Mardi 14 mai 2019, 21h09
♫ Guimauve
Aujourd'hui, cela fait deux ans que j'écris pour Paradize.
Je ne sais pas pourquoi ne me viennent en tête que des constats cliniques. C'est pas top, pour un anniversaire.
Mais si, je sais pourquoi : fêter un anniversaire, c'est prévoir. Or, Paradize n'est pas fait pour ça. C'est pour ça que j'aime autant cet espace, et c'est aussi pour ça que je m'en défie. Je profite donc, tout de même, de l'occasion pour glisser en ces pages quelques réflexions que je dédie à Fanny - parce que oui, parfois, j'écris des trucs pour répondre à tes questions :)
Bien sûr, c'est parce que je ne suis pas en contrôle que je ne suis pas fière de ce blog. J'ai beau en aimer la spontanéité, j'en regrette aussi toutes les maladresses. C'est vrai que le Carnet n'en est pas exempt, et que je songe souvent à effacer certains billets (jamais définitivement : je suis beaucoup trop égocentrée pour ça).
Il n'empêche qu'à force d'écrire ivre, je me retrouve forcément à trouver débiles ou embarrassants certains de mes messages.
Le simple fait de les revendiquer comme des messages me met mal à l'aise. Comme si je jetais des bouteilles à la mer en espérant être lue. C'est évidemment le cas : je ne les posterais pas, autrement.
J'adore écrire sans savoir où je vais aboutir, mais ça fait vingt ans que je m'entraîne à ciseler mes textes, de manière à ce qu'ils transmettent de moi ce dont je veux me souvenir. Je n'apprécie pas forcément ce que le miroir me donne à voir quand je suis impulsive (le suis-je jamais vraiment ? Je viens de passer cinq minutes à chercher un synonyme de "spontanée".)
J'aime les mots, au point d'avoir du mal à les enseigner, car je comprends mal ceux qui ne partagent pas ma passion. Par conséquent, je suis persuadée qu'il y en aura toujours un pour traduire ce que je ressens, et par conséquent bis, je peux traîner des heures sur des dicos en ligne afin de trouver le mot juste, et pas celui que je viens d'employer vingt fois.
Enseigner m'a appris à poser ma voix et ralentir ma syntaxe balbutiante. À réfléchir et savourer chaque mot prononcé pour le bénéfice des deux élèves qui m'écoutent dans le brouhaha des drames intérieurs des vingt-trois autres. Mais quand j'écris, c'est beaucoup plus long. Je sais que les mots peuvent me dire, mais l'écrit restera, alors je dois faire preuve de rigueur. L'approximation n'a pas sa place dans un monologue.
La spontanéité, si vous voulez mon avis, est un putain de mensonge. Quand je vois Julie parler avant de réfléchir et le regretter, ou ceux de mes élèves qui manquent de vocabulaire et peinent à trouver le mot qui reflètera ce qu'ils ressentent, je demeure persuadée qu'au contraire, la sincérité demande du travail.
C'est l'éternel dilemme de l'autobiographe : chaque mot m'éloigne du chaos initial, mais me permet de cerner au mieux une émotion déjà presque disparue. C'est l'inverse du chef d'orchestre qui pressent la suite de la symphonie - mais lui en connaît malgré tout les notes avant de les interpréter. En fait, c'est ça ! Écrire, c'est savoir à l'avance.
Paradize incarne donc un paradoxe. C'est le blog qui se rapproche le plus de ce que je suis au quotidien. Il illustre mes sautes d'humeur, mes exagérations et mes murmures. J'y écris à peu près comme je parle. De ce fait, il me semble qu'il est le plus impropre à traduire mes lames de fond.
Mais je suis tout ça. Je suis le réflexe et ce qui l'a bien avant enclenché. Je suis le tsunami et le séisme qui l'a engendré, la bêtise maladroite et l'envie de plaire qui président à mes éclats. Et c'est pour ça que si Paradize me fait parfois rougir, je ne le renierai jamais. Je veux et je dois me souvenir que, comme mes ados, j'essaie parfois désespérément de dire quelque chose sans y parvenir. (Spotify me diffuse sans préavis The sound of silence, je le prends comment ?)
Je suis pas toujours fière de ce que je suis, et encore moins de ce que je donne à voir au monde. Mais je peux l'assumer. J'avoue même y trouver du plaisir :)
Parce que je suis aussi la mer qui recule après la tempête. Je suis aussi ce que je suis devenue après avoir appris de mes erreurs. Et comment je ferais, sans ce blog pour me les garder sous le nez, mes erreurs ?
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