Ce mercredi 21 mars, j’ai regardé coup sur coup l’épisode 4 de l’inégal YouTube Hero de Mathieu Sommet et le dernier NMT de LinksTheSun. « Heureux » hasard.
Dans sa nouvelle mini-série, Mathieu Sommet débine avec un cynisme exacerbé les travers des YouTubeurs en quête d’argent facile et de célébrité factice. C’est pas toujours très subtil mais sa colère me semble saine. L’épisode 4 est consacré au financement participatif. L’ancien chantre de SLG y souligne l’hypocrisie qui consiste à demander à ses spectateurs de soutenir sa chaîne en faisant miroiter des améliorations techniques, dont le spectateur lambda ignore le coût. En guise de remerciement – et d’appât – ledit public reçoit généralement une ou deux vidéos « spéciales » dans lesquelles le réalisateur se répand en paroles mielleuses et/ou révélations sur sa vie privée ou les métrages à venir.
S’il y a un YouTubeur qui me débecte de plus en plus tant il correspond en tout point à cette description, c’est bien LinksTheSun. Ce type est d’une arrogance qui frise le pathologique.
Il y a déjà un an ou deux, Links s’énervait dans sa FAQ quand on lui demandait combien il gagnait. Il me semble pourtant que la question est légitime. 1/ Elle intéresse les aspirants, 2/ Quand tu acceptes de te farcir une pub pour rémunérer quelqu’un, a fortiori un « artiste », t’es en droit de savoir combien ça lui rapporte.
Quelques temps plus tard, Links nous fait part de l’ouverture de son Tipee. Il explique, toujours sur le même ton limite vindicatif, que notre argent lui permettrait, pour commencer, de rémunérer ses frangins. Dans quel monde c’est à la société de payer les salaires des employés d’une entreprise ??
Avis aux amateurs : j’aimerais ouvrir un café-bibliothèque, mais je ne voudrais pas y travailler parce que j’ai la flemme. Du coup, il me faudrait un ou deux salariés et comme je ne bosserai pas, je ne pourrai pas les payer. Merciiiiii.
Sans jamais faire preuve de l’honnêteté d’un Joueur du Grenier, Links s’est mis à multiplier les contenus qui ne coûtent rien à produire mais rapportent du fric parce qu’ils sont monétisés : vlogs, let’s play*, Points Culture**…
Dans sa dernière vidéo, Alexis Breut atteint des sommets (héhé, c’est marrant. Mais si… Mathieu Sommet… tout ça…) Parce qu’après nous avoir exposé avec un certain mépris que, eh, les gars, si vous voulez continuer de vous abreuver de mes contenus, ce serait bien de m’offrir du matos, le mec, il tourne toujours… dans le garage de la maison familiale.
Au cours de la vidéo, il a le culot de filmer une scène où, allongé sur le divan, il explique sa détresse de ne rien trouver à dire à propos de la chanson de Grégoire qu’il devait commenter, alors que c’est son métier… Son MÉ-TIER.
Un peu plus tard, il ne se gêne pas pour foutre un carton expliquant que s’il avait intégré la musique dont il parlait à ce moment-là, sa vidéo aurait été démonétisée. « Oui, j’aime l’argent », ajoute-t-il entre parenthèses.
Je ne sais même pas par où commencer. Le mec a tellement le melon qu’il croit qu’afficher son cynisme fera mieux passer la pilule. Il te dit, droit dans les yeux, à quel point toi t’es con d’avoir un travail quand il suffit de tourner trois prises dans une maison qui ne t’appartient même pas - et dont l’objectif est, rappelons-le, de tourner en dérision le travail d’autrui. Toutes les chansons dont il a parlé sont effectivement d’infâmes bouses. Mais… vu que Links gagne de l’argent en faisant exactement la même chose que les gens dont il se moque, c’est quand même assez énorme. Je veux dire par là qu’il produit à la chaîne des contenus dénués du moindre intérêt artistique dont l’objet est toujours… le travail des autres.
26 avril 2018
Mathieu Sommet a publié le dernier épisode de Youtube Hero. Une conclusion plutôt glaçante qui met en évidence le cynisme de gens prêts à vendre leur âme pour du like. Vous ne devinerez jamais qui a commenté cette vidéo. LinksTheSun.
« Cette série a vraiment un sens tout particulier et elle est très dure à regarder quand tu es créateur. Je sais pas combien de Nico j'ai pu esquiver pendant ma carrière mais depuis le début de YouTube Hero, j'avais compris que c'était lui l'enfoiré, pas le personnage de Mathieu. La création et la destruction, c'est exactement ça, ils font de nous des stars et on fait d'eux notre raison d'être et de continuer, c'est toute la perversion de la sphère YouTube et YouTube Hero est une excellente métaphore d'elle-même. La série nous a fait rire mais on a ri sur la catharsis d'un homme détruit par l'importance qu'il nous a accordée. Au final, c'est nous les cyniques, la dernière métaphore avec les commentaires est excellente.
Je sais pas si c'est parce que je suis un créateur mais j'ai vraiment pris YouTube Hero comme une série sur le public. Et c'est vraiment le meilleur conseil que tu peux donner aux débutants sur YouTube : méfie-toi du public. Parce qu'ils vont t'aimer comme jamais on t'a aimé et te haïr comme jamais on t'a haï. Ca monte à la tête et ça peut te détruire si t'y accordes trop d'importance. C'est très couillu comme message mais ouais, c'est brillant. Félicitations Mathieu, t'as vraiment transformé ta destruction en création. »
Je suis sans voix. Mais vraiment. À quel putain de moment Youtube Hero est-elle une série sur le public ? Je disais en début d’article que ça frisait le pathologique, mais je me trompais. Le mec a un melon digne du pire psychopathe. Nous sommes responsables de ta merde ? Nous pouvons te détruire de t’avoir porté aux nues ? Mathieu Sommet a passé sept épisodes à dézinguer des connards du genre de LinksTheSun en ayant l’humilité de s’inclure dans cette mascarade, et la seule chose qu’Alexis Breut en a retirée est à l’opposé du message. Franchement, ça fait mal de voir qu’une remise en question aussi brutale et désabusée soit aussi promptement détournée par un type pour qui les mots « humilité », « créativité » et « respect » n’ont pas la moindre signification. Méfie-toi du public, mais n’oublie surtout pas d’ouvrir un Tipee. Connard.
* En plus son let’s play est d’une nullité affligeante : aucune narration, « interprétation » de personnage dénuée de la moindre profondeur, débit monocorde…
** Les Points Culture demandent sûrement du travail. Mais il s’agit d’une succession d’écrans fixes commentés par Links. Pas vraiment la panacée en termes de vidéos. T’as même pas besoin d’une caméra !
Annihilation
Mercredi 25 avril 2018, 22h59
♫ Talk Talk - Such a shame
C'est peut-être l'extrême fatigue dans laquelle je me trouve, ou le fait d'avoir passé dix minutes sur le catalogue horreur de Netflix sans trouver quoi que ce soit d'intéressant à me mettre sous la dent. Quelles que soient les circonstances, j'ai beaucoup, beaucoup aimé Annihilation. Je me réserve la possibilité de changer d'avis demain, puisqu'apparemment c'est ce qui est arrivé à Maloriel - et tous les avis que j'avais lus sur le film étaient mitigés.
En tout cas, sitôt le film terminé, j'ai foncé sur la chronique du Fossoyeur et ça, c'est le signe que le film m'a perturbée. Jamais, avec un film lambda, je ne me sens pressée d'aller lire quoi que ce soit à son propos. La dernière fois que c'est arrivé, c'était avec Stay, et ça date d'il y a au moins deux ans.
C'est marrant parce qu'il est clair que je m'interroge beaucoup moins que la plupart des gens sur (ce que je considère comme) les détails du scénario, parce que tous les passages que le Fossoyeur a pointés comme de possibles lacunes d'écriture ne m'ont absolument pas donné cette impression. (Et j'ai pas arrêté de penser à cet odieux commentaire d'un utilisateur qui prétendait que ce film enchaînait les clichés féministes, alors que... bah c'est juste que tous les rôles principaux sont tenus par des femmes. Si on veut aller par là, tous les films sont pétris de clichés virils. C'est le truc le plus con que j'ai entendu depuis... quelques heures, depuis que j'ai lu le portrait du tueur de Toronto).
Bref.
J'ai été hyper sensible à l'aspect métaphorique d'Annihilation, sans être moi-même capable d'expliquer de quoi il était la métaphore. Sans vouloir exagérer, il m'a fait un peu le même effet que Mulholland Drive. L'impact émotionnel n'a bien sûr pas été aussi fort, mais les deux films se rejoignent dans mon panthéon personnel par l'état contemplatif dans lequel ils m'ont mise, cette impression tout onirique qu'y gisaient des clefs vers moi-même.
Et... depuis que j'ai lu Relic il y a au moins dix ans de ça, aucune créature ne m'avait autant terrifiée que cet ours-sanglier à voix humaine.
Je suis quand même surprise que le film n'ait pas eu plus d'impact sur ceux de ma connaissance qui l'ont vu, car je l'ai trouvé très original. Et beau. J'ai aimé qu'il ne livre pas de réponse moralisante et qu'il soit construit sur un réseau d'échos oniriques auxquels je suis sensible - comme aux corbeaux et aux Commandeurs de pierre.
L'énigme londonienne
Vendredi 13 avril 2018, 23h27
Quench – Dreams
Je ne sais pas pourquoi ce genre de musique me harponne de la sorte. Follow me de Jam & Spoon, et peut-être l’intégralité des compils Ultra Techno, m’évoquent les vacances en Dordogne – ou en Corrèze, je ne sais plus. La poule, ou l’œuf ?
Je n’arrête pas de rêver de Londres. C’est la première fois que je fais face à un symbole que je ne m’explique pas. J’allais à Londres ou j’y étais, je prenais ce train souterrain dont j’ai déjà rêvé, j’y rejoignais Papa. Je me souviens du vélo que je ne parvenais pas à encastrer dans l’emplacement prévu, des quais et de la rame tous deux gris. Qu’est-ce que Londres, pour moi ?
Je me souviens avoir rêvé d’un musée – d’un château ? – sans fenêtre, d’un truc qui se prépare, de lieux hantés. Bordel, pourquoi Londres ?
J’y ai passé cinq jours en 2015, accompagnée d’élèves que soit je ne maîtrisais pas, soit que je ne connaissais pas. Nous (les profs) avons fini le séjour en larmes. Alex pleurait sous la pression. Je pleurais parce que j’avais mal aux pieds. Charlène pleurait par empathie. Dani se fightait avec Alex.
C’est sûr que j’avais pas juste mal aux pieds mais… Allons chercher.
Let’s play…
Revenir de Londres
À l’instar de Cel, dont le très joli dernier billet m’a apaisée autant qu’inspirée, j’aimerais prendre le temps, doucement, sans forcer, de revenir sur ces événements dont l’écho résonne encore dans ma tête et mes tripes. Écoutons leur rumeur, tâchons d’en comprendre le sens et de les accepter, de les intégrer à la toile sans pour autant succomber aux murmures les plus traîtres.
Monsieur Doute a cramé bien des cigarettes cette semaine, assis dans l’ombre, avec son sale sourire moqueur. Il a distillé son poison mais ça aussi, ça n’est qu’un des nœuds de la toile.
Dimanche 26 avril 2015
Je suis terrifiée à l’idée d’accomplir ce voyage. Je n’en ai ni les compétences ni la force. Mathias me dépose devant le lycée, nous nous embrassons tendrement, maladroitement. Je ne l’ai pas quitté depuis des années, et me voilà seule sur le parking, tout empruntée avec ma petite valise et mon grand manteau. Je cherche mes collègues du regard, ne les vois pas. Brave la foule des parents et les hordes d’élèves surexcités, me sentant terriblement peu à ma place. Les voilà, ceux du car numéro 1, on se dit bonjour, on revient à nos moutons. Le car numéro 2 arrive et avec lui, ah ! mes collègues à moi, ceux avec qui je vais partager ces quatre jours. Salut, comment ça va, on fait monter les élèves dans le car, il faut les compter, où va-t-on s’installer, mettez-vous là, remplissez le haut d’abord, bon, on réserve deux places et on redescend, tu montes ? Ok, super, bouclez vos ceintures ! Le car s’ébranle.
Je ne parle presque pas. Je ne connais personne, ni les profs ni les élèves. Je souris sur commande et opine du chef. Il faut trier les cartes d’identité, crier à Truc de se taire (je ne connais pas le prénom de Truc – ou comment avoir l’impression de n’appartenir à rien).
Les quais de la Brittany Ferries. Le car est plongé dans le noir. On attend. Je discute avec les élèves, me demande comment gérer Thomas (lui, je sais qui c’est, je sais aussi qu’il ne me respecte que quand l’envie lui en prend, qu’il jure comme un charretier et qu’il fait une tête de plus que moi.) J’accompagne Jade aux toilettes – c’est bien, un nouveau prénom ! Reste à retenir le visage.
Enfin, le bateau. Premières tensions. Je me sens incapable de prendre la moindre initiative et je sais qu’il m’en coûtera : les collègues me trouveront inefficace, les élèves inexistante.
À l’aube après une nuit blanche, la fumée d’une vraie cigarette s’égare dans le ciel et je partage mes craintes avec Dani Je regarde la côte approcher en savourant cette drôle de fatigue qui semble nous soutenir autant qu’elle nous affaiblit. Un démon de plus, plus ambigu que ses camarades. Le vent nous revigore et je laisse le sourire de Monsieur Doute s’effilocher dans la lumière.
Lundi 27 avril 2015
Nous visitons Londres au pas de course. Big Ben, l’abbaye de Westminster, ministères, gardes emplumés, Buckingham. La ville se révèle autant qu’elle se dérobe : je tombe amoureuse de ses vieilles pierres tout en demeurant incapable d’identifier ce que je vois. Les sites historico-touristiques se succèdent à une allure effrénée. Malgré la fatigue, les élèves se prêtent au jeu, et courent tout en posant des questions.
À midi, on mange au parc. C’est joli, plein de fleurs et de canards – et de touristes – français – Charlène râle que c’est pour ça que Londres l’agace. Il fait doux et on aimerait prolonger la pause.
L’après-midi, nous visitons la Tour de Londres. Je fais connaissance avec mes Onze : onze gamins dont je serai responsable quand les visites imposeront des groupes restreints. Océane se désigne d’emblée comme mon bras droit, elle compte et recompte, m’informe que le groupe est complet.
La visite est bien trop courte. Nous avons le temps de voir les joyaux de la Reine et la Bloody Tower, puis déjà il faut repartir. Sur le quai, en attendant le car, je sens encore le roulis et je vacille.
L’inquiétude est palpable quand nous arrivons à Oxford. Les gamins sont tendus à l’idée de rencontrer ces inconnus qui vont les héberger, et aussi à l’idée qu’on les ait séparés de leurs amis.
Quant à moi, je loge avec Charlène, que je ne connais pas. Nous avons de la chance : la maison est propre (un détail de poids quand on sait ce que nos collègues ont enduré !) et nous mangeons bien. Sans doute grâce à l’intolérance au gluten de Charlène, nous avons droit à des légumes alors que la famille mange un plat en sauce d’apparence bien grasse affalée à même le canapé.
Nous pensions nous effondrer à 21h… Au final nous avons discuté jusqu’à minuit passé. Ce soir, j’ai gagné, peut-être pas encore une copine, mais déjà plus qu’une collègue. Nous avons persiflé, j’ai fait part de mes angoisses. Une vraie soirée pyjama !
Mardi 28 avril 2015
Nous visitons Stratford Upon Avon, une ville dont le nom me ramène des années en arrière, dans ce cours d’anglais en 3e, avec madame Jounet. Elle portait des jupes en tweed et parlait avec l’accent d’Oxford, et elle aimait d’amour Kenneth Branagh, dont les adaptations des pièces de Shakespeare la ravissaient. Je regarde défiler la campagne anglaise en pensant à elle et à la « trace énergétique » qu’a laissée dans mon corps ce cours d’anglais, un très lointain jour d’octobre.
Alors… Qu’est-ce que Londres ?
Londres envahit mes rêves mais elle n’est jamais négative. J’y suis perdue mais jamais vraiment angoissée.
« Le train symbolise les déplacements et changements relatifs à l’histoire du rêveur.
Malheureusement, les rêves les plus fréquents sont ceux où nous laissons partir le train sans nous. Nous sommes en retard, nous ne trouvons pas le bon quai, le bon train ou la gare, les horaires ne sont pas respectés ou sont illisibles.
[...]
Si ce sont les bagages que nous portons qui nous ralentissent et nous font manquer le train, le sens du rêve est simple. C’est le poids du passé qui nous encombre, qui nous empêche de prendre la bonne décision, au bon moment. [...]
Celui qui peut monter dans le train, être là au bon moment, avant qu’il démarre est un être qui sait saisir les opportunités, capable de prendre la bonne décision au bon moment. C’est une faculté, celle d’être réceptif au présent, à ses courants porteurs. »
Source : Le Dictionnaire des rêves de Tristan Moir (je sais…), http://tristan-moir.fr/train/
Londres, bordel, qu’est-ce que tu es ? Je prends toujours le putain de train. J’arrive toujours vers toi, mais je ne trouve aucune réponse. J’y vois ma sœur, mon père, mon compagnon, et pourtant je ne te déchiffre pas. Je sais ce que sont le vertige, les accouchements et les baleines. Mais toi, Londres, et tes places de parking occupées, et tes rames de métro en noir et blanc, tu demeures une énigme. Qu’est-ce que tu fous dans ma vie, toi que j’ai à peine connue ?
C’est peut-être la respiration qui manque. Le quai neuf-trois-quart. Après tout, quand je respire consciemment, je manque toujours le pallier entre inspiration et expiration. Ça rippe, avant de repartir.
Londres, t’es peut-être le truc que j’aurais jamais imaginé faire et que j’ai accompli quand même, bon an mal an. L’incarnation de la creepy life que j’appréhendais tellement : à portée de main, et tellement, tellement flippante. Moi, obligée d’être.
Sérieux, t’as intérêt à être ça, parce que ça me rend dingue d’être confrontée à un truc m’appartenant que je ne comprends pas.
Je ne suis plus comme ça, aujourd'hui. Ça m’est égal, de ne pas connaître le prénom de Truc. Je suis la prof : dans tous les cas, c’est moi qui décide. J’ai réussi à faire boucler leur ceinture à quarante gamins, alors que j’étais la seule à m’attacher dans le car qui nous emmenait au forum des métiers. Ça m’a rendue dingue, vu que c’est la loi et que nous sommes responsables à ses yeux, mais quoi qu’il en soit, ils ont fait ce que Madame Georges demandait. C’est peut-être ça, Londres : l’inconnu maîtrisé. La destination à revisiter. Peut-être qu'inconsciemment, comme je tempère toujours mes victoires, je suis toujours persuadée d'être la débutante incompétente que j'étais en 2015. Londres incarnerait alors le fantôme d'un moment que j'aurais voulu plus réussi.
Il faudra y retourner, alors :)
Quench – Dreams
Je ne sais pas pourquoi ce genre de musique me harponne de la sorte. Follow me de Jam & Spoon, et peut-être l’intégralité des compils Ultra Techno, m’évoquent les vacances en Dordogne – ou en Corrèze, je ne sais plus. La poule, ou l’œuf ?
Je n’arrête pas de rêver de Londres. C’est la première fois que je fais face à un symbole que je ne m’explique pas. J’allais à Londres ou j’y étais, je prenais ce train souterrain dont j’ai déjà rêvé, j’y rejoignais Papa. Je me souviens du vélo que je ne parvenais pas à encastrer dans l’emplacement prévu, des quais et de la rame tous deux gris. Qu’est-ce que Londres, pour moi ?
Je me souviens avoir rêvé d’un musée – d’un château ? – sans fenêtre, d’un truc qui se prépare, de lieux hantés. Bordel, pourquoi Londres ?
J’y ai passé cinq jours en 2015, accompagnée d’élèves que soit je ne maîtrisais pas, soit que je ne connaissais pas. Nous (les profs) avons fini le séjour en larmes. Alex pleurait sous la pression. Je pleurais parce que j’avais mal aux pieds. Charlène pleurait par empathie. Dani se fightait avec Alex.
C’est sûr que j’avais pas juste mal aux pieds mais… Allons chercher.
Let’s play…
Revenir de Londres
À l’instar de Cel, dont le très joli dernier billet m’a apaisée autant qu’inspirée, j’aimerais prendre le temps, doucement, sans forcer, de revenir sur ces événements dont l’écho résonne encore dans ma tête et mes tripes. Écoutons leur rumeur, tâchons d’en comprendre le sens et de les accepter, de les intégrer à la toile sans pour autant succomber aux murmures les plus traîtres.
Monsieur Doute a cramé bien des cigarettes cette semaine, assis dans l’ombre, avec son sale sourire moqueur. Il a distillé son poison mais ça aussi, ça n’est qu’un des nœuds de la toile.
Dimanche 26 avril 2015
Je suis terrifiée à l’idée d’accomplir ce voyage. Je n’en ai ni les compétences ni la force. Mathias me dépose devant le lycée, nous nous embrassons tendrement, maladroitement. Je ne l’ai pas quitté depuis des années, et me voilà seule sur le parking, tout empruntée avec ma petite valise et mon grand manteau. Je cherche mes collègues du regard, ne les vois pas. Brave la foule des parents et les hordes d’élèves surexcités, me sentant terriblement peu à ma place. Les voilà, ceux du car numéro 1, on se dit bonjour, on revient à nos moutons. Le car numéro 2 arrive et avec lui, ah ! mes collègues à moi, ceux avec qui je vais partager ces quatre jours. Salut, comment ça va, on fait monter les élèves dans le car, il faut les compter, où va-t-on s’installer, mettez-vous là, remplissez le haut d’abord, bon, on réserve deux places et on redescend, tu montes ? Ok, super, bouclez vos ceintures ! Le car s’ébranle.
Je ne parle presque pas. Je ne connais personne, ni les profs ni les élèves. Je souris sur commande et opine du chef. Il faut trier les cartes d’identité, crier à Truc de se taire (je ne connais pas le prénom de Truc – ou comment avoir l’impression de n’appartenir à rien).
Les quais de la Brittany Ferries. Le car est plongé dans le noir. On attend. Je discute avec les élèves, me demande comment gérer Thomas (lui, je sais qui c’est, je sais aussi qu’il ne me respecte que quand l’envie lui en prend, qu’il jure comme un charretier et qu’il fait une tête de plus que moi.) J’accompagne Jade aux toilettes – c’est bien, un nouveau prénom ! Reste à retenir le visage.
Enfin, le bateau. Premières tensions. Je me sens incapable de prendre la moindre initiative et je sais qu’il m’en coûtera : les collègues me trouveront inefficace, les élèves inexistante.
À l’aube après une nuit blanche, la fumée d’une vraie cigarette s’égare dans le ciel et je partage mes craintes avec Dani Je regarde la côte approcher en savourant cette drôle de fatigue qui semble nous soutenir autant qu’elle nous affaiblit. Un démon de plus, plus ambigu que ses camarades. Le vent nous revigore et je laisse le sourire de Monsieur Doute s’effilocher dans la lumière.
Lundi 27 avril 2015
Nous visitons Londres au pas de course. Big Ben, l’abbaye de Westminster, ministères, gardes emplumés, Buckingham. La ville se révèle autant qu’elle se dérobe : je tombe amoureuse de ses vieilles pierres tout en demeurant incapable d’identifier ce que je vois. Les sites historico-touristiques se succèdent à une allure effrénée. Malgré la fatigue, les élèves se prêtent au jeu, et courent tout en posant des questions.
À midi, on mange au parc. C’est joli, plein de fleurs et de canards – et de touristes – français – Charlène râle que c’est pour ça que Londres l’agace. Il fait doux et on aimerait prolonger la pause.
L’après-midi, nous visitons la Tour de Londres. Je fais connaissance avec mes Onze : onze gamins dont je serai responsable quand les visites imposeront des groupes restreints. Océane se désigne d’emblée comme mon bras droit, elle compte et recompte, m’informe que le groupe est complet.
La visite est bien trop courte. Nous avons le temps de voir les joyaux de la Reine et la Bloody Tower, puis déjà il faut repartir. Sur le quai, en attendant le car, je sens encore le roulis et je vacille.
L’inquiétude est palpable quand nous arrivons à Oxford. Les gamins sont tendus à l’idée de rencontrer ces inconnus qui vont les héberger, et aussi à l’idée qu’on les ait séparés de leurs amis.
Quant à moi, je loge avec Charlène, que je ne connais pas. Nous avons de la chance : la maison est propre (un détail de poids quand on sait ce que nos collègues ont enduré !) et nous mangeons bien. Sans doute grâce à l’intolérance au gluten de Charlène, nous avons droit à des légumes alors que la famille mange un plat en sauce d’apparence bien grasse affalée à même le canapé.
Nous pensions nous effondrer à 21h… Au final nous avons discuté jusqu’à minuit passé. Ce soir, j’ai gagné, peut-être pas encore une copine, mais déjà plus qu’une collègue. Nous avons persiflé, j’ai fait part de mes angoisses. Une vraie soirée pyjama !
Mardi 28 avril 2015
Nous visitons Stratford Upon Avon, une ville dont le nom me ramène des années en arrière, dans ce cours d’anglais en 3e, avec madame Jounet. Elle portait des jupes en tweed et parlait avec l’accent d’Oxford, et elle aimait d’amour Kenneth Branagh, dont les adaptations des pièces de Shakespeare la ravissaient. Je regarde défiler la campagne anglaise en pensant à elle et à la « trace énergétique » qu’a laissée dans mon corps ce cours d’anglais, un très lointain jour d’octobre.
Alors… Qu’est-ce que Londres ?
Londres envahit mes rêves mais elle n’est jamais négative. J’y suis perdue mais jamais vraiment angoissée.
« Le train symbolise les déplacements et changements relatifs à l’histoire du rêveur.
Malheureusement, les rêves les plus fréquents sont ceux où nous laissons partir le train sans nous. Nous sommes en retard, nous ne trouvons pas le bon quai, le bon train ou la gare, les horaires ne sont pas respectés ou sont illisibles.
[...]
Si ce sont les bagages que nous portons qui nous ralentissent et nous font manquer le train, le sens du rêve est simple. C’est le poids du passé qui nous encombre, qui nous empêche de prendre la bonne décision, au bon moment. [...]
Celui qui peut monter dans le train, être là au bon moment, avant qu’il démarre est un être qui sait saisir les opportunités, capable de prendre la bonne décision au bon moment. C’est une faculté, celle d’être réceptif au présent, à ses courants porteurs. »
Source : Le Dictionnaire des rêves de Tristan Moir (je sais…), http://tristan-moir.fr/train/
Londres, bordel, qu’est-ce que tu es ? Je prends toujours le putain de train. J’arrive toujours vers toi, mais je ne trouve aucune réponse. J’y vois ma sœur, mon père, mon compagnon, et pourtant je ne te déchiffre pas. Je sais ce que sont le vertige, les accouchements et les baleines. Mais toi, Londres, et tes places de parking occupées, et tes rames de métro en noir et blanc, tu demeures une énigme. Qu’est-ce que tu fous dans ma vie, toi que j’ai à peine connue ?
C’est peut-être la respiration qui manque. Le quai neuf-trois-quart. Après tout, quand je respire consciemment, je manque toujours le pallier entre inspiration et expiration. Ça rippe, avant de repartir.
Londres, t’es peut-être le truc que j’aurais jamais imaginé faire et que j’ai accompli quand même, bon an mal an. L’incarnation de la creepy life que j’appréhendais tellement : à portée de main, et tellement, tellement flippante. Moi, obligée d’être.
Sérieux, t’as intérêt à être ça, parce que ça me rend dingue d’être confrontée à un truc m’appartenant que je ne comprends pas.
Je ne suis plus comme ça, aujourd'hui. Ça m’est égal, de ne pas connaître le prénom de Truc. Je suis la prof : dans tous les cas, c’est moi qui décide. J’ai réussi à faire boucler leur ceinture à quarante gamins, alors que j’étais la seule à m’attacher dans le car qui nous emmenait au forum des métiers. Ça m’a rendue dingue, vu que c’est la loi et que nous sommes responsables à ses yeux, mais quoi qu’il en soit, ils ont fait ce que Madame Georges demandait. C’est peut-être ça, Londres : l’inconnu maîtrisé. La destination à revisiter. Peut-être qu'inconsciemment, comme je tempère toujours mes victoires, je suis toujours persuadée d'être la débutante incompétente que j'étais en 2015. Londres incarnerait alors le fantôme d'un moment que j'aurais voulu plus réussi.
Il faudra y retourner, alors :)
Everything Sucks !
Lundi 9 avril 2018, 20h53
♫ Ace of Base - Beautiful Life
J'ai plusieurs brouillons qui traînent par ici, mais ce soir j'avais juste envie d'écrire que Everything Sucks, la série Netflix dont on a beaucoup parlé, est exactement tout ce qui en a été dit. Si vous avez grandi dans les années 90.
Cette série est... Une boîte de berlingots. Rafraîchissante, nostalgique, incroyablement triste et euphorisante à la fois.
Et pas nostalgique dans le sens où c'était mieux avant. Si on excepte le contexte - les cassettes, le discman, la musique, Internet en 56k... Ace of Base... J'ai pas vécu cette adolescence-là. Les séries US, d'une manière générale, décrivent la manière dont mon adolesence aurait dû se dérouler.
C'est ça qui me rend nostalgique - une nostalgie par procuration.
Quoi qu'il en soit, j'ai pleuré, j'ai souri grand comme ça, j'ai passé un putain d'excellent moment. Et les acteurs... Je les embrasserais. Spéciale dédicace à Patch Darragh, aka Ken Messner, qui m'a fait réaliser que j'avais enfin vieilli : je serais sortie avec lui sans hésiter, il m'a complètement fait craquer. Lui, pas les lycéens :D ... À part Sydney Sweeney (Emaline), évidemment...
Et y'aura pas de saison 2, bordel !
♫ Ace of Base - Beautiful Life
J'ai plusieurs brouillons qui traînent par ici, mais ce soir j'avais juste envie d'écrire que Everything Sucks, la série Netflix dont on a beaucoup parlé, est exactement tout ce qui en a été dit. Si vous avez grandi dans les années 90.
Cette série est... Une boîte de berlingots. Rafraîchissante, nostalgique, incroyablement triste et euphorisante à la fois.
Et pas nostalgique dans le sens où c'était mieux avant. Si on excepte le contexte - les cassettes, le discman, la musique, Internet en 56k... Ace of Base... J'ai pas vécu cette adolescence-là. Les séries US, d'une manière générale, décrivent la manière dont mon adolesence aurait dû se dérouler.
C'est ça qui me rend nostalgique - une nostalgie par procuration.
Quoi qu'il en soit, j'ai pleuré, j'ai souri grand comme ça, j'ai passé un putain d'excellent moment. Et les acteurs... Je les embrasserais. Spéciale dédicace à Patch Darragh, aka Ken Messner, qui m'a fait réaliser que j'avais enfin vieilli : je serais sortie avec lui sans hésiter, il m'a complètement fait craquer. Lui, pas les lycéens :D ... À part Sydney Sweeney (Emaline), évidemment...
Et y'aura pas de saison 2, bordel !
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