Rhaa

Jeudi 6 décembre 2018, 21h05
♫ Cyborg Attack - Blutgeld

J'ai l'impression d'avoir appris pas mal de trucs, ces deux dernières années. Je suis plus patiente et je porte beaucoup moins de jugements à l'emporte-pièce. Mais y'a un truc que j'ai toujours pas réussi à soigner, tellement c'est épidermique : je ne supporte pas l'autorité, quand je l'estime déplacée ou mal utilisée. Je vois qu'épidermique se dit en réalité "d'une réaction qui présente d'emblée un certain caractère d'hostilité, d'agressivité", ce qui qualifie tout à fait ma manière de réagir, mais ce que j'entendais par là, c'est que c'est si spontané que je ne vois rien venir, donc je n'ai pas le temps de prendre du recul.

Ça m'est encore tombé dessus tout à l'heure (ou c'est tombé sur mon interlocutrice, c'est selon, mais les conséquences, elles sont pour moi.)
J'ai fait une belle boulette, cette semaine : j'avais bien noté les rencontres parents-profs de 3e à Stella Maris aujourd'hui, mais omis que le jeudi, je finis à Paimpol. Il aurait fallu que je bloque les premiers créneaux disponibles, au moins jusqu'à dix-sept heures, et je ne l'ai pas fait. Donc, je me retrouve ce midi, en panique, à mendier auprès de la CPE (la directrice était en rendez-vous et c'est la CPE qui gère la perm') la possibilité de lâcher les 4e vingt minutes en avance. Ça passe, y'a de la place en perm', c'est réglé. Là-dessus, je vais fumer une clope, histoire de décompresser cinq minutes avant la reprise des cours (le jeudi, je bosse de 8 à 16h30 sans autre pause que la pause déj', durant laquelle je fais aussi le trajet entre les deux établissements. Bref.)

La directrice se pointe et m'incendie. Je me répands en excuses, j'explique que je sais que c'est une faute professionnelle. Elle me répète que je dois assurer mon heure. Je réexplique que je ne peux pas. Rebelote. Ça commence à m'énerver et ça se voit, je me prends un "tu comprends bien que je suis dans mon rôle de directrice de te dire ça", je réponds que oui, que je suis toujours aussi désolée et que j'assume complètement, et je finis, à bout, par glisser un "alors propose-moi une solution." Elle fait mine de réfléchir, ou réfléchit vraiment, je sais pas, et me dit "il faudra rattraper ton heure." J'ai répondu que bien évidemment (je vous passe le moment où elle m'explique que le collège pâtit terriblement de cette erreur : je les lâchais vingt minutes en avance, hein.)

Je peux pas vous la refaire vraiment dans l'ordre et d'ailleurs vous vous en foutez, j'écris juste pour me défouler, mais déjà, me dire que je devais assumer mon heure alors que j'étais dans l'impossibilité de le faire et qu'une solution avait été trouvée, j'ai trouvé que c'était peu pertinent. Ensuite, elle m'a sorti : "déjà que tu n'étais pas là au conseil de classe, et que tu es partie en formation..." Le pire, c'est que j'ai beau rester calme - même si ma colère froide se lit sur moi comme dans un livre -, je n'ai rien su répondre à ça, alors que c'était parfaitement déplacé. Mon absence au conseil était justifiée et j'en avais fait la demande bien en avance. Quant à la formation... J'ai loupé deux heures de cours, chacune avec une classe différente, pour me former avec deux collègues sur le projet Classe Actu. Ce n'est pas moi qui ai formulé cette demande, mais ma collègue documentaliste. Le projet Classe Actu, la directrice en est ravie, elle ne manque pas de s'en vanter chaque fois qu'elle croise un parent. Alors tu sais quoi, Élodie ? C'est la dernière fois que je mène le moindre projet d'envergure avec nos élèves. Ça me prend du temps supplémentaire, ça m'oblige à repenser mes progressions pour le caser parmi les impondérables du programme, j'ai dû faire un aller-retour à Saint-Brieuc et y passer la journée alors que j'avais que quatre heures de cours ce jour-là. Si j'ajoute à ça que même s'il est normal que je me partage entre mes deux établissements, je ne dois à Saint Jo' que 8h de cours contre 13 à Stella...

Ça fait longtemps que j'avais pas été de si mauvaise humeur. En plus, je suis apparemment incapable de me faire comprendre, dans ces cas-là ; on dirait que mon corps exprime tout le contraire de ce que je dis. Je dis que je comprends le savon et que je le sais mérité, on me rétorque "mais je ne t'engueule pas." Je dis que j'assume mais que je ne sais pas quoi faire, on me répond "mais enfin ne t'énerve pas, j'ai toute légitimité à te parler comme je le fais." J'ai l'impression d'une conversation de sourds qui me met d'autant plus en colère.

Et comme j'ai aucun sens de la mesure et que j'ai horreur de devoir rendre des comptes à quelqu'un que je ne respecte pas, ma première réaction après ça a été d'envisager ma démission. Je me suis dit "ah tu veux jouer à ça ? Très bien, demain j'abandonne mon poste, démerde-toi pour trouver quelqu'un au pied levé pour assurer tes huit heures et reprendre les projets en cours. On verra si tu préférais pas une prof à la ramasse."

Parce qu'encore une fois, c'est pas l'engueulade. Mélanie m'a aussi adressé un mail très vert, et parfaitement mérité. Comme tout le monde, j'aime pas trop m'apercevoir que j'ai fait une connerie, mais je suis capable d'entendre les critiques qui l'accompagnent. Mais quand je me suis excusée trois fois et que rien ne change en face, j'ai envie de dire : "eh bah quoi ? Prends une sanction, je sais pas moi !" Si je dis que j'assume, j'assume, mais si la sanction se résume à devoir baisser les yeux en répétant "oui madame", t'es tombée sur la mauvaise personne. Nos élèves, on leur donne des punitions en rapport avec leurs manquements. Fais pareil avec tes profs. J'ai manqué des heures ? Donne m'en d'autres ! Demande-moi de les justifier auprès des parents ! Je sais pas, moi !

Il est 22h, demain j'ai encore cours à 8h. "Mais au moins t'as un plein temps ! Je sais ce que c'est, tu sais, je l'ai fait pendant des années." Ouais Élodie, j'ai un plein temps, et même quatre heures de plus, et l'année prochaine tu me reverras pas. Je prendrai un temps partiel où qu'on me le propose, mais pas chez toi. Et j'espère que t'entendras les bruits de couloir. Même le prof de techno m'a dit : "bah tu sais, c'est ça les profs de sport..."  Ouais, c'est ça, les directrices qui ne connaissent de l'enseignement ni les corrections de copies ni, excusez-moi, les préparations de cours. On parle des seuls profs qui ne sont pas obligés de maîtriser la matière qu'ils enseignent. Ils ont le droit de noter la performance de leurs élèves en gymnastique sans être capable eux-mêmes de la pratiquer. Je sais pas comment ils font, moi j'aurais eu trop honte.

Sinon, j'ai proposé à Tom de lui consacrer une ou deux heures par semaine après les cours histoire de réviser pour le Brevet, mais je suppose que c'est parce que je ne suis pas assez dévouée à mon boulot.

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