Le voyage

Mardi 5 juin 2018, 22h39
♫ Whisky Bar [II]

J’aime bien faire naître des échos et, Rose Song oblige, je suis particulièrement d’humeur à les provoquer ce soir.

Il y a un peu plus de trois ans, je montais terrifiée dans un bus rempli d’ados que je ne connaissais pas pour un voyage à Londres. Lundi prochain, je m’embarque pour une semaine dans les Pays de la Loire. Je me sens bien moins incongrue que la dernière fois.

J’ai pas super envie de quitter Ubik parce que je suis une personne collante. J’aime être seule, mais pas seule comme les solitaires l’entendent. J’aime faire comme ce soir : il geeke de son côté et moi j’écris n’importe quoi en écoutant de la musique, ivre. On n’est pas ensemble mais il est là. Après, il va ronfler et prendre de la place dans le lit, et je vais râler, mais c’est beaucoup mieux que quand il est pas là. Vu que j’ai passé plus de la moitié de ma vie à m’inventer des amis imaginaires qui partageaient ma chambre, je ne vais pas jouer la surprise. Je suis putain de dépendante. J’suis juste assez forte – ou folle – pour imaginer des gens quand ils ne sont pas là, histoire de survivre.
Je suis pas pour autant réticente à partir. En plus, cette fois, je pars avec des gens que j’apprécie. Si Karen préfère regarder sa série, je sais que Christophe profitera de l’absence de Valérie pour aller boire des coups. Du moins, j’en suis presque sûre, et que je me trompe importe peu car je vois plutôt bien comment mettre à profit une semaine de solitude – et de diète.

Je vais visiter une région dont les paysages m’apaisent, en compagnie d’au moins deux collègues avec qui je sais pouvoir parler – je les ai invités à dîner, je sais qu’on s’en sortira (et croyez-moi, inviter des collègues à dîner est de loin le truc le plus « adulte » que j’aie fait de toute ma vie.)
Je connais qu’un tiers des élèves, mais comme je me l’expliquais dans le billet sur Londres, c’est plus vraiment un problème. En plus, j’ai pas mal hâte de parler metal avec Aglaé, qui a, je me dois de le préciser, réagi comme suit à l’annonce du fait que je les accompagnais : « Eh ! Madame G vient en voyage avec nous !! » C’est pas que je pars en terrain conquis, m’enfin vu que c’est la même classe dans laquelle un élève a dit que mes cours étaient « trop bien », vous comprenez que je sois moins stressée que la dernière fois.

(je me rends compte que je me la pète grave, mais c’est pas du tout le but : j’écris d’abord sur mon journal perso hein, d’accord, donc éventuellement on peut dire que je me répète des faits pour m’encourager, mais j’essaie pas de prouver quoi que ce soit à autrui.)

Donc voilà, dans cinq jours je pars en voyage scolaire, et je suis contente. J’appréhende sincèrement de passer mes nuits toute seule, et de rentrer le vendredi à 20h30 – à Paimpol. Mais j’ai hâte de prendre le car (et de laisser mes collègues gérer, vu que moi je serai attachée et épuisée ;)), j’ai hâte de visiter le zoo de Beauval et de voir mon premier panda, j’ai hâte de ne pas faire cours et surtout, surtout, que toute la route parcourue le soit par un chauffeur. Sérieusement, je n’en peux plus de conduire, et pas qu’à cause de la tendinite qui me donne envie de pleurer tous les matins. Trois établissements, c’est trop. (j’ai l’impression que je gérais mieux quand je faisais Treffendel-Sarzeau, ce qui ne fait pas grand sens. Je pense que c’est la régularité des trajets et de mes heures de coucher qui aidait. Ou alors j’étais juste plus saine – et/ou sereine, à l’époque.)

Je suis contente que Karen ait pensé à moi pour ce voyage. Je suis contente que Valérie m’ait dit qu’elle était sûre qu’on allait bien s’amuser (elle ne vient pas, elle parlait pour Christophe – et moi, donc), et je suis contente d’accompagner des élèves que j’aime bien en me débarrassant au passage des quatrièmes qui mettent ma (non)patience à rude épreuve. Les 4e, je prépare plus leurs cours depuis une semaine et ça fait aucune différence – et c’est pas parce que mes cours sont nuls. Ils ont juste pas envie d’être là. Rien, mais genre vraiment rien, ne les intéresse, alors j’ai beau les apprécier voire franchement me soucier de certains humainement parlant, je suis plutôt soulagée de les délaisser une semaine. Après, ils sont sympa, hein, mais vraiment. Quand je leur ai annoncé mon absence (j’ai dit : « et avant que je n’oublie, alleluia, je ne serai pas là la semaine prochaine »), ils ont hurlé de joie, se sont récriés en mode « nan mais c’est pas contre vous hein » puis « mais au fait, pourquoi ? » Ensuite, ils m’ont remerciée. Vu que Hortense venait de m’expliquer qu’elle allait faire des efforts durant le dernier quart d’heure, et qu’elle n’accordait cette faveur qu’à moi, j’imagine que je devrais m’estimer heureuse ;P

En fait, je me dis que c’est pas mal, parce qu’à l’heure actuelle, j’appréhende toujours plus de rentrer chez mon père que de partir en voyage scolaire – et pourtant, j’appréhende vachement moins qu’avant d’aller chez mon père. Je dis toujours « chez mes parents » quand je parle de la Presqu’île, mais j’ai plus trop peur d’y aller, à moins d’avoir déjà pris une cuite la veille, auquel cas je me demande si je vais tenir le coup.

Bref. Dans cinq jours, je vais quitter mon cocon pour faire un truc qui sort de l’ordinaire, et ça me stresse pas plus que ça. Bravo, mamie !

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