accord, donc éventuellement on peut dire que je me répète des faits pour m’encourager, mais j’essaie pas de prouver quoi que ce soit à autrui.)

Donc voilà, dans cinq jours je pars en voyage scolaire, et je suis contente. J’appréhende sincèrement de passer mes nuits toute seule, et de rentrer le vendredi à 20h30 – à Paimpol. Mais j’ai hâte de prendre le car (et de laisser mes collègues gérer, vu que moi je serai attachée et épuisée ;)), j’ai hâte de visiter le zoo de Beauval et de voir mon premier panda, j’ai hâte de ne pas faire cours et surtout, surtout, que toute la route parcourue le soit par un chauffeur. Sérieusement, je n’en peux plus de conduire, et pas qu’à cause de la tendinite qui me donne envie de pleurer tous les matins. Trois établissements, c’est trop. (j’ai l’impression que je gérais mieux quand je faisais Treffendel-Sarzeau, ce qui ne fait pas grand sens. Je pense que c’est la régularité des trajets et de mes heures de coucher qui aidait. Ou alors j’étais juste plus saine – et/ou sereine, à l’époque.)

Je suis contente que Karen ait pensé à moi pour ce voyage. Je suis contente que Valérie m’ait dit qu’elle était sûre qu’on allait bien s’amuser (elle ne vient pas, elle parlait pour Christophe – et moi, donc), et je suis contente d’accompagner des élèves que j’aime bien en me débarrassant au passage des quatrièmes qui mettent ma (non)patience à rude épreuve. Les 4e, je prépare plus leurs cours depuis une semaine et ça fait aucune différence – et c’est pas parce que mes cours sont nuls. Ils ont juste pas envie d’être là. Rien, mais genre vraiment rien, ne les intéresse, alors j’ai beau les apprécier voire franchement me soucier de certains humainement parlant, je suis plutôt soulagée de les délaisser une semaine. Après, ils sont sympa, hein, mais vraiment. Quand je leur ai annoncé mon absence (j’ai dit : « et avant que je n’oublie, alleluia, je ne serai pas là la semaine prochaine »), ils ont hurlé de joie, se sont récriés en mode « nan mais c’est pas contre vous hein » puis « mais au fait, pourquoi ? » Ensuite, ils m’ont remerciée. Vu que Hortense venait de m’expliquer qu’elle allait faire des efforts durant le dernier quart d’heure, et qu’elle n’accordait cette faveur qu’à moi, j’imagine que je devrais m’estimer heureuse ;P

En fait, je me dis que c’est pas mal, parce qu’à l’heure actuelle, j’appréhende toujours plus de rentrer chez mon père que de partir en voyage scolaire – et pourtant, j’appréhende vachement moins qu’avant d’aller chez mon père. Je dis toujours « chez mes parents » quand je parle de la Presqu’île, mais j’ai plus trop peur d’y aller, à moins d’avoir déjà pris une cuite la veille, auquel cas je me demande si je vais tenir le coup.

Bref. Dans cinq jours, je vais quitter mon cocon pour faire un truc qui sort de l’ordinaire, et ça me stresse pas plus que ça. Bravo, mamie !

Alice & Rose

Mardi 5 juin 2018, 20h18
♫ Indochine – Rose Song

En rentrant de Paimpol, tout à l’heure, j’ai poussé Dancetaria dans le lecteur de la voiture. Je me suis laissée porter par le morceau éponyme, j’ai écouté un bout de Manifesto, fredonné Justine jusqu’au bout, puis j’ai mis Rose Song.

Ça venait. Je chantais un texte jamais oublié, et la marée montante des guitares accompagnait les cohortes de souvenirs qui déferlaient de la porte entrouverte comme sur un soir d’octobre, quand les fantômes de Samhain recouvrent le paysage d’une brume blanche.


Un jour quand je serai grand
Un jour quand j'aurai 18 ans
Je sortirai par la fenêtre
Et je partirai très longtemps
Dans le noir

Un royaume près de la mer
Tout faire avant que tout s'éteigne
Prier les fées te faire venir
Grandir 
Dans le noir


Je ferme les yeux. Je revois la chambre lambrissée, suspendue, encastrée entre les deux tours, refuge, prison, où tant d’espoirs ont été formulés, tant de nostalgies pour des jours inconnus imprimés sur les murs.


Un jour peut-être je te protégerai
Car c'est toi que j'aime
Parce que
Je crois qu'un jour moi je t'épouserai
On fera de beaux rêves
Un royaume près de la mer
Seuls au monde comme des sœurs des frères

Un jour quand je serai vieux
Un jour je serai amoureux
On apprendra à se ressembler
Perdus au fin fond des forêts
Dans le noir


J’égrène les paroles avec un sourire aux lèvres, émue, bouleversée de ressentir ce frisson qui me parcourt tout le corps. J’ai envie de murmurer le texte comme une incantation, d’ouvrir les bras. Je n’ai pas été traversée par une telle joie depuis longtemps.


Un jour peut-être je te protégerai
Car c'est toi que j'aime
Parce que
Je crois qu'un jour moi je t'épouserai
On fera de beaux rêves
Un royaume près de la mer
Seuls au monde comme des sœurs des frères


À l’unisson, je chante a bocca chiusa. Et puis…


On attendra au fond de toi
L'arrivée
Tu sais
On entendra au fond de toi
Résonner
Qui sait
On arrivera et tu sauras
Remercier les fées
Je crois qu'un jour
Ce sera toi qui saura m'aimer


J’ai pleuré. Sans m’y être attendue, sans avoir compris encore que ce qui montait allait déborder, que ça coulait déjà sous la porte entrouverte. Et c’était bien. Mon dieu, c’était putain de bien. Quand j’ai réalisé que c’était une autre de ces singularités qu’Eliness a si bien nommées, et que j’avais chanté ce texte à rebours, et qu’aujourd’hui, j’étais ce fantôme des temps à venir qu’invoque la chanson, et que j’invoquais avec un espoir fou et une naïveté touchante il y a dix-sept ans.

Il y a dix-sept ans, je chantais Rose Song pour qu’advienne ce moment. Et là, c’était comme si je faisais advenir ce moment en chantant. J’ai trouvé mon royaume près de la mer. Celui dont j’espérais si fort qu’il saurait m’aimer est là. Deux versions de moi-même se sont rencontrées le temps de Rose Song, et elles ont fusionné.

C’est putain d’extraordinaire.

C’était putain de beau, et rien que pour ça, je veux vivre. J’ai encore de la ressource. Il arrivera encore des épiphanies. Et le meilleur, c’est qu’elles arrivent quand on ne s’y attend pas, parce que c’est leur essence.

Conjonctions

Jeudi 17 mai 2018, 21h02
♫ Thomas Otten

Tu sais, ça fait presque un mois que j’ai pas écrit. Traduction : ça fait presque un mois que je vis en apnée. Le rapport, c’est que si j’écris rien, c’est que je ressens rien. Ou que j’arrive pas à le dire, ce qui revient quasiment au même. J’ai tourné en boucle sur ma colère, qui est réelle, et en même temps, pas vraiment. Elle explose quand on appuie sur le bon bouton – et je vais pas m’en excuser, parce que je pense qu’absolument tout le monde possède un seuil, ou un jardin dans lequel personne ne devrait se sentir autorisé à pénétrer. Mais en dehors de ça, je suis bien plus sereine qu’autrefois. Parce qu’un peu plus distante, mais je ne pense pas que ce soit un mal, parce que distant ne veut pas dire froid. Ça veut dire que je prend du recul, pas que je m’en fous. Je ne me sens plus agressée par les humeurs d’autrui. Je sais faire la part des choses.


Mais ma colère, c’est le seul truc que je maîtrise. C’est le seul truc qui m’appartienne en propre. Ces dernières semaines, j’ai été terrifiée de ne pas être à la hauteur. C’est pas un sentiment que j’ai envie d’explorer, alors je me suis recluse. Je l’ai évité. C’est le doute qui me paralyse. C’est lui qui me souffle que je n’ai plus rien à raconter, lui qui me dicte les conditions de mes redditions.


J’écoute la playlist Chill Out de Maloriel et je me rends compte combien je suis fucked up. Tous ces morceaux supposés me détendre me rapprochent du centre de moi-même. Et ça ne me relaxe pas. Ça me rend infiniment triste.
Ça me fait le même effet que ce jour d’avril où j’ai pleuré en écoutant A warm place de Nine Inch Nails. Jamais – jamais – je n’avais envisagé que A warm place puisse évoquer la mort. Maintenant, tous les morceaux que je trouvais beaux me font monter les larmes aux yeux.


C’est pour ça que la colère. Comme un feu liquide, dans mes veines, qui me rappelle que je suis du genre à être so fucking alive.

Pourquoi tout ce qui est beau me donne envie de fumer des clopes trop tard ? Pourquoi ce que Mal’ classe en « chill out », je le classe dans ma playlist « Apocalypse Now » que je me passe quand j’ai envie d’être traversée par l’épouvantable idée de l’éphémère ?

Les autres peuvent bien vivre des épopées et mourir fiers – même si nostalgiques – en imaginant la valeur qu’a pris leur vie dans le sacrifice. Moi je veux juste pas mourir. Je veux me brûler les poumons pour l’éternité. Je veux faire chanter des lames sur mes poignets sans jamais en crever. Je voudrais être comme les vampires : désespérée de ne pas mourir. Alors j’irais m’exposer au jour et je partirais en fumée. Je refuse cette idée que la vie soit belle parce qu’elle est courte. C’est ce que se disent les gens sans imagination. C’est paradoxalement ce qui les empêche de la vivre : ça justifie qu’il ne se pose pas la question de ce qu’ils vont en faire. Ils n’ont pas le temps, apparemment. Toutes les questions existentielles qu’ils auraient dû se poser, ils les ont évacuées d’une simple phrase : « nan mais c’est beau, parce que c’est court ».


Ouais, ta vie passée à te préoccuper de ce que machin allait penser de ta coupe de cheveux, elle est vachement belle parce que ça a pas duré trop longtemps.


Je suis contente d’être en colère parce que la fille que sur le web on appelait Kali il y a quinze ans, elle pensait la même chose. Ensuite, elle est rentrée dans le moule bon gré mal gré, pour survivre, et ensuite elle est devenue adulte et elle a compris qu’elle avait le droit d’être qui elle était. Donc aujourd'hui, elle est entière.


Récemment, on m’a dit que la méditation n’avait pas dû trop m’aider, vu toute la haine que j’avais encore en moi. Ben si, justement. J’ai aussi appris que j’avais le droit d’exister, merci beaucoup. Je ne dis pas que ça justifie mes coups de sang. Mais quand les gens qui me jugent seront capables de la patience et de la bienveillance dont j’essaie de faire preuve au quotidien, et qui sont tellement diamétralement opposées à ce que j’étais, peut-être que j’admettrai qu’ils me fassent la leçon. Mais… de toute façon… Les gens bienveillants ne vous font jamais la leçon. J’en côtoie tous les jours, et t’imagines pas ce qu’ils m’ont appris.


En revanche, je n’attends aucune patience des gens blessés. Et je crois qu’il serait temps que certaines personnes admettent que je suis une louve aux abois. J’ai l’impression que beaucoup de gens sont bienveillants en théorie, mais confrontés au traumatisme ou à la douleur, ils ne te prennent pas au sérieux. Eh bien, sachez-le : je suis une personne à vif, pour des raisons qui me sont propres. Et si votre bienveillance ne peut s’étendre qu’à des gens que vous ne connaissez pas, ou qu’au contraire vous connaissez par cœur, alors vous n’êtes ni altruistes ni sympathiques. Vous êtes des imposteurs.

Tu claqueras d'un AVC à quarante ans

Avant, il y avait Saez.

Après, il y a eu Fauve.

Tu sais pas à quel point ça m'a fait mal, Fauve. À quel point j'ai aimé, forcément (j'aime toujours quand on me fait mal, ça veut dire qu'on me comprend.)


"Tu nous entends la mort, tu nous entends ? Si tu nous entends, sache qu'on laissera personne derrière.
On est tellement nombreux à être un peu bancal."

Et puis Voyou.

"J'suis pas une belle personne
J'suis une sale bête
Une bouteille de gaz dans une cheminée
Et j'vais finir par t'sauter au visage si tu t'approches trop"



"Pardon?
Que j'parle un peu moins fort?
Ah, on vous dérange, en fait, merde
Et bah si on t'dérange, tu t'casses
Ou sinon, tu fermes ta gueule, tu r'gardes ton assiette
Et tu nous fous la paix 5 minutes
Le temps que j'termine, tu peux faire ça?
Qu'est ce qu'y a?
Ça t'gêne qu'on t'coince comme ça, devant tout l'monde?
Ah ouais, c'est chiant, j'comprends mon gars
Mais dis toi que t'as d'la chance, toi
Toi t'es né bien comme il faut, t'es solide, t'es cohérent
Tu mets personne mal à l'aise dans les restaurants
Tu dors bien sur tes deux oreilles
T'es un bon p'tit français, t'es beau, t'es bien
Comme un magasine de déco, comme une maison témoin
Ça t'arrive pas ces choses là, hein?
Tu vois absolument pas d'quoi j'parle?
Et bah ouvre pas trop la porte de ton placard, alors tu pourrais être surpris
Ça va t'faire tout drôle, le soir, où les choses que tu pensais avoir enfouies
T'font savoir, qu'en fait, elles étaient là, juste là, planquées sous l'tapis
Elles sortent une main, puis te plantent une seringue dans l'pied, avant d'disparaître
Alors là, ça t'prend à la gorge, comme des odeurs d'ammoniac
Ça t'colle des sueurs froides, t'as les dents qui claquent!
Beh non j'me calme pas, j'me calme pas!
...
Ce soir j'veux juste hurler.
...
Mon optimisme débile, mon zèle dangereux, mes réflexes à la con
Mes accès d'colère, ma culpabilité bidon, ma sexualité en vrac et mes fantasmes tordus
De hurler ma peur panique des autres
Ma mesquinerie sournoise, mes regrets, mes erreurs
Mes névroses, mes obsessions, mes méta-obsessions
Ma phobie d'la douleur, de la perte, du suicide, de la dépression"

Tu veux que je dise quoi, après ça.