12 février, cheveux rouges et copines

Le 11 février, je rédigeais un brouillon pour le Carnet Orange, qui finissait comme suit :

"Demain – dans trois quarts d’heure –, c’est l’anniversaire de maman."

*

On est le 13, maintenant. Hier, les mails ont afflué. Thomas, Anders, Kersti, Suzanne, même Elly qui est souvent avare en messages. Je me suis demandé si Mu allait réagir. J’ai essayé, de mon côté, et j’ai renoncé. Pas envie. Je me souviens m’être rappelé, dans la voiture, qu’on était le 12. Et j’ai pensé : « rien à foutre ! » et juste après j’ai dit à maman « désolée. Bon, de toute manière, c’est exactement la réaction que t’espérais de ma part. Mais je pense à toi tous les jours, tu sais. » C’est pas vrai, et j’ai d’ailleurs ressenti un pincement du culpabilité, parce que ma mère, si elle m’entend, sait très bien que c’est pas vrai. Mais je voulais pas lui donner raison. C’est juste que, hier, ça m’emmerdait de devoir me sentir triste, alors que je l’étais pas et que j’avais aucune envie de replonger dans la mélancolie pour la seule raison que c’était LE jour, celui de son anniversaire, et que j’étais obligée de ployer pour ensuite repasser à autre chose. Hier, je voulais pas ployer, et c’est pour ça que le 11 à 22h40 je chantais « oui mais non. »

Et putain, toutes ces photos de ma mère encastrée dans son fauteuil roulant, avec sa télécommande et son petit tablier, me donnent envier de HURLER. « Et c’est comme ça que je me rappelle Maria et gnagnagna… » Et tu trouves ça cool de te la rappeler comme ça ? Et tu veux quoi, que je te réponde « oh oui moi aussi, elle était tellement chou quand elle arrivait même plus à parler et qu’on faisait tous style que c’était normal de lui porter la fourchette aux lèvres parce qu’elle pouvait même pas manger toute seule ? »

Putain. Je l’avais pas vue venir, la colère. Pardon. Je me sens à la fois montée sur un siège éjectable et super sereine. Enfin, pas assez pour Marika Takeushi, faut pas déconner.

Non. En fait, je suis putain de furieuse, mais pas contre eux. Ils n’y sont pour rien, et ils sont sincères, en plus. Enfin, je crois. On s’écrivait jamais, avant la mort de maman.

Alors j’ai fait remarquer à Mathias que mes cheveux rouges sur les photos de papa étaient franchement trop beaux, parce que c’était le seul truc que j’avais envie de noter sur ces images tristes à pleurer de « famille qui s’aime et fait avec le handicap parce que c’est la vie et que ça nous dérange pas. »


Cte tronche de vampire. Je me reconnais même pas !


Et oui évidemment, je l’aime cette photo, parce que (mes mains sont terrifiantes) elle avait cette expression que je sais sincère (c’est flou, on pourrait croire qu’elle pleure, j’imagine, mais je sais qu’elle était contente – heureuse, j’irai pas jusque-là.)

*

Y’a une copine qui vient de me faire rire, alors la colère est tombée. Elle a pas fait exprès (c’est pas comme si elle savait que je passais mes soirées à écrire des billets blogs) mais qu’est-ce que j’aime avoir dans mon entourage des gens qui se pointent avec une aiguille invisible et font crever la colère, qui retombe comme un soufflé (waw, quelle originalité dans mes comparaisons, ce soir !)
Nan mais, c'est vrai que c'est chouette. Elle a écrit un truc du style "ramène tes poils et ta cellulite [à la piscine]" et ça m'a fait rire. J'aime bien quand mes copines sont un brin vulgaires (enfin, moi je trouve ça vulgaire, d'autant qu'elle a fini avec un "biz les pouffes")

J'aime bien les gens qui amènent de la légèreté, sans pour autant être dénués de problèmes.

Morgane et Nat ont dix ans de plus que moi, et me font parfois me sentir vieille (et parfois encore plus, quand elles disent qu'on n'a pas l'âge de se préoccuper des problèmes de santé de nos parents...)
Je les trouve parfois un peu trop centrées sur elles-mêmes (haha !) Mais Natasha n'est devenue prof que récemment et sait reconnaître les avantages dont nous bénéficions. Et Morgane, qui est plus grande gueule que réellement rebelle, est aussi l'une des adultes les plus funs que j'ai pu rencontrer, et me rappelle qu'on peut vieillir en restant soi-même.
On se retrouve sur le parking à la récré et on clope (enfin, je vapote) dans la voiture de Natasha. On échange des commentaires sur nos collègues super-investies et super... tout, en fait. On rigole de leurs drames et on s'insurge des nôtres. Des copines, quoi. On n'a rien en commun ; elles sont mères, on n'écoute pas la même musique, je les trouve plus "soumises" à l'autorité que moi, mais je les aime parce qu'on arrive toujours à accorder nos délires, qu'on s'écoute et qu'on s'émeut ensemble. J'ai toujours préféré les fumeurs - deux fois par jour, pendant un quart d'heure, ils s'extraient de la salle des profs, ça suffit à leur faire prendre du recul sur les dramas qui se jouent parmi ceux qui promènent leur nombril d'une classe à l'autre.

Enfin bref. Hier c'était le 12, et je suis très contente d'avoir réussi à confiner mes tragédies.

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