Erasure (c'est encore le mieux hein, effacer et recommencer. N'est-ce pas ?!)

 Vendredi 11 décembre 2020, 23h50
♫ Summoning, Of pale white morns and darkened eves

On n'est pas allées "voir" maman, cette année. On a dit "pas maintenant", on a répété "quand ce sera passé" et puis on y est juste pas allées.

J'ai dit à mes élèves "vous me prenez pour une conne" et je me suis pas aimée d'avoir dit ça.

Ah et j'ai perdu ma bague serpent dans cette même classe.

Ça fait des semaines que j'entends mes collègues dire "vivement les vacances" et qu'elles me saoulent un peu, parce que bon, ça va hein, on est en vacances toutes les sept semaines. En revanche, je reconnais que plus elles se rapprochent, plus les élèves sont difficiles, et je crois bien que je l'étais aussi hein, mais maintenant c'est moi la prof et ils me fatiguent, mais grave.

Hier j'ai rêvé que Mal' et moi échangions à propos de la réalisation d'un fantasme commun, et c'était très malaisant. D'une manière générale, je fais des rêves ou malaisants, ou énervants, depuis quelques jours. Donc même après avoir bien dormi, je suis de mauvais poil. Kitsu se blottit contre moi quand il rentre de sa (folle, j'imagine !) nuit dehors, et je pense à Owen et Victoria, mais ces derniers temps, j'ai tendance à me dire que je ne suis pas à la hauteur de leur gentillesse ni de leurs espoirs. "Vous avez corrigé les rédacs ? Vous l'aurez fait d'ici les vacances ?" Je sais pas, Victoria, je vais essayer, mais j'ai deux tas de copies de troisième, et puis vous et la seconde un, et c'est vraiment une réponse à la con à faire à une élève qui te confie toutes ses angoisses et qui a passé son weekend à refaire sa rédaction parce que son frère lui avait dit que c'était nul.

J'avais jamais eu de secondes, je les trouve plutôt cools parce qu'ils se rapprochent déjà plus de ce que "devrait" être un ado selon moi, mais ils me déstabilisent, je suis trop familière avec eux, parce qu'ils ne cessent de devenir ce pour quoi j'ai aimé devenir prof. Je suis pas une adulte sur qui on peut compter. Le problème, c'est que je suis pas leur grande sœur non plus.

Alors : c'est pas grave, c'est décembre et je suis déprimée tous les ans à la même date ? Ou c'est normal, va être temps de te remettre sérieusement en question, meuf ?

Atrabilaire

Souvent, je regarde la scène finale du Cercle des Poètes Disparus. Parfois, je regarde la scène finale de La vie de David Gale. (Évidemment, sans aucun sens si vous n'avez pas vu le film, dans ce cas, surtout ne regardez pas.)

 


The Haunting of Bly Manor

Samedi 28 novembre 2020, 00h07

J'ai souvent voulu en parler sans jamais réussir, alors je laisse ça là sans fioritures.

"So... My mum.

She was 67. Except sometimes, by the end, she forgot that. Called me by my dad's name, or her brother's... And I tried to.. pretend... that I didn't know who I was supposed to be. They didn't say any of that at the funeral. They wouldn't. They just... smoothed it over, and made it nice. So they left out all the bad stuff. And all the good stuff. They didn't say how funny she was.
(...)
And she loved me. So hard... It hurt. Sometimes. No matter what I did. She was gone long before she died. And I miss her. She was my ancre. And I suppose she was my... burden. Christ... She seemed so small, at the end. But still so... heavy. And I... All I could do was just let her hang out to me, until it was time to let go. And soon I will let her go too."

The Haunting of Bly Manor, épisode 4

J'ai regardé ce passage, encore et encore. Y'avait eu Hill House, je pensais que je finirais par trouver les mots. Je ne peux pas. Parce que parfois, très rarement, une œuvre vous transperce, vient se ficher au fond de vous, et que Bly Manor, alors même que je l'ai moins aimée que Hill House, a fait ça.

Je fuis les drames cinématographiques parce que la plupart du temps, j'ai l'impression qu'ils ne me confronteraient qu'à une réalité que je ne connais que trop bien et n'ai pas envie de voir re-matérialisée alors que je cherche à m'en évader. Je me rends compte que ce que je fuis, surtout, ce sont les leçons de morale et les histoires qui finissent avec des cœurs qui clignotent sur un crépuscule romantique - du moins, les œuvres dont je suppute qu'elles ressemblent à ça.

Parce que j'ai vu dix fois le final de La vie de David Gale, sans doute deux fois plus ce passage de Bly Manor, et qu'un jour j'ai poussé le vice jusqu'à affronter de nouveau la scène où Di Caprio et Winslet se hurlent dessus dans Les noces rebelles. J'ai beaucoup pleuré, et ça m'a fait du bien.


Je pensais parler de Hill House et de Bly Manor mais ce sont elles qui ont parlé pour moi. J'aime à penser que, vu leur succès, ces séries ont parlé de plein de gens, et je trouve ça fou, d'être capable d'écrire un truc si personnel et universel à la fois, qu'il nous prive de mots et nous laisse seul face à nous-mêmes.

She was gone long before she died. And I miss her. She was my ancre. And I suppose she was my burden. And soon I will let her go too.

L'indécence

 Samedi 14 novembre 2020, 02h00

J'ai fait un truc dont je ne suis pas fière. Je suis allée voir si kreestal avait posté quelque chose ; franchement, c'est naze. J'en aurais pas parlé si je n'y avais pas lu un truc qui m'avait fait bondir, parce que clairement, aller espionner ce que font les gens avec qui t'as coupé les ponts, ça donne pas une super image de toi.

Mais ce que j'y ai lu m'a tellement révulsée que j'en ai plus grand-chose à foutre de la nommer ni de me présenter comme une connasse.

Figurez-vous qu'elle a acheté une maison, et que ça a engendré une "fatigue morbide" et une "charge mentale colossale."


Déjà quand tu te présentes comme féministe - intersectionnelle ! -, t'approprier les termes de "charge mentale" pour parler des préoccupations qui t'ont tenue éveillée lors de l'achat d'une maison, alors que, il me semble, ils servaient à désigner la pression invisible mais constante qui pesait sur les femmes qui devaient gérer en vrac le ménage, l'éducation des gosses, leur apparence et leur taf, ça me semble déplacé. Mais alors la qualifier de "colossale"...


Je trouve ça tellement profondément indécent. Déjà, tous les gens que je connais qui essaient d'acheter en ce moment sont confrontés à un marché hyper tendu, et n'ont pas les moyens d'investir face à des clients capables d'aligner 300 000 balles cash. Mais même sans aller jusque juger de ses capacités financières...

Je vais faire dans le cas particulier, excusez-moi. Catherine, ma collègue AVS, a : une fille trentenaire atteinte de la sclérose en plaque, un gosse de vingt ans qui enchaîne examen médical sur examen médical, et des jumelles en terminale dont une atteinte d'un problème à la thyroïde. Catherine, par ailleurs, gagne 600€ par mois et a quitté un mari qui la frappait.

Ma sœur gagne parfois dans les 2000€, souvent deux fois moins, et parfois rien du tout.

Son mec est aide-soignant, il est payé au smic (14 623 € annuels nets), son père était violent et il n'a plus aucun contact avec sa mère. Il a chopé le covid et son opération prévue le 10 de ce mois-ci a dû être repoussée au mois prochain.

Mon mec arrive toujours à se verser un salaire, mais a mis son salarié en chômage partiel et ne sait pas s'il pourra gérer les chantiers s'ils viennent, ni s'il y aura des chantiers.

Mon père a bossé 70h/semaines pour financer les études de ses deux filles et le matériel médical de ma mère, décédée de la sclérose en plaque il y a trois ans.

Mon ami Yann souffre de problèmes d'articulation l'obligeant à porter un genre de combinaison de plongeur (pardon, Yann, pour l'imprécision de ma description.)

Son père est actuellement soigné pour un cancer.

Corine est atteinte de fibromyalgie.

Karine traverse un divorce difficile, avec les enfants au milieu.

Karen et Valérie sont veuves, leurs gosses ont max quatorze ans.

Je ne parle même pas de tous les sujets abordés par Marie au fil de ses billets : surdité, viols, pauvreté extrême, et j'en passe.

Mais son achat d'une maison aux abords de Rennes a été la source d'une fatigue morbide et d'une charge mentale colossale. Ceci dit, "aujourd’hui, rassurez-vous, ça commence à aller un peu mieux."

 


Ouais je sais c'est toujours la même. Mais SHAAAAAME ON YOU

Trois épées

 Mercredi 14 octobre 2020

Trois épées qui tournoient dans le ciel.
Trois p’tits tours et puis… s’en vont.

Comme les têtes de Cerbère elles clapotent au bord de ma mémoire. Un, deux, trois, la vague. Dissimulées ou noyées ? Quand les mots fuient, la syntaxe suit ; je n’emploie jamais de verbes quand le temps m’a figée. Animale dans la  lumière des phares, je ne me recroqueville pas. J’affronte le piège, tétanisée ; je vois défiler des « et si ». Pas des regrets : des échappatoires.

Un, deux, trois, soleil !

Et tout ce qui te brûle, alors, c’est ce que t’as raté. Ça ira mieux, t’as dit, à un gosse qui pleurait. Ça ira mieux, ben oui, comme s’il pouvait te croire, comme si t’avais pas mieux à faire que de délivrer des prédictions de voyante à deux balles à un môme qui souffrait. Sérieux, c’est tout ce que t’avais à dire ?

Et ça, c’est la voix de tous les jours, celle qui n’a jamais tort. C’est l’œil de Sauron : tu bouges, elle se retourne et t’anéantit dans le cercle de son iris enflammé.

Parfois, je me dis que les gens qui répondent avec justesse ont beaucoup trop de recul. Mais s’ils sont justes, alors ils ont raison ; moi je sais pas être juste si je ressens pas, et quand je ressens, l’émotion me submerge.

« Ça ira mieux. » J’ai sans doute raison. Et on s’en fout. Parce qu’avant que ça aille mieux, ce gosse aura peut-être sombré. Un, deux, trois, la vague. Combien de temps on peut survivre avec juste l’espoir qu’on vienne nous sauver ?

Je veux – je vais – me tapir loin des vagues et juste dormir, assez loin pour que l’écume vienne mourir sur le sable sans m’atteindre. Comme ça je pourrai la contempler sans me sentir concernée.

Pierres d'achoppement

J'ai pas posté la première partie de ce billet quand je l'ai écrite parce que je m'étais calmée, j'ai écrit la seconde ce soir. Finalement, je partage les deux, parce qu'elles m'interrogent.

I.

Quelque part en septembre.

J'ai déçu.

"de n'avoir pas pu partager un moment avec toi, depuis le temps que tu dis qu'on va se voir, et samedi alone chez Morgane..."

Ça m'a hyper blessée, de lire ça. Et sans doute c'est mérité, j'en sais rien. Après tout, j'étais en train d'écrire l'article qui va paraître sur le Carnet, donc j'étais zen parce que tournée en moi-même.

Mais tous ces gens qui réclament ma présence, ne viennent jamais la chercher. Et puis j'y avais jamais vraiment pensé, en vrai. Mu m'a déjà parlé du fait qu'elle se sentait décevante, et je comprenais pas pourquoi, et maintenant je me dis que c'est putain de violent. Si je lui ai fait ressentir ça... mazette... (oui, ma grand-mère s'invite chaque fois que j'ai plus de mots.)

Comme quoi, ça marche bien, la loi du Talion.

Natasha m'a dit : "si tu savais comme je pense à toi chaque fois que je fume une clope seule dans ma voiture", et j'étais... perturbée ? Non, je savais pas, et je me rends bien compte à sa rancune que j'aurais dû. Mais je savais pas, et j'étais bouleversée qu'elle me l'écrive, et qu'elle me le reproche, parce que je pense à un tas de gens que j'aime, quand je suis seule, et je ne leur écris pas pour leur dire que c'est des salauds qui m'ont oubliée. Elle m'en veut parce que je ne l'ai pas prévenue de ma venue à Stella. Qu'on aurait pu se fumer une clope rapidos dans sa voiture. Et oui, bien sûr, qu'on aurait pu. Mais moi j'ai pensé "peut-être que Julien sera en pause, peut-être que je choperai Thierry à la récré, et peut-être que Béatrice sera là." Et j'ai vu Gwenola en premier, Gwen qui est la seule à m'avoir envoyé un message pour la rentrée, pour savoir où j'étais et si ça allait. Gwen que j'aime mais avec qui je marche sur des œufs. Souvent, j'ai remarqué qu'on n'aimait pas les gens qui ne nous aiment pas. Gwen, c'est quelqu'un que j'aime et dont je sais qu'elle m'apprécie, mais on a dix ans et une éducation catholique qui nous séparent, alors même si on s'entend bien, je ne sais pas si je ne l'aime pas pour ce qu'elle traverse avec sa fille. En tout cas, la manière dont elle gère ça la rend "aimable" alors du coup je m'en fous.

La fille de Gwen ne veut pas être une fille (ou ne l'est pas. Me jetez pas de pierres.) Alors Gwen, qui ne peut entendre que sa fille soit un garçon (ce que je comprends, j'en suis désolée mais voilà) mais ne veut pas lui faire de mal pour autant, l'appelle "sweety", "my love" ou encore "my child" (elle est prof d'anglais, mariée à un Irlandais).

Apparemment, je suis incapable de distinguer ce qui me relie à Natasha (des liens d'amitié, semble-t-il)  de ce qui me relie à Gwenola (une complicité, une compréhension, du moins.) J'ai pensé à Julien, Thierry et Béatrice en premier, parce que soit on partage déjà quelque chose de super fort, soit les mots n'ont jamais été tus. Béatrice et moi, on a vingt ans d'écart. Mais elle m'a souvent dit combien elle était heureuse de me voir, alors que Nat, j'ai cru qu'elle était comme Valérie, qui m'a présentée comme une "collègue" quand je suis venue la voir après le suicide de son mari.

C'était son droit et sa souffrance était indicible. Il n'empêche que ça m'a assez vexée pour que je m'en souvienne : je ne me serais jamais infligé ça pour une collègue. Je sais que c'est dégueulasse de le formuler comme ça, mais si tu me lis encore, tu sais que c'est un journal extime, ici. Pas de langue de bois.

Et donc, Valérie, son histoire, m'avaient anéantie. Je ne voulais pas le savoir. Je ne voulais pas m'en mêler. Mais je l'ai fait, et voilà, j'étais une collègue. Thierry a raison hein : tout ce qu'on fait, c'est pour soi-même. Ça ne veut pas dire que c'est ce dont autrui avait besoin, juste que nous, pour une raison x ou y, on pensait que c'est ce qu'il fallait faire. Je le déteste pour son fatalisme et ce cynisme qui découpe en tranches le moindre de nos actes, même ceux qui nous semblaient sincères.

Parce que ça nous fait paraître sacrément cons, et puis du coup, à quoi bon ?

Le pire étant que, Valérie m'ayant présentée comme une collègue, je considère désormais tous ceux que j'aime au boulot comme des "collègues" et ne vois pas l'amitié qu'ils me prodiguent, apparemment.

 

II.

Le 7 octobre 2020

Dans un de ses derniers billets blogs, Jeanne A. Debats remarque qu'on conspue les femmes qui ne veulent lire que des autrices, et pointe le programme de français en soulignant qu'il ne contient que des hommes. J'ai répondu, en admettant  (souriante) que je trollais, que je faisais lire des femmes (troll parce que c'est sûr qu'elles sont moins nombreuses) et aussi que jamais je ne cesserai de lire Baudelaire ou Zola. Elle a rétorqué : "Après depuis 2002, 300 sujets du bac environ toutes séries et régions confondues, 18 ont concerné des femmes (source : https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/auteurs-et-autrices-dans-les-annales-du-baccalaureat-de-francais/). C'est bien d'en lire en classe, mais si c'est pour démontrer à l'examen l'importance qu'on leur accorde, ça fait pas avancer le bousin :)"

Et ça me saoule. Donc quoi ? J'arrête de faire lire des auteures (ouais, des auteurEs, merde, ça fait vingt ans que j'écris auteurE, je le faisais avant que Titiou Lecoq s'aperçoive que ce serait bien de féminiser les noms de métier) parce que ça sert à rien ?

Tu sais, c'est comme les écolos qui trouvent que tu fais jamais assez.

C'est quoi l'intérêt de faire la leçon à une femme qui aime d'amour les poèmes de Louise Labé et s'amuse à les confronter à ceux de Ronsard (ce mec avait tellement le melon, mon dieu) ?

D'ailleurs, Jeanne A. Debats m'a aussi demandé si je croyais qu'Alice Coffin (je suppose que c'est la féministe en question, celle qui ne veut plus lire de littérature masculine) n'avait jamais lu Baudelaire et Zola. Bon déjà je sais pas qui est Coffin, mais c'est surtout passer à côté de mon propos. J'ai cité ces auteurs parce que je trouve leur plume bien plus qu'admirable. Je ne cesserai pas de les lire parce que je veux désormais aborder le monde sous un autre angle. L'un n'empêche pas l'autre. Je trouve invraisemblable d'être amoureu(se) de littérature et de se restreindre à la littérature féminine, comme je regrette qu'on ne lise pas plus de femmes au lycée. Comme si, sous prétexte que ce sont des hommes, il y avait le moindre rapport entre Montaigne et Oliver Stone (oui il est passé ce matin sur Inter et je l'ai trouvé passionnant.)

En plus, je suis assez d'accord avec Brighelli quand il nous met au défi de trouver le même nombre de femmes écrivaines que d'hommes. Aujourd'hui, oui, aucun problème, mais au Moyen Âge ou au 17e c'est plus compliqué, pour des raisons évidentes. Réécrire la condition des femmes, c'est ça qui fait pas avancer le bousin, de mon point de vue. Je préfère faire lire Ronsard en soulignant sa misogynie, ou les stances à Marquise de Corneille, en demandant à mes élèves s'il était goujat ou très déprimé.

Et ! mesquinerie inside ! je préfère lire Victor Hugo que Jeanne A. Debats (dont j'ai pas aimé La vieille anglaise et le continent, c'est pour ça), parce que pour ma part, je cherche la beauté, la puissance des mots, et que je me fiche bien de savoir qui les a écrits. Homme ou femme, je veux dire. J'ai pas envie de lire des écrits nazis, quand bien même leur auteur(e) serait hyper talentueu(se). J'espère découvrir d'autres auteures, je trouve effectivement chez elles un autre regard, une autre version des faits. Mais préférer Sagan à Barker, ou Stephen King à Shirley Jackson, sur la base de leur genre, ça n'a aucun sens, pour moi.

Passion midinette

Samedi 11 juillet 2020, 22h17
♫ Bah la playlist qui va suivre

Alors voilà : j'ai pensé écrire ce billet, pour des raisons sur lesquelles je vais revenir dans un instant, puis j'ai ouvert YouTube, puis je suis tombée sur la vidéo de Maxwell consacrée aux "groupes de metal/rock/noise les plus dangereux." J'étais seulement arrivée au deuxième, Stalaghh, et je me sentais déjà tellement mal, que rédiger cet article m'a paru nécessaire, juste pour recommencer à respirer.

Parenthèse : Maxwell dit que certaines drogues ont pu ouvrir les portes de la créativité. Pour ma part, je pense que certaines personnes sont si créatives et/ou si instables qu'elles prennent de la drogue pour survivre. Pour moi, Maxwell se trompe de cause et donc de conséquence. Tel qu'il le dit, t'as l'impression que n'importe quel pécore assez audacieux pour prendre du LSD produira une œuvre de génie, et qu'il faudrait éviter parce que le risque de finir à l'HP est trop élevé. Mec. Je crois que ces gens auraient fini à l'HP de toute façon, et toi t'incites juste les gens à "devenir géniaux."

Bref. À l'origine, je repensais assez souvent à un truc que Mal' a dit en commentaire sur le Carnet, comme quoi elle avait mis très longtemps à assumer ses "côtés filles". Ça m'a beaucoup perturbée et je ne sais d'ailleurs toujours pas si j'ai moi-même cette tendance. En revanche, du coup, j'ai envie de partager mes contenus "de fille", qui ne me semblent pas très éloignés des contenus "de mec".

[Mes "côtés fille" sont de très mauvaise qualité. Je veux dire que c'est nul, vraiment, et que j'en ai conscience. Je me demande si c'est pas ça, le fond du problème : qu'en tant que fille, je sois plus apte à admettre que j'écoute et aime des trucs nuls, là où un mec se battra peut-être plus pour que soient reconnus les artistes qu'il aime, parce que ça le "déviriliserait" d'écouter des trucs nuls. Alors que nous, bon... C'est dans notre nature d'aimer des trucs médiocres ou tout du moins, ça s'excuse :)]

 
La version studio est bien plus audible (et plus juste !) mais je vous mets le live parce que... waw... qu'est-ce que c'est nul, my god !
(j'suis un peu choquée, parce que la rousse fait aussi les vocaux de Chris Pohl. Il est où, Chriiiis ?


Je continue d'adorer Blutengel en partie parce que c'est nul. C'est cliché, maniéré et répétitif dans les thèmes comme dans les orchestrations, et ça me fait rire. Mais ça m'émeut aussi beaucoup. Je trouve leur musique romantique, mélancolique et sensible.

You're the angel you're my queen
I'll do everything for you
I protect you from the cold
You can give me what I need

I'm addicted to your love
I'm addicted to this game
You give me pleasures give me pain
You're the only one I need

You're the master I'm your slave
We can reach eternity
Please don't ever let me go
You know I'm your property

And we're running through the night
You're the angel of my dreams
From the darkness into light
I will follow you

We're searching for a place to hide
A silent place for me and you
We leave everything behind
No one can find us

I love the way you make me feel
When you kiss me in the night
You know my soul belongs to you
And please keep it when you die

I see tears in your eyes
But you kiss me with a smile
Your skin is cold you close your eyes
I can feel you fade away
Blutengel, I will follow

Il est là, mon "côté fille" : j'adore les textes qui parlent d'amour un peu désespéré sur des mélodies dansantes. J'adore que Chris Pohl écrive des chansons dans lesquelles il se présente comme inféodé à une figure féminine inaccessible. Je trouve que ça le rend incroyablement touchant.

 
 C'est impossible de trouver un live audible de cette chanson. Mais les mitaines et les cheveux de Jape (et son col en V !) m'importent autant que son texte, vois-tu.

J'ai écouté cette chanson en boucle et, vingt ans plus tard, je l'aime toujours autant. Le rythme, la voix qui se craquelle dans les aigus, et les cheveux longs de Jape. Évidemment que c'est neuneu. Mais quand j'avais quinze ans, To/die/for, c'était quasiment mes premiers chevelus. Les premiers mecs qui ressemblaient à ce que je cherchais : choupis, sexy, tendres, baraqués. Je tiens pas à ce dernier point, mais je suis émue par les mecs "virils" qui ne le sont pas.

 Le clip de Wicked Games étant super sexiste de mon point de vue, je m'en tiendrai là.

Bah, Him, quoi. Même si je me rends bien compte vingt ans plus tard que s'appeler "HIM" c'est méga beauf. En même temps, se faisait appeler "him" le type qui posait comme une pétasse sur la pochette ci-dessus. Donc oui, je l'ai principalement aimé parce qu'il était maquillé et dévêtu. Je tombe toujours amoureuse des mecs efféminés ou qui s'efféminent.

Pas parce que je suis une lesbienne refoulée ! J'aime les filles. Leur voix, leurs hanches, leurs talons (ouais moi aussi j'ai des clichés. Je trouve juste ça méga sexe, les talons. Aussi sur les mecs, justement.) J'aime pas la masculinité virile. Quand j'étais jeune, je me souviens que Julia était super mal à l'aise, chaque fois que je disais que telle fille "n'était pas mon genre." J'ai toujours beaucoup plus regardé les filles que les mecs, mais je m'aime pas trop, moi, j'aime pas trop être une fille au sens où j'ai du mal à trouver beau mon sexe, où je peux même le trouver répugnant, alors bon, aimer les filles, ça s'arrête souvent là. Je saurais pas trop les toucher, je suis supposée savoir quoi faire alors qu'en fait non, je préfère l'étrangeté des mecs. Mais nan, je les aime pas pleins de pec' et de poils. Je les aime maquillés et les cheveux dans la figure.

C'est pour ça qu'un de mes films préférés a toujours été Tout sur ma mère.

 
 


Mon côté fille, par ailleurs, se traduit aussi par ma passion pour les meufs badass. Je mets ma main à couper que les mecs aussi aiment les gars qui les font se sentir puissants. Les racailles en sont la preuve.


 
 C'est la raison pour laquelle je mets la plus évidente et non la meilleure - de mon point de vue. Oui, je veux les mêmes cheveux et la même voix.
Spéciale dédicace à mes métalleuses de 5e il y a deux ans !



 

Say goodbye on a night like this
If it's the last thing we ever do
You never looked as lost as this
Sometimes it doesn't even look like you
It goes dark, it goes darker, still
Please stay
But I watch you like I'm made of stone
As you walk away

I'm coming to find you, if it takes me all night
A witch hunt for another girl
For always and ever is always for you
Your trust, the most gorgeously stupid thing I ever cut in the world

[...]

For always and ever is always for you
I want it to be perfect, like before
The Cure, A night like this

Je veux des femmes badass et des mecs qui pleurent. Je nous veux tous sur la corde ou en chute libre.

Dans ma tête se jouent des drames romantiques dans lesquels les gens se réconcilient. C'est ma scène préférée, celle avec la musique nostalgique où des gens se pardonnent et se comprennent, dans cet ordre. Et dansent. J'adore voir les gens danser.

Hum. Y compris des slows. J'adore les slows, les sirupeux qui dégoulinent d'hormones adolescentes (d'un autre âge, certes.)

Comme ça :


Ou ça :


Et ce coup de vieux. J'ai l'impression qu'un truc pèse sur mes épaules, physiquement. J'ai trop aimé Jours étranges pour vraiment m'en remettre.


Oui, j'étais amoureuse de Saez. Parce que j'aime les gens - les hommes - qui parlent bien. C'est pour ça que j'ai un crush pour Macron :D
Blague à part, oui, j'ai été une adolescente cliché, et j'ai envie de dire évidemment : les clichés, on ne les invente que pour se foutre de la gueule des gens qu'on ne comprend pas. Mais ils sont - nous sommes - assez nombreux pour perturber les soit-disant Normaux. On ne se foutrait pas de notre gueule si on n'était pas assez nombreux. Personne ne saurait qu'on existe.

Allez, je vous laisse. J'retourne me noyer dans les yeux de Di Caprio.

Ouais, c'est aussi pour mater Kate Winslet, évidemment !

Passion Nachtblut

Samedi 4 juillet 2020, 22h56
♫ Nachtblut (obviously)


"Seems like high-budget shampoo advertising. "Even after hours of hedbanging my hair is so soft and looks so nice!"
Commentaire YouTube

Ce commentaire m'a fait rire parce qu'il m'a semblé parfaitement juste.
(en plus maintenant chaque fois que j'entends de la flûte je pense à Shittyflute...)

Il n'empêche que je dois me rendre à l'évidence : j'adore ce groupe.


Mais genre, vraiment. Genre, à les écouter en boucle - mais une chanson à la fois, je suis monomaniaque.
Faut que j'assume. J'aime pas les choses élaborées qui resteront dans l'histoire. J'aime les voix black qui grimpent dans les aigus et les mélodies enlevées.
Je vous en avais déjà parlé il y a deux ans (la vache !) et c'est de pire en pire. Jusque-là, j'avais écouté Antik en boucle, puis l'album, puis Wat is' denn los mit dir. Et maintenant, avec ce titre (ci-dessus, je veux dire), j'ai ajouté la totalité de leur discographie à ma bibli Spotify.

 

J'ai l'impression que ça a été composé exprès pour moi.

 

Tu vois, ce que des tas de gens aiment dans les génériques d'animés japonais ? Ce côté épique et niais à la fois ? C'est ce que j'adore dans ces morceaux. Et ces aigus, putain, ces aigus. Et la rythmique allemande. Moi un mec qui chante comme ça, je fonds direct. Je sais pas pourquoi !

Ceci dit, au fil de mes écoutes, YouTube en est venu à me proposer de regarder ça, et chuis désolée mais Nachtblut n'est pas plus ridicule :D


 

On se croirait au Disneyland des goths, c'est magique !

 Ou bien Lord of The Lost, qui est passé de La Bomba (un de mes clips préférés ever - et au passage, on est d'accord que le claviériste ressemble vraiment à Manson jeune ?) aux habits de mamie :

 

Et dont je me demande "mais pourquoi fait-il d'aussi grands moulinets avec ses bras ?"

Bref : tu vois bien que Nachtblut c'est pas si pire.
Et puis, ses cheveux, quoi.
Dans les deux vidéos qui suivent, tu verras qu'Askeroth peut assurer aussi bien les aigus que les graves (nan mais je sais que tu vas pas les regarder, t'inquiète, je suis pas vexée.)


 

 

J'adore ce live.  Deux chanteurs c'est deux fois plus sexe, j'y peux rien hein.
(eh, y'a du monde à leurs concerts, j'suis pas la seule, zut.)

Allez, une dernière :




Stéphanie

Samedi 20 juin 2020, 00h00

Aujourd'hui, j'ai assisté aux funérailles du mari de Stéphanie. Il avait 46 ans et il a fait un infarctus dont il ne s'est pas réveillé. Dimanche, Stéphanie m'écrivait : "les médecins pensent tout arrêter demain ou mardi."

Aujourd'hui il y avait cette femme dévastée devant un cercueil toujours trop petit, tenant par la main deux marmots de sept et neuf ans qui, je crois, n'avaient pas réalisé qu'ils ne reverraient pas leur papa. Je les ai contemplés sur l'écran qui diffusait la cérémonie dans le hall (c'était un bel enterrement, aurait dit la grand-mère de Mathias : nous étions trop nombreux pour tous entrer dans la salle). La petite, que je distinguais bien sur la vidéo, serrait sa mère dans ses bras chaque fois qu'elle s'effondrait, comme une petite dame. On voyait dans son geste qu'elle disait "ça va aller, maman, je suis là", et je voyais Stéphanie la serrer fort, et c'est un des pires trucs auxquels j'ai assistés. J'avais déjà vu les gosses de Valérie, hiératiques, suivre le corbillard le long de l'allée du cimetière, tout droits et dignes comme dans un tableau de Courbet. Je crois que cette petite fille en rose qui ne tenait pas en place sur sa chaise m'a encore plus émue.

Je suis sortie de là les mains si tremblantes que Julien m'a demandé si je voulais qu'il me roule la clope que je lui avais quémandée. On étais tous là, les gens de Stella Maris, comme des cons, tous ravagés à des degrés divers, et tous conscients que nous retournerions dans quelques instants à nos familles. (Sauf Thierry et Julien, peut-être, je ne sais pas.) Tandis que Stéphanie rentrerait dans sa maison vide et se coucherait dans son lit vide.

Les parents de son mec étaient là. C'est le deuxième fils qu'ils perdent. C'est leur père qui l'a dit, des sanglots plein la voix, tandis que sa femme se tenait là comme une madone figée dans la cire. Il a parlé à son fils restant, lui disant qu'il devait se sentir bien seul sans ses frères, et que la vie était putain d'injuste, mais qu'ils traverseraient ça ensemble
Stéphanie, de son côté, a enterré le sien, de frère, l'année dernière. Cancer du poumon.

Je ne suis pas mère, aussi ne puis-je pas compter au nombre de mes hantises la perte d'un enfant, même si je peux l'imaginer (sans arriver au millième de souffrance que cela doit représenter, cela va de soit.) En revanche, Stéphanie vient de vivre coup sur coup tout ce que je peux imaginer de pire. Mes collègues qui sont mamans se focalisent sur les enfants et je crois que je les comprends, mais ma sœur, mon mec, sont ce que j'ai de plus précieux, ceux sans qui je ne peux m'envisager vivre. Même Natasha me disait qu'elle ne se remettrait jamais de la mort de son mari. Elle est pourtant croyante.

Je suis persuadée que je ne me remettrais jamais de la mort de Mathias. Et j'imagine cette femme qui doit rester debout pour ses enfants, qui n'a pas le droit de flancher, cette femme qui a déjà perdu la chair de sa chair, son frangin, son âme, et qui désormais n'a plus personne, enfin, bien sûr que si, mais plus personne qui la connaisse dans sa chair justement, plus personne qui sache sa vie et ses émotions sur le bout des doigts...
Je l'imagine debout dans sa maison vide, ses enfants couchés, avec toute cette souffrance que les adultes refusent d'envisager, toute seule, putain, et peut-être que je ne fais que me projeter moi mais ça ouvre un vortex sous mes pieds.

J'ai pleuré quand l'officiant a demandé une minute de silence et que Stéphanie s'est levée avec ses mômes pour fixer un putain de cercueil et je me suis barrée à peine moins vite que Gwenola quand ça a été fini. Y'avait Thierry qui essuyait ses larmes et il fallait que je lui demande à lui spécifiquement si ça allait, parce qu'il m'avait dit qu'il ne serait "pas à sa place, comme d'habitude", et que je trouvais ça presque aussi horrible, que personne ne vienne te voir pour te demander si ça va parce que c'est normal que tu sois seul quand t'as jamais échangé plus que des sourires.

Et puis j'étais dans la voiture de Béatrice, qui m'avait amenée parce que j'avais dit aux collègues que je voulais pas y aller seule et qu'en vrai je voulais même pas conduire dans Saint-Brieuc, d'autant moins que je fais n'importe quoi depuis que je sais, j'oublie ma carte bleue, je mets de l'eau froide sur mon thé et je mets ma clef de maison dans la serrure de la voiture, et je me sentais mal parce que maintenant que c'était fini j'étais joyeuse.

J'ai tout verrouillé. Mes mains tremblantes m'ont trahi, mais en dehors de ça, ça a super bien marché. L'angoisse que j'ai ressentie jeudi, après que Yoann m'ait demandé si je pouvais assurer l'intérim téléphonique au collège, ou si je voulais y aller, m'a rappelé il y a trois ans et je ne voulais pas, putain, je voulais pas la ressentir à nouveau. Alors j'ai fermé les écoutilles, me suis répété que souffrir n'aiderait pas Stéphanie et me suis montrée aussi courtoise et enjouée que d'habitude. J'ai même pas menti. C'était vrai. J'ai médité jeudi jusqu'à ce que mon souffle se fasse marée et engloutisse Angoisse. Après j'ai avancé pas à pas. Mais avec un putain de sentiment de lâcheté.

Je sais plus ce qui est vrai entre la sérénité trouvée et l'émotion qui m'apparait factice à force d'avoir été refoulée. J'avais pas tremblé comme ça depuis maman mais mes yeux étaient secs. J'ai pleuré deux secondes dans la voiture ce matin, c'était chouette. Je me sentais libre. Je suis passée des larmes au sourire en l'espace d'une bourrasque costarmoricaine et sans doute que c'était normal, parce que moi je n'enterrais personne aujourd'hui et que la compassion ne justifie pas la dépression. Pourtant je me sentais coupable, d'avoir osé tout mettre en œuvre pour ne surtout pas ressentir ça. La douleur de Stéphanie dépasse de loin de ce que je suis capable d'encaisser, alors je lui ai tout simplement barré l'accès, alors même qu'elle ne me concerne pas.

Elle a levé les yeux quand elle est sortie du funérarium et j'ai l'impression qu'elle a regardé dans notre direction. Elle était toute seule à ce moment-là, mais je ne me suis pas approchée, ni même n'ai osé vraiment la regarder, parce que je ne m'estimais pas légitime à être là. Béatrice m'a dit qu'on partait quand je voulais, j'ai dit "Je crois qu'on n'a aucune raison de rester", Julien qui a croisé mon regard a dit "je ne sais pas" et nous sommes partis quelques minutes plus tard. Julien regardait Stéphanie qui parlait avec Yoann, je crois qu'on se disait la même chose. "Est-ce que j'aurais dû ?"
Je lui ai écrit dimanche que si elle avait besoin de quoi que ce soit, je serais là, mais je ne sais même pas de quoi elle a besoin, parce qu'à sa place, je serais anéantie, et je crois que Julien et moi nous demandions si elle avait compris que nous fuyions parce que nous ne savions pas comment affronter sa douleur. Je ne veux pas qu'elle le sache, parce qu'aussi vrai que ce soit, c'est je crois un des pires trucs que tu puisses dire à quelqu'un : "je crois que je sais, et c'est pourquoi je m'en vais."

Je ne sais pas quoi faire de ça. Je ne sais pas si je dois revenir, si elle a conscience de mes atermoiements de merde, si au contraire bien sûr elle a trop à gérer pour même les avoir remarqués et encore moins en avoir quelque chose à foutre, si je suis hypocrite ou empathique. Avec Béatrice, on se disait qu'on ne connaissait même pas ses enfants. On ne la connaît même pas assez pour s'investir, en fait, pour dire, "ok, je prends les mômes, prends soin de toi." On ne peut que lui envoyer des regards larmoyants et putain d'inutiles.

Pourquoi (?)

Lundi 15 juin 2020, 00h04
Mes tops titres en 2019 (qui vont aussi l'être en 2020, du coup)

Je n'ai pas écrit ici depuis plusieurs mois et ce soir, je le fais alors même que je n'ai plus de raisons de le faire.

J'ai beaucoup envié ma sœur pour les belles rencontres qu'elle a faites. Sur plein de sujets, j'ai toujours quinze ans dans ma tête, et correspondre avec quelqu'un qui me touche de plein fouet et n'appartienne pas à ma famille faisait toujours partie de mes rêves.

Je dis correspondre, parce que souvent, les connexions intellectuelles ne survivent pas à la rencontre physique. En l'occurrence, je le connaissais du boulot et nous avons commencé à nous écrire "accidentellement", après une conversation due au hasard à propos du Motocultor et de Heilung. Je lui ai envoyé mon morceau préféré (le trailer de Hellblade 2, évidemment) et ça a ouvert un gouffre.

Je le lui ai même dit, que normalement, tout ce que je lui ai écrit, je l'aurais fait ici s'il ne m'avait pas envoyé ce mail. Ça m'interroge pas mal à propos de ce que je cherche à accomplir en blogguant, mais je ne me leurre pas : je vais continuer. La preuve.

J'ai découvert un nouveau blog, aujourd'hui. Écrit par un mec, ce qui m'a fait un bien fou. Je n'écris pas seulement parce que je me sens seule. J'écris parce que ça m'a sauvé la vie. Parce que je ne peux pas faire autrement. Parce que ça n'a parfois aucun seul de le faire pour soi. Certaines choses crient trop fort. Je me fais le porte-voix d'une palanquée de démons, et si d'autres que moi ne l'avaient pas fait, je me serais recroquevillée sur mon îlot et m'y serais desséchée.

Alors ce soir j'écris même si l'encrier est vide, parce que je trouve ça magnifique, ces glyphes imprimés sur des murs, des feuilles volantes ou des journaux intimes, qui témoignent de ce qu'aucun d'entre nous n'est un stéréotype ou une coquille vide. Le plus bête de mes élèves a toujours eu quelque chose à dire qui dépassait de loin ce qu'il était capable d'exprimer. J'aime que ça laisse des traces.

Découragement

Mardi 24 mars 2020
♫ Top titres 2019

J'suis en plein dilemme. Entre l'envie d'écrire et la conscience que personne ne me lit. Les gens qui lisent le début de mes fics ne dépassent pas le chapitre 1. Et, évidemment, ne laissent aucun commentaire. Personne n'a lu Jack of Spade. L'art ingrat d'écrire pour des gens qui ne réalisent pas que ça ne coule pas de source.

Enfin, "pour" des gens... J'écris pour moi, d'ailleurs c'est pour ça que je continue. M'enfin, quitte à n'écrire que pour moi, je me demande pourquoi je ne me contente pas de bloguer.
Je confesse à ce propos une profonde jalousie pour les Miss Blemish et consort, qui sont contactées par des éditeurs juste parce qu'elles font un max de vues sur leur blog. Je ne leur en veux pas, je les jalouse, seulement. Je pense par ailleurs qu'elles écrivent vraiment bien. Et j'admets une part d'aigreur qui me fait dire que les éditeurs cherchent avant tout à vendre, pas à rendre publiques des œuvres qui les touchent (ce qui explique qu'ils ne réfléchissent pas avant de songer à publier les mémoires de Woody Allen...) (je tiens à préciser que Miss Blemish n'écrit pas de fiction)

Mais c'est vrai que c'est un peu déroutant, et au final très décourageant, de s'apercevoir que ce qui nous tient à cœur et nous a pris tant de temps à mettre en forme n'intéresse strictement personne. Concernant DA2, les gens ne recherchent apparemment que des fics humoristiques, ce que la mienne n'est que rarement. Et de toute façon, d'une manière générale (point aigreur numéro 2), les univers qui m'intéressent n'intéressent qu'une poignée de pelos. Le pire, c'est que je pense que même si j'avais fait comme Mu et publié ma fic FFXV - un univers *un poil* plus populaire que DA -, je n'aurais pas eu plus de vues, parce que je démarre direct dans le drama, et que les gens veulent de l'humour et du yaoi et après, éventuellement, du contenu.
(la fic de ma sœur est exceptionnelle et je vous la recommande très vivement, mais genre vraiment.)

Bref : je ferais mieux de me concentrer sur mes cours de japonais.

Ni vengeance ni absolution

Vendredi 13 mars 2020, 00h08
♫ Heilung - In Maidjan

Je voudrais jouer à Hellblade. L'énigme à laquelle je me suis arrêtée m'ennuie (je suis très patiente, mais pas pendant longtemps, disais-je à mes élèves il y a deux ans, qui, du haut de leurs douze ans, ne relevèrent pas :)) mais ce n'est pas ce qui me rebute.

Je ne veux pas jouer à Hellblade. Je ne suis pas Senua, je ne veux pas de son sacrifice, ni des voix dans sa tête qui me traitent de conne chaque fois que je m'éloigne de mon objectif. Je me demande sincèrement si ceux qui ont joué jusqu'au bout avaient besoin qu'on leur rappelle... Qu'ils ne maîtrisaient rien ? Que leur vie serait courte ? Qu'elle ne vaudrait rien en regard de l'immensité ?

Le sacrifice de Senua n'est pas le mien, mais celui de gens plus courageux que moi, ou plus croyants, et je ne veux pas les suivre. Je peux les regarder en face, mais pas les suivre. Elle incarne ce à quoi j'espérais échapper, ce que je fuis avec ce que j'estimais être de la force et de la détermination. Je ne ploie pas devant les démons. Je ne laisse personne entrer. Senua, si. Elle croit que chaque parcelle d'elle qu'elle abandonne lui ouvre la voie. Moi, j'écoute Danheim et, si je me concentre assez, chaque note devient une écaille que j'ajoute à mon armure.

Quand une flèche me transperce, je recommence. Je me crée un nouveau visage. Je ne suis pas de ceux qui persévèrent.

 

Je suis de ceux qui ne savent pas abandonner. J'utiliserai toutes les feintes à ma disposition. Je me relève, me cache et me métamorphose. Je n'irai jamais jusqu'au bout. Là où d'autres se dépouillent, je me tiens au bord du chemin, et sélectionne le masque qui m'ira le mieux.

Hel(l)

Mercredi 4 mars 2020

Hellblade 2 Main Theme by Heilung - Maidjan Song


Jusqu'à 1m20. Je ne sais pas quand était la dernière fois que j'ai été ébranlée de la tête aux pieds comme ça (ça fait cinq fois que je regarde...)

17 février, Marika Takeushi et... bonheur dans les larmes


"Je ne devrais probablement pas faire ça", ai-je pensé en ouvrant Paradize. En fait, c'est pas tellement une question de "devoir", c'est juste que j'ai conscience des deux bières en 33cl qui courent dans mes veines et de l'effet qu'elles ont, combinées à la musique. Mais ça importe peu. Ce qui compte, ce sont les larmes qui me sont montées aux yeux, et aussi le fait que ces larmes ressemblent désormais un peu plus à celles que je verse en pensant à La zone du Dehors ou en regardant l'épisode final de Buffy. C'est une tristesse que j'ai aimé ressentir, aussi fou que ça paraisse.

Donc : ce qui suit, ce sont les pages que j'ai écrites du 24 août au 26 septembre 2017. Ça m'a fait du bien de les relire, parce qu'elles m'ont reconnectée à des émotions enfouies, sans les raviver au point de m'effondrer. Ça m'a paru sain. Reste qu'elles sont douloureuses et que si toi qui me lis, t'es en train de te reconstruire, t'as vécu un deuil ou t'as juste envie d'être heureux et t'as bien le droit... bah ne les lis pas.

*

24 août 2017

Il est encore trop tôt pour écrire sur ce sujet-là. Ou pas. J’en sais rien. J’ai l’impression que chaque jour est une épreuve. Une confrontation avec de nouvelles questions. Hier matin, je ne pouvais pas vraiment dormir. J’avais pris une cuite au mousseux la veille. J’ai pratiqué l’humour noir, été étonnée de ne rien ressentir, puis ai éclaté en sanglots sans avoir rien vu venir, parce qu’il me semblait capital de répondre immédiatement à la question « dois-je lui mettre son médaillon ou le garder en souvenir ? » Je me suis levée parce que je ne me rendormirais pas, parce que je venais de lire le mail de mon père dans lequel il disait « Maman voulait être incinérée afin que personne ne puisse venir se recueillir sur sa tombe » et que j’avais ri. J’ai failli réveiller Mathias pour lui faire part de cette bonne blague. Et puis Mu était debout, déjà pendue au téléphone parce que comme elle a été la première à répondre à ce fameux coup de fil, c’était elle qui désormais assurait le secrétariat du deuil.

On a essayé de penser correctement, de faire les adultes. On s’est dit qu’il fallait qu’on aille aux Pompes Funèbres.

Là-bas, tout le monde semblait savoir qui on était. Le dossier de Maria Georges, née Kessens, était posé sur le bureau alors qu’on ne s’étaient même pas présentées. Je me suis ennuyée ferme, c’était long et fastidieux, on nous a posé des questions qui m’ont paru stupides.

J’ai failli fondre en larmes dans la petite pièce aux murs verts où sont exposés les cercueils. Rien ne me fait jamais plus prendre conscience de la mort que ces boîtes, qui ont toujours l’air beaucoup trop petites pour accueillir un corps. Puis c’est passé.

J’ai rien pu avaler à midi, sauf les comprimés contre l’anxiété de Mu, mais je ne ressentais rien. Chez Régina on a souri, raconté ce qui s’était passé sur le ton de la conversation ordinaire. Une fois rentrés à la maison, j’ai dit à Mathias que je ne ressentais rien, que c’était pas normal.


« Maria a quitté sa maison à 15h, en compagnie de Sophie, Christine et Béatrice. » Je l’ai trouvée jolie, cette phrase, dans le cahier qui sert aux aides-soignantes à consigner depuis plus de quinze ans le quotidien de maman. Un quotidien qui se résume à des phrases comme « Maria a mangé des carottes ce midi. Elle était fatiguée et n’a pas voulu se lever ».


J’ai expliqué à Mathias que j’étais terrifiée par la cérémonie de mardi. Et si je ne ressentais toujours rien ? Et si je demeurais froide comme la glace, verrouillée ? Je fais ça, souvent. Si l’émotion risque d’être trop forte, j’ai un super mécanisme d’auto-défense. Je cesse de penser et de ressentir, juste comme ça.

Et si, à l’inverse, je craquais ? Et si je me mettais à sangloter sans pouvoir m’arrêter, au milieu de tout le monde ? Je sais pas pourquoi cette éventualité me terrifie autant. Je crois que c’est parce que je me suis jamais livrée comme ça. À l’exception de Mathias, personne ne m’a jamais vue au moment où j’expérimentais une émotion pareille. C’est pour ça que tout le monde pense que je suis une personne forte et joviale. Je ne veux pas qu’on me voie trembler et suffoquer. C’est pas une question d’apparence. C’est pour me protéger. Je peux pas être ouverte en deux devant tant de gens, c’est dangereux.


Hier soir, après avoir déjà bu beaucoup trop de bières, j’ai répondu au mail de la sœur de maman, qui me demandait si elle était seule quand elle était morte et comment c’était arrivé. J’ai tapé les premières lignes de ce compte-rendu factuel et je me suis mise à pleurer. Y’avait pas vraiment d’images dans ma tête, juste, ça me faisait pleurer d’écrire, alors j’avançais dans mon mail, je repleurais, et ainsi de suite. Ça a été un peu long.

Je me suis couchée complètement bourrée.


Aujourd’hui, je me sens fatiguée et inquiète. Par moments, j’ai l’impression qu’un venin se répand dans mes veines, ça me donne l’impression de trembler de l’intérieur, dans les mains, dans le ventre, jusque dans mes mollets. J’arrive pas à réfléchir plus loin que « tiens, je prendrais bien un coca ». C’est hyper bizarre, mais je me laisse porter, y compris quand l’angoisse déferle. Si y’a un truc que j’ai appris cette année, c’est que lutter est épuisant et inutile. Je prends chaque seconde comme elle vient, je contemple tout ce que je traverse, et je l’accepte. En attendant la seconde suivante, le jour suivant, qui sera différent, lui aussi.


J’ai l’impression qu’une partie de moi espérait que les choses s’arrangeraient, même si c’était tout à fait irrationnel. Et puis maman est partie et j’ai réalisé que ne resterait jamais que le désespoir, que le sentiment d’une vie démolie à grands coups de hache aiguisée.


Quand j’étais gosse, j’étais croyante. Je connaissais par cœur le Je vous salue Marie et le Notre Père, et j’en savourais chaque syllabe, parce que je les avais apprises de la bouche de « madame Krystori » (pas la moindre idée de comment ça s’écrit), ma maîtresse en dernière année de maternelle, qui avait une diction délicate et passionnée.

Un peu plus tard, je me revois rentrer de l’école avec ma sœur, et lui dire abruptement : « Si Dieu existe, pourquoi il a fait ça à maman ? T’y as pensé ? » Ma pauvre petite sœur, qui si ça se trouve était précisément dans la classe de madame Krystori, a été très peinée de ma question.


La vie de ma mère, c’était ça : une haine, une rage qui ne se sont jamais apaisées. Jamais elle a appris à vivre avec sa maladie. Jamais elle l’a acceptée. Elle me l’a dit, un jour : « je suis morte le jour où j’ai appris que j’étais malade. »

Elle a enduré avec un entêtement complètement dingue. Un mélange de refus obstiné et de persévérance qui l’ont maintenue en vie trente ans durant. Elle était tellement en colère. On pouvait pas lui parler : elle était convaincue que, puisque nous n’étions pas dans sa situation, nous ne pouvions pas comprendre. Ça l’a rongée encore plus sûrement que la maladie. Nous étions responsables d’être sains de corps. Et je dis nous, mais c’est approximatif : elle a, jusqu’au bout, détesté tout le monde, sauf ses filles.

Je veux dire, je sais qu’elle avait conscience d’être imbuvable. Elle s’est excusée auprès des aides-soignantes, plusieurs fois. Avant de leur balancer sa bouffe à la gueule. Elle savait ce qu’elle devait à mon père, et elle lui a sauvé la vie au moins une fois. Mais sa rage était plus forte.

Au moins, je sais d’où me vient la mienne.


J’ai beaucoup plus de points communs avec ma mère que je ne veux l’admettre, et c’est d’autant plus bizarre que quand j’étais adolescente et que j’ai eu la sensation que je devais prendre parti, j’ai rallié mon père sans la moindre hésitation. Elle était la sorcière, la harpie, la venimeuse. Je n’en pense pas moins aujourd’hui… J’ai juste pris conscience que je n’aurais probablement pas été différente.

Maman ne voulait pas qu’on la voie malade. Je me souviens du regard méprisant de Béatrice, une fois que ma mère avait besoin d’elle, et que j’étais là, et que Béatrice a clairement pensé que j’étais une connasse qui faisait semblant de ne rien voir. Elle a compris depuis que je ne voulais pas, ne pouvais pas voir, parce que j’avais été éduquée par une mère qui avait catégoriquement refusé de m’impliquer (ce que j’ai toujours compris, pour le coup.)

À côté de ça, elle n’a jamais rien fait pour masquer le moindre de ses troubles, parce que elle était malade et nous n’avions qu’à nous démerder avec ça, vu que c’était elle qui souffrait et qu’elle n’en était pas responsable. Je ne sais pas combien de fois je suis rentrée à la maison à reculons, avec des copains, priant pour que personne ne la voie dans une situation délicate. Je l’ai tellement haïe pour ça.


J’ai appris à me blinder. Adolescente, quand je disais que je me sentais mal à cause de ma mère, on me disait que je me servais d’elle comme d’un prétexte. Papa pensait qu’on vivait tout ça bien parce qu’on en avait l’habitude. Je ne l’en blâme pas. S’il avait dû gérer en plus deux gosses désaxées, il s’en serait jamais sorti.

J’en ai conclu que j’avais pas le droit d’être malheureuse.


Et j’ai fini comme elle : porteuse d’une fureur démoniaque. Comme ma mère, je suis possédée par une colère immense, destructrice, qui s’exprime parfois à des moments complètement inopportuns. Parfois, je crache à la gueule de gens parce que leur souffrance me paraît petite et sans fondement.

D’autres fois, je la revois ressentir une compassion sincère pour des gens malheureux, alors même qu’elle gisait dans un lit d’hôpital. Une de ses premières hospitalisations, à Vannes, ils l’ont mise en gériatrie, parce qu’ils n’avaient pas de service approprié et qu’elle avait besoin des mêmes soins que les vieillards. Elle y a rencontré l’épouse d’un monsieur qui mourait d’un cancer, et elle nous a dit que c’était tellement triste, tellement injuste. Elle était sincèrement bouleversée que ces gens doivent affronter un drame pareil. Alors qu’elle avait cinquante ans et qu’elle arrivait à peine à porter une cuiller à sa bouche.


Vers la fin, elle se souvenait de rien. En même temps, elle se souvenait de tout ce qui était important. À Muriel et à moi, elle demandait toujours des nouvelles de nos copains respectifs (ou de nos ex !…) Elle n’oubliait pas les anniversaires, elle savait le nom de nos amis.

Elle se souvenait pas de sa journée précédente ni de qui elle avait vu la veille, mais elle savait qu’elle avait tellement mal parlé à Christine qu’elle lui devait des excuses.


Ç’aurait été tellement plus simple si elle avait été juste une connasse. Elle était tellement, tellement plus complexe que ça.


Il y a deux ans, à l’hôpital encore, où elle se remettait de ce coma qui aurait dû l’emporter, je me revois masser ses mains recroquevillées avec la crème hydratante qu’elle aimait bien, parce que ça sentait bon. C’est une des seules choses que je sache à propos de ma mère. Qu’elle aimait bien l’odeur de la crème pour les mains. Elle a jamais parlé de ses sentiments. Je ne sais pas pourquoi elle haïssait sa mère. Je ne sais pas ce qu’elle a pensé quand elle a compris que son père l’avait enlevée à l’âge de quatre ans, avec sa sœur, pour l’élever aux Pays-Bas tandis que sa mère et son frère demeuraient en Suède sans savoir où elles étaient (je sais, on dirait un fake.)

J’étais persuadée que je ne dirais pas un mot, rapport entre autres à ma phobie de l’émotion rendue publique, et j’ai fini par écrire un texte. En mourant, maman m’a offert l’opportunité de dire tout ce que j’ai gardé pendant toutes ces années.

Y’a tellement de portes qui s’ouvrent. Comme si tant qu’elle était en vie je pouvais pas parler. Comme si sa mort m’offrait la légitimité de dire ce que j’ai ressenti. Avant, je croyais que j’avais pas le droit de me plaindre, parce que plein de gens souffraient. Sa crémation me donne le droit de hurler. Ma mère est morte : personne dehors ne me reniera le droit de souffrir. J’ai enfin obtenu le droit, la légitimité de péter une pile.


J’ai eu mal, putain. C’est normal, d’enterrer ses parents. Ça fait au moins vingt ans que j’ai enterré ma mère. Ça fait au moins vingt ans que je la vois crever. Toute ma vie, elle s’est construite autour de ma peine et de ma haine. J’ai toujours eu l’impression d’être cassée sans aucune raison. J’oserais jamais passer ça à son enterrement, mais une des chansons qui m’a le plus fait penser à maman ces dernières années, c’est Illusion.

Being like you are, well, this is something else
Who would comprehend ?
[…]
Please don't go, I want you to stay
I'm begging you, please, please don't leave here
I don't want you to hate for all the hurt that you feel
The world is just illusion trying to change you

Je lui ressemble tellement. Dans ma façon de crier avant de m’exprimer. Dans ma colère inextinguible. Papa et Muriel sont tellement plus fatalistes. Tellement plus altruistes.


À leur place, je me serais barrée depuis belle lurette. Encore une fois, c’est une question de préservation. C’est pour ça qu’il y a des gens dans ma tête. Leur souffrance est la mienne. Elle est par conséquent beaucoup plus facile à appréhender. Chaque deuil, chaque souffrance que j’endure, je la sublime. Chaque traumatisme, je le revis dans un film qui me permet de l’esthétiser. De l’admettre.


25 août

Je crois qu’inconsciemment, l’absence de papa me pesait. Je me sens soulagée de le savoir rentré. De l’avoir eu au téléphone deux fois, d’avoir discuté un peu, même s’il a été tour à tour cynique et dévasté.

Je me suis encore levée très tard. Je me suis traînée toute la journée. Ça m’a demandé un effort de prendre une douche, de m’habiller, d’aller acheter des clopes. Je savais que c’était normal, dans la mesure où je n’ai presque rien mangé depuis mardi, et beaucoup bu, mais ça m’angoissait aussi. Je me souvenais que la dépression provoque ce genre de choses. Je me suis donc forcée à effectuer ces simples gestes, tandis que Mathias récurait la maison, qui en avait bien besoin. J’ai passé le reste du temps à relire Hel, de Graham Masterton. C’est marrant, j’ai toujours adoré cet auteur, mais ses livres sont encore meilleurs que dans mon souvenir. La petite Elizabeth est très convaincante, et attachante, alors que je me souvenais que Masterton pouvait être assez macho dans sa façon de présenter ses personnages féminins. Peut-être une question d’époque.


30 août

C’est fini.
Une fois devant le cercueil, la question de mes émotions ne s’est plus posée. C’est la première fois que je perds quelqu’un (il y a eu mamie, mais je n’étais pas là). J’étais assise au premier rang pour la première fois. Et c’est encore une fois le cercueil qui m’a fait perdre mes moyens. Maman était allongée sous le couvercle de cette boîte, à un mètre de moi. Ma mère, que j’avais toujours vue vivante, avait les yeux clos sous ce couvercle, dans cette boîte beaucoup trop petite.

On a passé les photos sélectionnées par Papa. Elle était tellement belle. J’étais contente que les gens voient à quoi elle ressemblait quand elle était jeune. Comme ça, ils pouvaient mesurer l’ampleur de sa déchéance. Ils pouvaient enfin se faire une idée de ce que j’avais vécu (de ce qu’elle avait vécu). C’est un sentiment de connasse, mais, hé, je suis la fille de ma mère.

J’ai entendu ma sœur éclater en sanglots à côté de moi, et c’était réconfortant de pleurer à l’unisson en se souvenant de la femme sublime et aimante qu’elle était.

J’ai eu l’impression de pleurer plus fort que tout le monde quand ça a été notre tour de déposer une rose (et mon texte) sur son cercueil, et quand ensuite ils l’ont emmenée. Sur le moment, ça a été un soulagement immense de lâcher prise ; après, je m’en suis voulu d’avoir été si bruyante. Je me suis dit que ça devait paraître faux, parce que j’avais été tranquille presque tout le temps avant ça (sauf quand j’ai parlé à Elie, la seconde et véritable maman de ma mère, à force, elle a réussi à me faire chialer. C’était quand elle m’a rappelé qu’apparemment, juste avant que papa ne parte à Bali, maman lui a dit « tu sais, je t’aime toujours » et qu’il lui a répondu « moi aussi ».)


J’étais tellement lessivée quand tout a été fini. Je croyais qu’on « assisterait » à la crémation ; ça m’a fait bizarre que le cercueil soit juste « emporté ».
J’ai pas arrêté de me dire « merde, je pensais pas que les hommages commenceraient tout de suite, papa n’était pas prêt ». Il a fait un très beau discours.


Je me suis senti tellement entourée. Je ne pourrais jamais dire à ceux qui étaient présents combien je leur suis reconnaissante. J’ai aimé m’entendre dire que je ressemblais à ma mère. Après toutes ces années, je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir un signe. La boucle est bouclée. Maman est morte, et je sais désormais qui je suis. C’était définitivement l’année de l’épanouissement, aussi curieuses soient les routes que ça m’a pris pour arriver à comprendre.


C’était tellement beau, toutes ces roses sur le cercueil, et tous ces gens réunis autour d’une image de Maria, une image pas tout à fait complète et en même temps parfaitement réelle.
La dernière carte postale d’Elie, celle qu’elle n’a pas eu le temps d’envoyer.
La carte d’Ulla, sa vraie mère, qui disait « now Maria is definitively separated from her mother. » Le drame de cette famille déchirée par mon grand-père, cet homme par ailleurs si aimant. Cet homme qui a fait dans le drame la femme qu’était ma mère, et qui m’a faite moi par extension.

Kersti ressemblait à un mannequin anorexique incognito. Jan pleurait sur le parking en descendant de sa voiture, lui qui la veille nous avait apaisés de son humour si particulier. Quand ça a été son tour, Alexis est resté plus longtemps que les autres auprès de maman, et il a tapé trois coups, trois fois, sur le cercueil, et j’ai eu l’impression qu’il accomplissait un rituel connu de lui seul, ou peut-être juste de maman et lui, et ça m’a plu.


Avant la cérémonie, quand Papa a vu Damien, il l’a serré dans ses bras longuement, en pleurant, et j’étais un peu mal à l’aise pour Damien, et en même temps tellement heureuse, tellement fière, d’avoir une famille, une famille faite de tous les gens qui nous entourent, et qui s’aiment, et qui se soutiennent en dehors de tout lien du sang, en dehors de toute pose. Cette accolade validait l’importance du geste de Damien, de sa présence. Elle validait cet accord tacite, dont Damien porte la paternité à mes yeux : « tu es là pour moi, je m’en souviendrai toute ma vie ». D’autres personnes m’ont évidemment fait ce don, mais pour papa c’est différent. Damien était là « gratuitement » à ses yeux.


J’ai tellement détesté ces conversations « d’adultes » (non, de toute évidence, je n’arrive toujours pas à me considérer comme une adulte), durant lesquelles les gens se remémoraient maman dans sa souffrance. Je sais que c’est comme ça qu’ils gèrent. Je sais bien que ça partait d’un bon sentiment. Mais j’ai tellement détesté les entendre, ou me retrouver seule avec Denise qui voulait, avait besoin de parler, et qui me disait « oh lala, heureusement qu’il y a la clim. C’est sûr que sans ça, Maria n’aurait jamais pu tenir le coup. Il fait beaucoup trop chaud. Tu sais, je pensais à elle chaque été, quand il faisait chaud comme ça... » Et j’avais envie de hurler, que je SAVAIS DÉJÀ TOUT CA, que j’étais là, putain, et que ce genre de discussion me donne l’impression de parler de la pluie et du beau temps, sauf qu’on parle de la maladie et de la mort. Je ne suis pas prête pour ça. Je comprends le principe, mais alors on devrait parler de quelqu’un qui est étranger aux deux parties, quelqu’un comme le fils d’Alexis. Ce n’est ni ma mère ni l’ami de personne dans la pièce. Ça nous permet de nous souvenir qu’il y a toujours pire ailleurs. Mais moi je peux pas relativiser quand on me rappelle le martyr de ma propre mère. Je sais juste.


23 septembre 2017
00h56
♫  Sabaton – To hell and back

Ma collègue tout à l’heure me racontait la difficulté qu’elle avait éprouvée à se remettre du départ de son mari. Qu’elle avait passé trois mois à l’hosto pour dépression.

J’irai pas à l’hosto. Mais je prendrai le temps qu’il faut. Le mi-temps, donc. Watermark. L’alcool qui me ferme les yeux. Cursum Perficio. La nicotine dans les poumons. Enya. Les vagues sur les rochers.

Elle me manque, putain.

Même si j’écoutais Storms in Africa pour m’évader. Je me voyais – me vois toujours – chevaucher au milieu d’une forêt en automne. Quand j’étais très jeune, j’y retrouvais mon âme sœur, et nous galopions ensemble.

Je sais jamais si Enya me détend profondément, ou si elle me replonge dans mes souvenirs.

J’écoute souvent Enya, n’empêche quand Mu m’a proposé de passer Smaointe aux funérailles, j’ai pleuré tout de suite. J’entendais la cornemuse. Ils ont emmené son cercueil sur cette musique. Son cercueil plein de roses dont elle se foutait.

De toute manière, je pleure toujours quand j’écoute Enya. Ça fait du bien, j’imagine. Et ce sera toujours The Celts. To go beyond, avec le violon. Ou le violoncelle – je m’en fous.

The memory of trees pour l’espoir.
Anywhere is pour… la vie.
Enya, je l’ai dans la peau.
Aucun rapport apparent, mais c’est comme la musique du Dernier des Mohicans. C’est le son que produit la vie. Qui va, qui part.
Un peu comme Sirens Call de Cats on Trees. Tu vois défiler tout Six feet Under.

J’ai eu tellement peur. J’ai tellement peur. Et maintenant, maman est morte.

Ça servira à rien de dire décédée à la place. Elle est morte, putain, elle est morte. Éteinte. Disparue. Dispersée – presque. Ce sentiment, quand tu vas chercher les cendres, et que ça tient dans un sac à main. Un sac de marin, pardon, une espèce de baluchon cylindrique qui pèse son poids parce qu’ils ont insisté sur l’urne, histoire de.

Et pas une tombe où aller lui parler. Rien. Partie.

Tout ce qui me reste de maman, c’est le collier que Mu lui avait offert. Le collier en argent que je porte chaque fois que j’ai besoin de courage – parce que ça, elle en avait à revendre. J’ai gardé le collier en argent, Mu a a gardé le pendentif qui allait avec ses yeux que je lui avais offert. Échange symbolique. Il va mieux à Mu – elle a les mêmes yeux. Pas tout à fait, en fait, juste bleus. Mais pas le même.

♫  FEARLESS
 Don’t be afraid.

12 février, cheveux rouges et copines

Le 11 février, je rédigeais un brouillon pour le Carnet Orange, qui finissait comme suit :

"Demain – dans trois quarts d’heure –, c’est l’anniversaire de maman."

*

On est le 13, maintenant. Hier, les mails ont afflué. Thomas, Anders, Kersti, Suzanne, même Elly qui est souvent avare en messages. Je me suis demandé si Mu allait réagir. J’ai essayé, de mon côté, et j’ai renoncé. Pas envie. Je me souviens m’être rappelé, dans la voiture, qu’on était le 12. Et j’ai pensé : « rien à foutre ! » et juste après j’ai dit à maman « désolée. Bon, de toute manière, c’est exactement la réaction que t’espérais de ma part. Mais je pense à toi tous les jours, tu sais. » C’est pas vrai, et j’ai d’ailleurs ressenti un pincement du culpabilité, parce que ma mère, si elle m’entend, sait très bien que c’est pas vrai. Mais je voulais pas lui donner raison. C’est juste que, hier, ça m’emmerdait de devoir me sentir triste, alors que je l’étais pas et que j’avais aucune envie de replonger dans la mélancolie pour la seule raison que c’était LE jour, celui de son anniversaire, et que j’étais obligée de ployer pour ensuite repasser à autre chose. Hier, je voulais pas ployer, et c’est pour ça que le 11 à 22h40 je chantais « oui mais non. »

Et putain, toutes ces photos de ma mère encastrée dans son fauteuil roulant, avec sa télécommande et son petit tablier, me donnent envier de HURLER. « Et c’est comme ça que je me rappelle Maria et gnagnagna… » Et tu trouves ça cool de te la rappeler comme ça ? Et tu veux quoi, que je te réponde « oh oui moi aussi, elle était tellement chou quand elle arrivait même plus à parler et qu’on faisait tous style que c’était normal de lui porter la fourchette aux lèvres parce qu’elle pouvait même pas manger toute seule ? »

Putain. Je l’avais pas vue venir, la colère. Pardon. Je me sens à la fois montée sur un siège éjectable et super sereine. Enfin, pas assez pour Marika Takeushi, faut pas déconner.

Non. En fait, je suis putain de furieuse, mais pas contre eux. Ils n’y sont pour rien, et ils sont sincères, en plus. Enfin, je crois. On s’écrivait jamais, avant la mort de maman.

Alors j’ai fait remarquer à Mathias que mes cheveux rouges sur les photos de papa étaient franchement trop beaux, parce que c’était le seul truc que j’avais envie de noter sur ces images tristes à pleurer de « famille qui s’aime et fait avec le handicap parce que c’est la vie et que ça nous dérange pas. »


Cte tronche de vampire. Je me reconnais même pas !


Et oui évidemment, je l’aime cette photo, parce que (mes mains sont terrifiantes) elle avait cette expression que je sais sincère (c’est flou, on pourrait croire qu’elle pleure, j’imagine, mais je sais qu’elle était contente – heureuse, j’irai pas jusque-là.)

*

Y’a une copine qui vient de me faire rire, alors la colère est tombée. Elle a pas fait exprès (c’est pas comme si elle savait que je passais mes soirées à écrire des billets blogs) mais qu’est-ce que j’aime avoir dans mon entourage des gens qui se pointent avec une aiguille invisible et font crever la colère, qui retombe comme un soufflé (waw, quelle originalité dans mes comparaisons, ce soir !)
Nan mais, c'est vrai que c'est chouette. Elle a écrit un truc du style "ramène tes poils et ta cellulite [à la piscine]" et ça m'a fait rire. J'aime bien quand mes copines sont un brin vulgaires (enfin, moi je trouve ça vulgaire, d'autant qu'elle a fini avec un "biz les pouffes")

J'aime bien les gens qui amènent de la légèreté, sans pour autant être dénués de problèmes.

Morgane et Nat ont dix ans de plus que moi, et me font parfois me sentir vieille (et parfois encore plus, quand elles disent qu'on n'a pas l'âge de se préoccuper des problèmes de santé de nos parents...)
Je les trouve parfois un peu trop centrées sur elles-mêmes (haha !) Mais Natasha n'est devenue prof que récemment et sait reconnaître les avantages dont nous bénéficions. Et Morgane, qui est plus grande gueule que réellement rebelle, est aussi l'une des adultes les plus funs que j'ai pu rencontrer, et me rappelle qu'on peut vieillir en restant soi-même.
On se retrouve sur le parking à la récré et on clope (enfin, je vapote) dans la voiture de Natasha. On échange des commentaires sur nos collègues super-investies et super... tout, en fait. On rigole de leurs drames et on s'insurge des nôtres. Des copines, quoi. On n'a rien en commun ; elles sont mères, on n'écoute pas la même musique, je les trouve plus "soumises" à l'autorité que moi, mais je les aime parce qu'on arrive toujours à accorder nos délires, qu'on s'écoute et qu'on s'émeut ensemble. J'ai toujours préféré les fumeurs - deux fois par jour, pendant un quart d'heure, ils s'extraient de la salle des profs, ça suffit à leur faire prendre du recul sur les dramas qui se jouent parmi ceux qui promènent leur nombril d'une classe à l'autre.

Enfin bref. Hier c'était le 12, et je suis très contente d'avoir réussi à confiner mes tragédies.

All rework and no fun makes me a dull writer

Vendredi 7 février 2020, 22h46
Top titres 2019

Quand je publie un chapitre, il se dissout. Tous les doutes que j'émettais à son sujet, mais aussi toutes les fiertés, disparaissent. Ne restent que les incertitudes liées à l'écriture du suivant.
C'est marrant, parce que je me dis que je devrais poster beaucoup plus rapidement : une bonne partie de la suite est déjà écrite, c'est quand même con de rester coincée sur ces points de suspension. C'est pas comme si je corrigeais. Pendant des mois, tout ce que je fais, c'est modifier la ponctuation, ainsi qu'un mot, par-ci par là.
J'ai littéralement passé des lustres à relire le chapitre que je viens de poster. Et maintenant que c'est fait, je suis passée à autre chose. C'est un soulagement et non un regret.

Ceci dit, j'adore mes chapitres non publiés : puisqu'ils ne le sont pas, je les relis, et j'y retrouve tout ce qui manque désormais à mes parties, parce que je connais DA2 par cœur, et qu'il m'est désormais difficile d'y voir autre chose que ce que ça raconte. Mes chapitres non publiés sont des promesses et des refuges. Et j'ai aussi la satisfaction de les trouver de plus en plus aboutis. Facile ! Ils sont inachevés.

Comme d'habitude, les "à-côtés" m'emmerdent. Je continue de penser que ce qui a été écrit est parfait. Ce sont les blancs à combler qui ne le seront pas. Je traduis plutôt bien mes épiphanies. Va juste falloir les relier, parce que sans ça, ça ne ressemblera à rien. Sauf que je ne suis pas très douée pour trouver du sens au quotidien. Tout de suite, dans ma tête, ça sonne comme du Philippe Delerm. La suavité des petits pois, tout ça... Ça me donne des boutons. Je ne veux écrire que des embrasements. Je pense que j'y arrive plutôt bien. Je ne veux pas pour autant écrire des feuillets détachés les uns des autres. Je veux écrire une histoire.

Et pourtant, j'ai tellement hâte de rendre publique "l'arrivée à Fort Céleste" ! J'en suis fière ! J'ai juste pas la moindre idée de la façon dont je devrais relier les épisodes, et pas vraiment envie de m'en soucier. Ça ne m'intéresse pas vraiment. Et encore une fois, c'est bien dommage, vu que sans ça, il n'y a rien. Ça fait juste une somme d'épisodes sans liens les uns avec les autres, et c'est pas non plus ce que j'ai envie de faire lire. J'aimerais bien trouver les nœuds, être capable de transcrire les transitions. Je ne sais juste pas écrire autre chose que moi-même, et moi, entre deux épisodes de transe, je me noie dans le quotidien - ou, en tout cas, ce que j'y vis ne me semble pas digne de me rester en mémoire.

À force de traîner, j'ai aussi zappé des trucs qu'il m'ennuie de ne pas faire figurer dans mon texte, parce que je les trouve plus pertinents que ce que j'ai déjà écrit. (mais bon, c'est sans doute parce qu'ils ne sont pas publiés, donc parfaits.)

La fanfic a cela de génial qu'elle se publie en feuilleton et que, quel que soit le laps de temps écoulé entre deux chapitres, elle permet une certaine liberté de forme et de ton. J'ai déjà tenté - et je tente de nouveau - l'expérience du roman. Ce dernier oblige à bien plus de cohérence. Finalement, chaque chapitre d'une fic ressemble plus à une entrée de blog, ce qui le rend unique et me permet de le lire indépendamment, et d'être fière, ou du moins satisfaite. Mais je me dis parfois que le roman m'obligerait à expurger tous les "remplissages", qui, sans forcément déplaire à mes lecteurs, me dérangent, moi.

"Je t'aime"

Vendredi 10 janvier 2020, 23h17
Transe

"Je t'aime", c'est la phrase qui ouvre souvent mes rêveries, et elle rime avec abandon. J'aime dire "je t'aime", ça veut dire que je te fais confiance, et qu'entre tes bras, je pourrais me laisser glisser subrepticement. Je sais que tu me lâcheras pas. Je sais qu'aussi loin que j'aurais l'impression d'aller, tu maintiendras ma bouche hors de l'eau.

Je me complairai dans mes apocalypses personnelles, et toi t'attendras la fin de l'orage.

Je ne sais pas si j'aurais le cran de faire de même. Je crois que oui ; je me targue de ne supporter que les épiphanies et leurs contraires. Je ne te suivrai jamais si tu sombres d'ennui.

Je nous veux crucifiés, toujours.

"Je t'aime" et un abîme s'ouvre sous mes pieds - et sous les tiens, je l'espère.

Mon deuxième mot préféré, c'est vertige.

Je t'aime si tu tombes, si tu hurles, si tu luttes. Je te détesterai si tu embrasses la tiédeur parce qu'elle t'est plus confortable.

Je ne t'aime pas parce que tu me protèges, mais parce que j'ai une chance de te tirer de là où tu te trouves.

"Je t'aime" appelle évidemment sa réciproque, et la danse, et la cime des arbres, les chutes, les roulades dans la poussière et les mains jointes dans l'obscurité comme dans la lumière. Et la crête des vagues, et l'écume sur le sable, et les envolées lyriques et la foi. Je t'aime quand tu rampes dans le noir et quand tu ris aux éclats, et parce que nous essayons encore une fois d'épeler "éternité". Je ne te demande pas d'échouer, ni d'ignorer la lumière qui sourd tout autour de nous, mais je confesse que si tu oublies ce que ça faisait, d'avoir cette écharde plantée dans le cœur, j'aurai du mal à te reconnaître.

Je t'aime parce que tu me ressembles.


Tu peux éprouver de l'indifférence pour ce qui m'émeut, je ne réprouve pas tes élans vers les infinis qui m'effraient. Je t'aime dans tous ces instants qui sont "trop", quand l'absolu de nos émotions nous aveugle.

Je dis "toi", je ne parle pas de lui, ni d'eux. Je parle de nous : de cette connexion qui se crée entre toi et moi quand nous basculons ensemble. Parce que si tu tombes, je tomberai aussi. N'ai foi qu'en ma main qui serre la tienne. Ne crois pas la froideur des syllabes qui s'échappent de ma bouche. Le givre mortifère m'est étranger, c'est pourquoi je l'ai adjoint à ma panoplie de guerrière. Ce n'est qu'une armure, et comme elle est lourde, elle précipite ma chute. J'ai tout le temps peur, tu sais. Mais je te suis.

Nan mais la lose, quoi

Une heure après avoir posté le précédent billet, j'ai aidé à repousser l'assaut d'Ulfric sur Blancherive et... Lydia est morte !!! Je ne sais même pas où ! Et j'ai perdu mon autre compagnon également !

Spleen

Mardi 7 janvier 2020, 20h05
Miikka Leinonen & Kim Kiona - Breath of the wild

J'ai des périodes, comme ça, où j'ai envie de plaids et de tendresse. Des périodes un brin mélancoliques, que je pourrais passer allongée pendant des heures, à rêver. Alors j'écoute de la musique qui berce et emporte ailleurs, je m'aménage des heures de solitude, et je joue à Skyrim (où je m'enferme dans ma maison de Blancherive pour écouter la musique du phonographe, devant la cheminée... t'as vu la mise en abîme de ouf ?)

Ou alors je joue dans des tavernes pour Lydia, clairement in love.

J'ai aussi une amie Khajit vautrée devant l'âtre, en mode coma éthylique.