Deux mois dans le noir

Dimanche 3 septembre 2017

Putain, ce truc de fou. Je le connais, cet élève. Ça peut pas être une blague.

J’ai mis Enya et j’étais pas loin de pleurer – évidemment – et là je vois ce commentaire sur le Carnet. Ça peut pas être une blague. Je me souviens parfaitement de lui. De son visage et de son nom.

Je sais qu’ils m’avaient trouvée, à l’époque. Mais, je… je pensais qu’ils étaient juste occupés à se foutre de ma poire parce qu’ils avaient trouvé des photos de moi avec les cheveux rouges.
Il a vraiment perdu sa mère. Ou son père, mais je crois que c’était sa mère. Je m’en souviens très bien. Merde. Meeerde. Qu’est-ce que je fais ?

Évidemment que je suis flattée. Mais c’est un élève, putain. Il est supposé vivre sa life et se rappeler éventuellement les profs qu’il a appréciés quand il aura 19 ans.

C’est un élève que j’aimais beaucoup. Gentil, travailleur. Le genre qui rencontre plein de difficultés, mais qui s’accroche, qui comprend l’intérêt que ça peut avoir alors même qu’il galère. Un gosse qui traversait des trucs durs, et qui pourtant s’intéressait suffisamment à ses camarades pour être élu délégué et défendre tout le monde contre vents et marées.

Merde… Je me fais réconforter sur mon blog par un gosse qui a perdu sa mère quand il avait quatorze ans. Comme quoi… On a tout à apprendre des autres, quel que soit leur âge.

Jeudi 14 septembre 2017
17h39

J’ai pas aimé cette journée. Ou plutôt, j’ai aimé revoir Valérie, et Annick, et échanger sur des trucs très forts, très chargés en émotion. C’était la vie qui s’étalait, dans tout ce qu’elle a de tragique, et de magique, aussi.

Je ne sais pas si ça m’a perturbée, toujours est-il que j’ai trouvé les cinquièmes infects, et je n’avais pas la patience ni la confiance en moi pour réagir correctement. Je me suis sentie fatiguée et impuissante, et je déteste ça, parce que c’est un cercle vicieux dans lequel on laisse la classe nous échapper progressivement, et après on rentre sur les rotules et découragé.

Mais je les revois demain, et c’est un nouveau jour, c’est tout ce qui compte. Je sais que c’est normal d’éprouver des difficultés, de se sentir en danger. Je sais aussi que ce n’est pas permanent, jamais. Que je suis capable de vivre de beaux moments avec eux – ils en sont capables, aussi.
Il n’y aura jamais d’année idyllique où tous les jours seront paradisiaques. Il faut compter avec le temps, mes propres émotions, et les leurs. Rien n’est gravé dans le marbre – la preuve, c’est la première fois qu’ils m’énervent.

Il faut que j’apprenne à laisser la place aux émotions négatives, parce que j’ai le droit de les ressentir, je ne devrais pas me flageller pour ça. Je me rends compte que je me dis souvent que si j’ai mal ou que je suis fatiguée, c’est ma faute. Mais ce n’est la faute de personne, c’est juste un état qui arrive. Tout ce que je devrais faire, c’est ressentir pleinement chaque chose, les accepter, et me faire du bien quand ça ne va pas, et vivre à fond quand ça va. C’est pas plus compliqué que ça.

Mardi 26 septembre 2017
23h47
♫ Fairy Tales – Dragon Force OST

C’est comme disait Mu : apprendre à être soi. À ne plus avoir peur d’assumer ce que l’on est. C’est peut-être pour ça qu’on m’a dit aujourd'hui « oh, mais les 4e, ils t’adorent. Ils cherchent pas à t’emmerder. » J’aime à le penser. Si j’ai enfin une classe qui me fait pas chier, me charrie quand il faut, et bosse, c’est peut-être parce que je suis celle que je dois être. Y’a deux ans, on m’a dit «  mets un masque. » Et bah non. Même si la 5e m’emmerde. En même temps, ça fait trois ans que je le dis : en fait, j’adore les 4e. C’est logique. Avec eux, je suis la prof que j’ai toujours voulu être : j’ai fixé mes limites, j’ai montré que je les aimais – parce que c’est le cas. Le reste coule de source.

Je me sens forte, et entière. Alecto, hein. Bah, je suis pas très implacable. Juste… moi. À ma place parmi les dérangés, les tristes, les fous. À ma place parmi ceux à qui on dit « quoi ? Pourquoi tu n’es pas comme moi ? Pourquoi tu ne ressens pas les mêmes urgences ? » Et ben, parce que, connard. Eux et moi, on ira loin. Ce que nous apportent les gens, humainement, aura toujours plus de sens que tout le reste. Et c’est celle pour qui le savoir est la clef qui parle.

C’est pour ça que j’aime mon métier. La force qu’ils me donnent. Sincèrement, j’en ai rien à foutre qu’on ne soit pas là pour être apprécié. Le souvenir qu’on garde des gens qu’on n’aime pas ne nous sert jamais à rien. Oui, je veux que mes élèves m’apprécient. Mylène était pas foutue d’apprendre quoi que ce soit si elle aimait pas ses profs, et elle avait vingt ans. Je veux croire que ma passion les porte, un tout petit peu. Elle me porte bien, moi.

Ouais, c’était chouette de m’entendre dire ça, et j’ai sans doute un peu honte au fond de m’en vanter, mais… Je reviens de loin, vous savez. Je reviens d’un enfer paimpolais dans lequel ni mon job ni mes collègues n’allaient bien.

Cette année, je suis entourée de gens. Alors ils ne vont pas toujours bien. Mais je les sens à l’écoute. Peut-être qu’avant j’étais pas prête. Cette année, j’ai toujours pas envie de me livrer. Mais je sens que je peux. C’est sans doute moi qui ai changé – mais j’ai jamais dit que l’enfer, c’était les autres.
Je l’ai écrit ailleurs : peut-être que la mort de maman a fait éclater une soupape. Peut-être que « grâce à » ça je me sens légitime. Je me suis jamais sentie aussi forte. Mes fantômes et mes démons ne m’ont jamais autant portée. Ils ne murmurent pas les mêmes choses qu’avant. Ils me remémorent ma vie. Ils ont cessé de me corrompre.

Je n’écris pas tout au même endroit, au risque de passer pour une égotique. Non : je voulais pas vraiment que maman meure. Ça fait putain de mal. Certains soir, ça me donne envie de hurler.
Mais… je ne peux pas nier que depuis, je me sens le droit d’exister. Ça y est, je l’ai, ma tragédie. Je peux éclater, exploser, laisser des débris partout. Je suis un shrapnel. Je suis la fureur (je vous fais grâce de la majuscule). Ça y est, les gens savent. Comme elle était belle. Ils peuvent enfin imaginer la suite.

Je ne leur en parle pas pour autant. J’ai sans doute pas eu l’air aussi épanoui depuis des lustres. Tout le monde peut en conclure que je vais bien. C’est le cas. Avec un peu d’imagination, certains peuvent ajouter ce qui m’a menée à cette exaltation enfiévrée.
Apparemment, ma tante Kersti peut. Si je saisis bien ce qu’elle dit, quelque part, je retrouve mon horreur.

Je me suis relevée de mon champ de bataille personnel. Aujourd’hui, quand je pleure, c’est autant de peine que de soulagement. Parce qu’avant, je ne me sentais pas légitime à pleurer. Si vous saviez comme j’en ai rien à foutre de tout, maintenant.

Vendredi 7 octobre 2017
01h27
♫ Prayers for storm – playlist

Je suis tellement ivre que je ne sais plus bien ce que j’écris, ce que je regarde, ce que je tape sur le clavier. Je sais juste que je pourrais m’écrouler. Et que Hocico – Dog eat dog – Doggy Style Remix m’en empêche comme d’habitude. La musique des abysses, on s’y fait, vous savez.

C’est marrant,  quand on y pense : je suis terrifiée à l’idée de mourir, mais je le fais tous les soirs. Si je m’endors maintenant, je ne me souviendrais jamais que j’étais vivante, avant. Je me coucherai dans l’abîme, et j’apprécierai l’obscurité. Je me vautrerai dans les ténèbres.

Drunk movements - part III

Mercredi 2 août 2017
01h42
♫ Yves Simon – Les fontaines du casino

Je n’ai rien écrit depuis des jours, et je me sens vide, et moche. Les deux ne sont pas forcément reliés. Je cherche désespérément l’ivresse.
Je m’ennuie.
Depuis hier, j’ai même plus la clope au bec pour combler mes vides. Rien ne dessine plus mes courbes et mes veines caves, surtout pas Mathias – c’est pas quand je me sens laide que j’ai envie d’être dessinée par autrui. Pour se sentir bien, il faut  être façonné par soi-même, avant. Je crois.
Je déteste mon corps comme quand j’avais dix-sept ans. Les raisons sont différentes, j’imagine, mais ça ne change pas grand-chose.

♫ Violet Cold – Anomie

Si Mathias n’était pas là, je serais occupée à tracer des sillons dans mes avant-bras. Je veux pas me faire du mal, juste avoir l’impression d’exister. Je suis terrassée par l’existence des autres. Mais j’entends pas la mienne. Ma vie, c’est un putain de tas de feuilles mortes dispersées par le vent.

C’est putain de douloureux, remarquez.

J’suis en train de chialer sans aucune putain de raison.

Ce morceau me dévaste littéralement. Me balaie comme un putain de tsunami. Après, il ne reste que le sel sur mes joues.

(je sais que j’ai employé quatre fois le mot « putain » – cinq – mais c’est comme ça.)

Sad warrior soul, they say

Lundi 3 juillet 2017
00h00
♫Icon of Coil – Dead enough for life

If I'm not dead enough for life
Am I alive enough for death ?

Que voulez-vous ? J’aime bien :) Je trouve que c’est une putain de bonne question.

Une part de moi ressent encore une certaine honte à écrire les questions au fur et à mesure que je me les pose. Une petite partie, car cela fait longtemps que je n’ai pas été aussi sereine. Le fait que je ne sois pas en face des élèves demain a son importance – je ne suis jamais si calme que lorsque j’imagine mon travail – mais même sans ça… J’ai l’impression d’avoir de la magie au bout des doigts. De la magie dans le ventre. Et je veux absolument m’en souvenir, pour comparer avec l’époque où la musique me torturait. Ce soir, elle fait partie de moi. Ces derniers temps, chaque mot, chaque mélodie,  chaque histoire murmurée, est un glyphe apposé sur mon armure. Je tairais les doutes qui m’assaillent, l’armée de démons chuchotant leurs mensonges en mode « tu ne fais rien, c’est pratique d’aller bien » ; parce qu’ils ont tort. Je sais l’été de mes dix-huit, de mes vingt ans. Je sais que là n’est pas la question. Il ne manque que la méditation et la conscience des cycles pour devenir la sorcière.

Mais elle arrive ! Je sens les sortilèges crépiter au bout de mes phalanges, alors même que ma bague gît abandonnée sur mon bureau depuis qu’elle s’est brisée – encore. Je ne la retourne plus dans tous les sens, fêlure oblige, il n’empêche qu’il sera difficile de m’arrêter.

J’ai l’alcool guerrier, et ça n’était jamais arrivé.

Je ressens tous mes souvenirs. J’ai les rues de Québec incrustées dans les veines, les hématomes de mes parents cerclés autour des bras, et la rage qui enfle dans la bouche. Mes anciennes muses se tiennent en cercle autour de moi, et augmentent mon pouvoir. J’égraine leurs prénoms en boucle. Je croyais que je devais les sacrifier, stupide ! À chaque itération, le cercle s’élargit. Julia, Mylène, Maman. Je suis essoufflée, j’ai du goudron plein les poumons. J’essuie l’écume sur mes lèvres. Julia, Mylène, Marie, Lætitia, Léa – mes muses sont féminines. J’ai obtenu quelque chose que j’ai détruit. J’ai voulu, parfois, qu’elles soient ce qu’elles n’étaient pas. J’ai voulu qu’on soit ce qu’on n’était pas. Mais j’ai plus peur – tu mens ! M’en fous, reste la sœur-sorcière.

Cette écriture automatique m’effraie. Tout se mélange.

Je suis sereine. Ça ne se voit pas, mais c’est le cas. Je vois pas l’horizon – mais j’ai jamais voulu. Quand t’as peur de la mort, le bout du chemin, c’est pas vraiment ta préoccupation principale. Je regarde autour de moi, pas plus loin. Et je vois l’accomplissement. L’absence d’Angoisse au creux de mes reins a tout d’une victoire. C’est le même soulagement que quand une douleur se tait. C’est ouf, cette sensation. Je marche vers la mort et je me sens de moins en moins anxieuse.

00h34
♫God Module – A night like this

J’ai passé 194 heures de ma vie à jouer à Dragon Age 2. 194 heures que je ne regrette absolument pas, tant j’ai l’impression, chaque fois, de plonger dans un univers que j’aime, dont les personnages m’émeuvent – tous, même ceux que je n’aime pas. Affabulation ? Non, pas vraiment. In real life, je passe autant de temps à comprendre ceux qui m’entourent. C’est juste qu’ils ne me le rendent pas. J’aime m’imaginer dans un monde dans lequel les mots ont du pouvoir.

J’ai l’air cynique, hein ? Le pire, c’est que… ce n’est pas le cas. Vraiment. J’ai toujours vécu dans un monde imaginaire. J’ai toujours eu des gens dans ma tête. Ce n’est la faute de personne. C’était déjà comme ça quand j’avais dix ans. Je ne fais pas exprès de n’être pas réelle. J’ai juste trouvé cette solution, un jour, pour être moins seule. Marlène, Flora, Tony, Manu, Marco, Stéphane, Olivier… J’ai honte d’avouer qu’ils ont toujours existé. Je n’y peux rien. J’ai souvent pensé que je m’en débarrasserai, mais je me suis trompée. Je ne peux pas !
Parfois, ils disparaissent pendant plusieurs semaines. Je suis occupée à autre chose. Mais il arrive toujours un moment où j’ai besoin de me replier sur moi-même et de les invoquer.

Quand j’étais en CP, un jour, la cloche sonnant la fin de la pause déjeuner a dû sonner, et je ne l’ai pas entendue. J’errais dans la cour, j’ai l’impression que ça a duré des heures (se méfier des souvenirs qui se modifient à chaque itération). Je ne sais pas quelle heure il était quand j’ai repris conscience. Les « grands » étaient dans la cour et je suis remontée en classe complètement paniquée. Je n’ai pas la moindre idée du temps qui s’est écoulé. Je ne sais pas pourquoi personne ne m’a vue. Une autre fois, en CM1, j’étais tellement plongée dans mon livre que quand j’ai repris pied dans le monde réel, mes camarades en étaient à je-ne-sais-combien de fiches de travail posées sur l’estrade. Je me suis levée, complètement perturbée, et j’ai couru chercher mon travail en me demandant depuis combien de temps j’avais lâché prise. Probablement pas longtemps mais… pourquoi madame Mazé ne m’a-t-elle pas vue bouquiner plutôt que de faire ce qu’elle demandait ? Ça me perturbe… ! J’ai l’impression d’avoir littéralement disparu pendant un moment…
Je sais bien que ça fait partie de ma mythologie personnelle, mais ça n’a jamais cessé de m’interroger. Aujourd’hui, je pense à Scott Landon et à sa faculté à disparaître sous les yeux des gens… Évidemment, ça me plaît.

D’une manière générale, je me suis toujours complu à vivre plus intensément dans un univers qui n’existait pas. J’y ai vécu mes plus grands drames, parce qu’il était plus facile de les sublimer dans ce contexte. Toutes les horreurs que j’ai vues en vrai, je les ai réécrites dans mon univers imaginaire. Je pense sincèrement que si je ne l’avais pas fait, je serais sacrément perturbée, aujourd'hui.

C’est pour ça que je fuie les vraies gens. C’est pour ça que j’ai pas été à l’anniv de Christophe, et que j’écris pas à Valérie. Regardons les choses en face : ces gens sont vachement moins concrets que ne le sont Marco et Manu. J’ai essayé de fitter mais il n’y avait aucune chance que ça marche. J’aime jamais autant les gens que quand ils ne sont pas réels. Et, pour ma défense, je ne pense pas qu’ils me souhaitent réelle non plus. Martial est le seul à me recontacter même après que je lui aie dit que j’abhorrais le téléphone. C’est le seul qui ne se soucie pas de mon taux d’alcoolémie ou de mon absence aux moments cruciaux, de toute évidence. Les autres, s’ils savaient… Mais ils ne savent pas, parce qu’ils ne veulent pas. J’ai toujours eu envie d’une relation hyper intense complètement romantique et romancée.

Drunk movements - part II

Mardi 20 juin 2017
11h47
♫ Prayers for storm (playlist)

On dirait bien qu’aujourd’hui, chaque billet et chaque musique va s’enfoncer dans mon ventre comme une petite aiguille pour nourrir et réveiller Angoisse – quel que soit son visage du jour. Une tristesse vague et sans motif m’accable. Ce doit être l’été dont parlait Mu. C’est l’heure des fièvres et des nostalgies.

22h45
♫ Violet Cold – Anomie

Je l’ai déjà dit, je sais. Vingt fois. Mais ce morceau me donne envie de me taillader les poignets à coups de cutter, comme les nonnes qui coupent leurs veines à coups d’archets dans ce vieux clip de Cradle.

23h16
♫ Icon of Coil – Dead enough for life

C’est drôle comme on peut se sentir vivant au-delà de toute frontière. Le monde m’enjoint à préserver ma vie… c’est quand je la mets sur la sellette que je me sens vivante. Enfin, je ne me mets pas en danger, pas à court terme en tout cas… Mais c’est lors de ces soirées, où je bois, j’écris, que je me sens vivante.

23h42
♫ Hocico – Dog eat dog - (Doggy style remix by Solitary Experiments)

Comme j’ai cru que je ne savais plus écrire ! Je ne savais seulement plus ce que c’était que d’écrire parce qu’on y est pas obligé…

Dimanche 2 juillet 2017
00h38
♫ Violet Cold – Anomie

En fait, quand ce mec se met à chanter – à hurler – j’ai l’impression de sentir Angoisse déguerpir. Et elle s’accroche de toutes ses forces. Je sens ses griffes – et en même temps je me sens libre. Eh, c’est quoi, une griffe ? Une pauvre attache de rien du tout. J’ai un ciel étoilé au-dessus de ma tête, et un océan qui tempête au fond de mes tripes. Allez vous faire foutre, démons. La pluie tombe sur la mer, mais l’horizon est visible. Tu le vois ?

♫ Camille Saint-Saëns – Danse macabre

J’en ai vu plein,  des danses macabres. Mais aucune qui ne m’évoque ça. Aucune qui ne porte aussi bien son titre. Putain, cette mélodie ! Une véritable gigue infernale – comme quoi, la mort évoque rarement le paradis et les anges avec une lyre. Ou la vie, d’ailleurs. C’est la vie qui est une danse macabre, évidemment.

♫ Lifelover – Mental central dialogue

Du coup, il faut une dose de désespoir pour conclure. Un peu de synthé pour balayer la peur.

♫ Violet Cold – Anomie

Mais toujours…

♫ Belenos – Sord Mor

Et peut-être… Mais non. Qui pourrait sortir vivant d’un maelström ?

♫ Amduscia – Delirio Asesino

Reprendre des forces, et s’échouer sur le sable après la marée. Se redresser, et se souvenir qui l’on est.
Je suis toujours couverte d’écume et d’algues quand j’écoute ce morceau. La Vénus de Botticelli était une belle jeune femme en fleur sortant des flots. Je suis une Walkirie prête à en découdre (merci Eli pour la comparaison). Tu la vois, la bague à mon annulaire ? J’suis prête à sortir les crocs grâce à elle.

Mathias et moi, on a un grain. Pas une case qui manque, c’est l’inverse. Un grain de sable, un truc qui rippe. Ça fait mal, ça démange en permanence. À force, ça fait hurler. S’il n’y avait pas – Cyborg Attack – Blutrausch – ça ferait beaucoup trop mal. S’il n’y avait pas des gens pour hurler ou exploser à notre place, il n’y aurait pas de catharsis. Alors quoi ? Je rêve de magie qui déferle de mes mains et anéantisse tout ce qui se dresse devant moi. J’aime bien l’idée d’y mettre un peu de moi. Si je dois faire exploser une tête, que ça vienne de mes propres doigts.

C’est pourtant pas compliqué. Jusque là, j’ai trop bu, j’ai creusé des sillons dans mes poignets. J’suis gentille, au fond, je ne m’attaque qu’à moi-même. Il se passera quoi, le jour où j’en aurais marre de me faire mal ? Le jour où je me dirais, hey ! Pourquoi je prends sur moi ? J’ai autant le droit de vivre que les connards ?

Je sais pas comment font les gens qui sont vraiment en danger.

Les choses à graver dans la peau

Dimanche 4 juin 2017
00h19
♫ Yves Simon – Vrac

J’ai réécouté Violet Cold, il y a quelques minutes. Je m’en remets pas. Je sais pas pourquoi c’est aussi… Putain, c’est quoi, le contraire d’épidermique ? Violet Cold, ce morceau en tout cas… ça me racle. Ça me fait mal. Et ça me fait un putain de bien.

Hier soir, avec Mathias, on parlait de mon tatouage. Il me disait qu’il ne pouvait pas s’en occuper, pas tout de suite. Et moi je lui disais que j’en avais besoin maintenant, parce que je me coupe plus. À défaut, faut bien que je grave les choses dans ma peau. Quelle que soit la manière. Et je lui disais aussi, qu’en vrai ça n’a pas d’importance, il suffit d’entendre, il suffit de sentir, pourquoi serait-ce nécessaire d’encrer/ancrer les choses ?
C’est la question. Pourquoi ? Prends des feuilles 21/29,7, un stylo.

♫ Jean Ferrat -  La montagne / Que serais-je sans toi

Je sais pas. Je faisais ce mouvement de la main, vous savez, le mouvement du cutter sur le bras : shlac, shlac. Ça m’a jamais vraiment manqué, et pourtant, une partie de moi veut recommencer, juste pour… pourquoi, bordel ? Pour… absorber ? Résorber ? Cracher un peu de sang, exsuder.

J’ai tout appris de toi, jusque au sens du frisson
Je parlais l’autre jour de ces morceaux qui fondent nos mythologies personnelles, mais je n’ai pas dit un mot de ces chansons dont les textes font frémir, de ces chansons qui me font venir les larmes aux yeux, quelles que soient les circonstances. Que serais-je sans toi, que ce balbutiement. Et dire que j’ai toujours mal considéré Aragon.

♫ Tchaïkovsky – Le lac des cygnes – Thème

J’ai beaucoup, beaucoup, écouté ça, quand j’étais très jeune. À l’époque, je me refaisais les moments tragiques des Chevaliers du Zodiac dessus, et j’en inventais d’autres. C’est plutôt rigolo, dit comme ça, mais je me dis que n’empêche, ça a dû vachement influencer mon imagination. Genre, à cinq ans, je me représentais déjà des trucs épiques-de-la-mort-qui-tue. Forcément, après, j’ai voulu une vie sans compromis !

C’est fou comme je suis contente  de ce coup de balai sur le Carnet Orange. Pourtant, comme je l’ai dit, y’a un paquet de billets que j’aime, dessus. Mais d’écrire ici, ça m’a vraiment libérée. En plus, comme en ce moment je bosse sur des travaux universitaires, ça devenait redondant : de centrer mon propos, d’aller au bout d’une idée. ♫ Violet Cold – Anomie

Drunk movements

Jeudi 26 mai 2017
02h13
♫ Hocico – Dog eat dog (Doggy style remix by Solitary Experiments)

Je sais que je suis trop saoule pour écrire quelque chose de constructif, mais j’ai besoin d’encrer mes émotions. Je ne suis pas sûre de pouvoir les nommer, mais ce n’est pas ce que je veux. Je veux écrire la tempête, pas la tempérer. Je veux me souvenir. Des notes comme les marches d’un escalier. Des notes qui déverrouillent des portes. Une à une.

♫ Billy Corgan – Mina Loy
Un jour en écoutant ça, je suis descendue dans l’arène, et j’ai perdu le texte. Je déteste tellement perdre un truc que j’ai écrit, surtout quelque chose qui m’a pris autant de temps, quelque chose d’aussi construit. Mais je sais que l’émotion reste. L’émotion : le truc qui te met en mouvement.

Émouvoir : mouvoir hors de, déloger, déplacer, chasser, dissiper.
Émotion : emprunté au latin motio « action de mouvoir, mouvement, trouble, frisson (de fièvre) ».

L’émotion te pousse hors de toi-même, c’est un aperçu de l’infini. Mouvement, trouble, frisson. Une séquelle de la Prime. L’appréhension des fantômes.

Fréquence 106.2 à Morlaix

Mercredi 24 mai 2017
23h53
♫ Belenos – Sord Mor

Juste pour me souvenir de ce riff de guitare, j’ouvre une page blanche… Hugo n’aurait pas renié ce vortex, je crois. Il aurait vu l’océan qu’il a passé tant de temps à décrire.

Il y a Aurora côté face, Belenos côté pile. Comme je le disais à Mu, je suis assez fière qu’un gars du Tregor chantant en breton obtienne la note maximale de Metallian, quand bien même je ne suis ni bretonne ni metalleuse. Ça faisait longtemps que je n’avais pas ressenti un tel coup de cœur. Belenos me rappelle pourquoi j’aime le metal. Et d’ailleurs…

♫ Rotting Christ – In Yumen – Xibalba

Ce que j’aime, c’est quand c’est mystique.
J’ai toujours aimé la vitesse, quand il s’agit de musique. Je sais que d’aucuns trouvent ça facile, et je comprends. Mais c’est ma came.

♫ Windir -  Todeswalzer

C’était un de mes morceaux préférés…  Quand on cesse d’écouter les trucs qu’on aime, aussi douloureux soient-ils, on se perd… Aussi sûrement que quand on cesse d’écrire.

Genre
♫ Dimmu Borgir – Serpentine Offering
Qu’est-ce que t’as envie d’ajouter, après ça. Je sais bien que c’est copié sur Star Wars. Mais bon, ça n’empêche que ça fait du bien.
♫ Dimmu Borgir – Stormblast
♫ Eternal Tears of Sorrow – Bride of the Crimson sea
♫ Nightwish – Over the hills and far away & Wishmaster
Oui, bon. Je confesse une grande nostalgie pour Nightwish. Mais ça va vite. Ceci explique cela. Puis c’est probablement le premier groupe de metal lyrique que j’aie jamais entendu. Voire le premier groupe de metal tout court.

J’avais dix-sept ans. Je venais d’arriver en Bretagne, et je n’avais plus rien. À dix-sept ans, n’avoir plus rien, it’s a big deal.

Toutes ces chansons me rappellent mes dix-sept ans, la chambre sous les lambris et la douleur confondue avec l’espoir. Il n’y a pas de nostalgie dans mes propos, juste… c’est trop bizarre, de ressentir des choses similaires et en même temps, si éloignées. Eli disait qu’à chaque remémoration, le souvenir était modifié. C’est assez creepy. Là, je suis trop saoule pour la contredire, mais ça reste bizarre. ♫ Erasure – Breathe. ♫ God Module – A night like this. ♫ Blutengel- Seelenschmerz. Putain, que de souvenirs. Et, encore une fois, sans nostalgie. Mais merde. Ces trucs me prenaient  - me prennent – tellement aux tripes. Je crois pas qu’on puisse oublier. Ou peut-être que j’ai pas oublié parce que je l’ai écrit. Mais je pense pas. Putain, Blutengel a écrit un paquet de conneries, mais Seelenschmerz… J’ai pas oublié, et vraiment, ça me transporte. Je suis pas sûre – je sais que je peux pas expliquer pourquoi. À ce stade, c’est comme ma lettre à Mylène Farmer : je sais que c’est débile, et je sais que je peux pas expliquer. Dans ma playlist, suivent les Cranes, et Future Song, une autre singularité, mais je vais écouter Dog eat dog à la place, parce que c’est une singularité moins perturbante. Moins calme.

Y’a beaucoup de Cure en reprises diverses, sur mes compils. Entre autres trucs dont je ne me passe pas, comme Cyborg Attack – Blutgeld, part II. Ou Verlierer. Ou Amduscia – Delirio Asesino ♥ ♥ ♥ Juste mon morceau préféré de tous les temps, probablement. Delirio Asesino, c’est ce que j’ai toujours voulu entendre. D’un bout à l’autre. Après, je mets Fucking Flesh (oui, je sais, tout ça respire la classe). Amduscia ne sonne pas pareil. Quand j’écoute Incitation Pagana, je me dis que ce groupe ne ressemble à aucun autre. Et dire que je l’aime tient de l’euphémisme. J’aime pas tout Amduscia. Mais comme j’ai jamais aimé tout Nine ou tout Manson. Mais Amduscia… PUTAIN. Delirio, j’ai dû l’écouter une centaine de fois. Je sais pas. Je ne m’en suis JAMAIS lassée.

Serenity vs demons

Lundi 22 mai 2017
13h40
♫ Anathema – A fine day to exit

Je me suis demandée, l’année dernière, mais les progrès étaient trop timides encore. L’année de la sérénité, ce sera 2017. Je pense que c’est bien que j’aie levé le pied au travail, parce que faire moins d’heures m’a permis de prendre du recul par rapport à ce que je faisais et d’aborder plus sereinement mes préparations de cours. J’ai plus envie de tester des choses et suffisamment de force à présent pour constater sans dommages ce qui fonctionne pas ou moins bien.
Et puis les bonnes notes en M1, à côté, m’ont reboostée, elles ont confirmé que je ne me trompais pas de voie : je suis douée dans ce que je fais.

Aujourd’hui la température a subitement grimpé de plusieurs degrés. Il fait chaud, il fait beau, et j’ai du mal à ne pas me croire en vacances… Rien ne m’incite à penser que je ne le suis pas… Et d’ailleurs, je peux bien me considérer en vacances si j’en ai envie : j’ai tellement l’opportunité de faire les choses au moment où ça me chante, en ce moment, que c’est kif-kif. D’ailleurs, c’est précisément ça dont je parlais, tout à l’heure : la sérénité. Depuis que j’ai cessé de me prendre la tête, en nommant de nouveaux démons, en réalisant qu’ils m’appartenaient et que je pouvais donc m’en débarrasser, je profite enfin du quotidien. Sans culpabilité ni peur du lendemain. Je suis où je veux, comme je veux. L’année prochaine, je redemanderai un temps plein, parce que c’est trop chiant, les démarches à Pôle Emploi, les salaires qui tardent, et qu’à terme ça va devenir juste invivable. Mais pour le moment […]

Je disais donc, avant cet énorme coup de stress (l’université du Maine refuse ma candidature tant que je n’ai pas remis la main sur des relevés de note datant d’il y a dix ans… Apparemment, il vaut mieux, pour candidater en M2, avoir obtenu des super notes en deug il y a dix ans, que de faire ses preuves tous les jours au taf)… Pour le moment, je m’autorise – enfin ! – à profiter du quotidien, au fur et à mesure. À vivre, autant que possible, dans le présent. Mes démons, je le sais maintenant, ils se nomment appréhension et culpabilité. Si je n’y prends pas garde, je ne fais que ressasser par avance ce qui arrivera plus tard, et ça génère une culpabilité énorme : je m’en veux à la fois de ne pas travailler comme je crois que je le devrais, et de ne pas profiter de ce temps que j’ai déjà l’affront de laisser vacant.

Le rêve récurrent d'une boîte bleue

Mardi 15 mai 2017
13h39
 ♫ Frozen Plasma – Open

Mathias et moi nous sommes couchés beaucoup trop tard, et c’était vraiment cool. Et ce matin, la bonne nouvelle dans la boîte mail : j’ai eu 17 à mon compte rendu de lecture sur La Renaissance et le rire ! J’avais plutôt envisagé une note en-dessous de la moyenne !

Je n’ai pas eu le temps de finir le MOOC sur la littérature jeunesse, pas plus que je n’avais terminé celui sur la fantasy l’an dernier, mais il ne me reste plus qu’à rédiger l’intro de mon mémoire, et je me sens soulagée et fière parce que j’ai obtenu, dans l’ensemble, de très bonnes notes.

Mercredi 16 mai 2017
16h07
♫ Hocico – Dog eat dog (Doggy style remix by Solitary Experiments)

J’ai décidé que j’allais tenter l’expérience. De publier ça, sur le site perso que j’envisageais il y a plus de dix ans. J’aimerais bien voir où ça mène.
(C’est rigolo parce que Kreestal vient tout juste de poster un billet à propos de la spontanéité perdue des sites perso. Est-ce qu’on en vient tous aux mêmes conclusions à peu près aux mêmes âges ?)

Jeudi 17 mai 2017
17h20
♫ Atmospheric Black Metal (playlist Spotify)

Playlist qui commence par un morceau d’Alcest, dont il faut absolument que j’achète les albums : c’est comme Aurora, plus je l’écoute, plus je l’aime. C’est une des raisons pour lesquelles je voulais créer Blooböxx. Jusqu’ici, je n’ai pas trouvé de solution qui me convienne pour parler des disques et des livres que j’aime. Je n’ai pas forcément envie d’en écrire des chroniques très construites. Il y a plein de sites pro qui font déjà ça. Mais donner une idée des choses qui me plaisent et qui pourraient plaire, du coup, à quelqu’un qui me ressemble, ça me botte bien. Peut-être juste sous forme de pêle-mêle, ou en partageant une playlist, s’il y a une manière légale de faire ça. J’aimerais bien quelque chose d’un peu foutoir, comme ces pages en fait.

Take me home

Dimanche 14 mai 2017
20h41
♫ Aurora – All my demons greeting me as a friend

Ceci est un essai. Je ne sais pas vraiment de quoi, encore. La tentative de figer un moment, à la manière des mes anciens écrits, et du Carnet du Quotidien Recomposé. Une espèce de mash-up. Cela ira-t-il sur le Bazzart, sur un nouveau site… ou droit dans les tréfonds du disque dur ? Je n’en sais foutrement rien. Ce que je sais par contre, c’est que je me sens incroyablement libre. Libre d’écrire n’importe quoi, en mode automatique, mais pas seulement. Disons que le titre de ce disque me semble la meilleure façon de décrire comment je me sens. De retour à la maison.

Comme un prolongement post-sismique, après le choc d’un Rendez-vous inattendu. Et j’aime énormément que cette rencontre, cette expérimentation, se fasse au son d’un album que j’écoute pour la quatrième fois, sans rien – ou presque – entre les deux, parce que cela fait des années que je n’ai pas flashé sur un album, pas comme ça, du moins. Je veux dire, il y a eu Belenos par exemple, mais Belenos est ardu, violent comme une tempête sur la mer, alors qu’Aurora est l’évidence, Aurora s’accroche à moi comme un coup de foudre : Aurora me fournit de l’électricité sur le long terme. C’est peut-être moins bien, c’est peut-être plus évident, et c’est pour ça que je suis si bien. Je ne l’avais pas vu venir, je n’en attendais rien, et c’est comme avoir été enchantée.

And I feel the light for the very first time
Not anybody knows that I am lucky to be alive

Je bois du mousseux dans un verre bleu, assise à mon bureau les poumons brûlés comme tant d’années auparavant. Sauf que. Mathias est assis derrière moi, embarqué dans son propre univers et sa propre fatigue post-week-end. Sauf que.

J’aime assez l’idée de me remettre à « bloguer » comme avant – je mets des guillemets parce que avant, je m’évertuais à faire tout sauf tenir un blog, et c’est rigolo de voir comme les définitions ont évolué, parce que maintenant, quand je blogue, c’est tout sauf spontané. C’est tout l’inverse d’avant. Je pense que je peux bien retrouver la spontanéité d’autrefois… Au fond, je n’en disais pas plus, et pourtant… Aujourd’hui chaque billet est ciselé, c’est une réflexion sur un sujet en particulier, tandis qu’à l’époque c’était le foutoir, je dévidais mes pensées au fur et à mesure… Sans pour autant me mettre en danger. J’aimais profondément les « sites perso » (c’est comme ça qu’on les appelait, à l’époque), et j’aimais partager ce quotidien avec les gens (quoique je n’aie pas publié grand-chose, ces années-là). Après, j’ai grandi, je me suis dit que ce genre de trucs n’avait probablement pas d’intérêt pour les autres. Alors que c’est précisément ce dont j’aime me souvenir, ce que j’aime partager donc, ce que j’aime lire.

Spontanées, foutoir, brouillon, mal exprimées, toutes ces réflexions que je me faisais, elles étaient justes, elles me frappent encore aujourd'hui parce que… j’avais raison ! Pas que je détienne une vérité quelconque hein, juste que je suis… toujours d’accord avec moi-même. Je crois que ça serait chouette, et intéressant, de voir ce que ça donnerait d’appliquer ce mode d’écriture à la Kalys de trente-deux balais, celle qui s’est rangée derrière son écran comme elle s’épanouissait finalement dans le quotidien si craint – si haï. C’est le seul moyen de comparer.
Avec un pseudo, oui : je me suis rarement – jamais ? – adressé la parole en m’appelant par mon prénom.

Je suis relativement épuisée : les week-ends chez les parents sont rarement moins alcoolisés que ceux que je fais chez moi. J’aime assez voir mon père ces derniers temps. Il arrive toujours à gueuler sur tout le monde et est toujours persuadé d’avoir la science infuse, mais il est quand même vachement plus serein qu’avant. On a fini la soirée, Mathias, lui et moi, sur la véranda au son des Pink Floyd en buvant de la chartreuse. Je suis pas la fille du facteur, ça au moins, c’est clair.

And I was running far away
Would I run off the world someday?
Nobody knows, nobody knows
And I was dancing in the rain
I felt alive and I can't complain
But now take me home
Take me home where I belong
I got no other place to go
Now take me home

Demain je dois me lever – comme tous les lundis, comme tout le monde. J’ai du mal à être raisonnable, le dimanche. Autant le reste de la semaine je parviens presque toujours à me coucher à 23h, autant le dimanche ressemble à une espèce de malédiction récurrente à laquelle personne  n’a envie de céder. Cette fois, je crains les 2h30 avec mes élèves, parce que c’est long, mais le poste précédent, j’avais cours quatre heures d’affilées et on faisait bien aller.
C’est trop marrant et exaltant de voir le chemin parcouru, des bancs de la fac à maintenant. De relire « mais à quoi ça mène les études d’Histoire à part l’enseignement ? Et ça, c’est hors de question » à « je me suis éclatée à prévoir une séance sur la question de l’identité pour mes 4e ! »

Aurora ne fait pas assez de bruit. Pour dépasser les bornes, il faut de la fureur.

Ou bon, juste une mélodie efficace, donc : ♫ The Crüxshadows, Deception

Je crois que je vais aller fumer une clope : m’enchaîner à ma vieille amie, alors même que je cherche à m’en débarrasser. Je ne lui laisse déjà plus que les moments sans drames, la pauvre. Même plus les angoisses quotidiennes. Je peux bien – pour l’instant – lui laisser le crépuscule.

Pray for daylight
Pray for morning
Pray for an end to our deception

Essayez. Si vous aimez la musique nulle, vous allez adorer.

Je me demande ce que sont devenues les personnes qui m’ont accompagnées toute mon adolescence. David – Doudou ? T’avais dix ans de plus que moi, envie de me tuer régulièrement (à juste titre !)… mais t’étais là. Tout du long. À me ramasser, m’engueuler, m’exhorter, m’expliquer. Requiem, le mec qui m’avait mise sur un piédestal et même qu’au fond ça me faisait plaisir. (Ce gars, il m’imaginait comme une jolie petite gothique, alors quand je l’ai rencontré, j’ai piqué une chemise à ma frangine, tellement colorée que ça en faisait mal aux yeux. Juste parce que je savais qu’il serait déstabilisé… Et que je ne lui en plairais que plus. Même les ados savent manipuler.) Étienne, dont j’ai aimé qu’il sache combien il m’avait déplu, juste pour qu’il cesse de me trouver inintéressante.

Pas les filles – avec elles, j’ai un rapport de rivalité. LynnLae, je l’ai tellement haïe pour s’être envolée sans moi. Sans que je lui manque un seul instant. Ce genre de fille brûle sans ajout de carburant. Elles n’ont besoin de personne. Et c’est les gens comme moi qui s’y crament.

C’est pas que de m’être relue, je crois. C’est Spotify qui, depuis trois semaines, se plaît à me repasser tous les groupes dont j’ai aimé les titres sur les samplers Elegy. J’ai l’impression d’avoir dix-sept ans, et l’urgence au bout des doigts. Icon of Coil, je veux dire ! Ou Culture Kultur.

22h27
♫ Hocico – Dog eat dog

Ça me rend heureuse d’avoir toujours de ces « chansons » à écouter, des titres passés inlassablement, 250 fois, plus ? D’avoir ces morceaux « bandes-originales » qui dessinent un parcours. Ça me fait du bien que d’autres mettent de la cohérence là où il n’y en aurait pas eu.

J’ai écrit à Julia, le 25 juillet 2013 : « Je suis une sorte de symboliste obsessionnelle. J'aime que l'écriture dévoile des réponses à des questions que je n'avais pas posées. J'aime qu'elle révèle un ordre, une cohérence. J'aime enfin qu'elle invente, qu'elle crée, qu'elle donne à voir ce qui avant elle n'existait pas. » Quand on ne peut pas faire ça, il y a les œuvres d’art qui jalonnent notre parcours, et qui s’en chargent à notre place.

23h08
♫ Informatik – The world belongs to us

Je me demande si pour les autres c’est aussi difficile que pour moi, d’imaginer que ce qu’ils sont, ils le partagent en large partie avec au moins l’un de leurs parents. Mon père m’a raconté hier soir que sa première année d’études post-bac s’est soldée par une ordonnance « de complaisance » justifiant son absence aux examens. Qu’il était suffisamment déprimé pour préférer l’armée aux études – mon père, le type qui a besoin de tout décortiquer pour l’apprécier. Le type pour qui l’autorité est presque toujours aveugle. Le type à qui je ressemble beaucoup – et en même temps, pas du tout. C’est assez perturbant de voir sa vie ramenée à un ensemble de gènes, ou à un bout d’éducation (qui a pris parce que les gènes…)

Comme mon père, je suis irascible et impatiente. J’ai un avis sur tout et souvent une manière péremptoire de l’exprimer. Nous sommes timides, nous cherchons à être appréciés.
C’est la première fois que je dis « nous » en pensant à mon père. La première fois que je veux bien rendre à César ce qui lui appartient, et que je pense à nous comme à des êtres reliés par le sang.