18 août 2019
Je n’aurais pas aimé être une personne
normale. J’ai hésité à mettre des guillemets. J’ai renoncé
parce que je crois qu’il existe vraiment des personnes normales,
même si elles sont, ironiquement, minoritaires.
J’ai aussi pensé un instant que c’était
idiot, comme remarque, parce que, comment je pourrais le savoir ?
Je ne suis pas elles.
Mais, j’sais pas. Les films américains sont
pleins de protagonistes déphasés qui ne rêvent que de normalité,
et j’ai des collègues qui n’attendent de moi qu’une grossesse
et des rêves immobiliers, alors ça doit faire sens de préciser que
non, j’ai jamais eu envie de ça. J’ai même jamais eu envie
d’être juste unbroken.
À vrai dire, je crois
que j’ai surtout rêvé l’inverse.
19 août 2019, 19h43
La solitude c’est
toujours une rencontre avec soi-même. Je me rends compte à cette
occasion combien il m’est nécessaire d’être saoule pour ce
faire (le Figaro m’a informée que quand on tient encore debout, on
est saoul et pas ivre. D’ailleurs, on n’est ivre que si on a bu
du vin, donc comme je carbure à la bière, ça ne compte pas).
Quand je suis ivre,
saoule, pardon, je n’ai pas honte d’être moi. J’y prends
plaisir.
Personne ne saura
jamais ce que c’est que d’être moi, parce que je ne le dirai
jamais. Je ne trompe personne, et surtout pas moi, en surfant sur des
sites « spéciaux » sous le couvert de la navigation
privée de Firefox. Je ne m’y inscrirai jamais, car je n’ai rien
à y faire. Je n’y cherche que la confirmation que je ne suis pas
seule. Ça n’a jamais anéanti ni la honte ni la conviction que
personne que je connais ne comprendrait. Seuls ces étrangers qui
partagent mes fantasmes le pourraient, et je n’ai nulle intention
d’entrer en contact avec eux. Parce que j’aime ce que j’ai.
Parce que j’aime l’homme avec qui je partage ma vie depuis seize
putains d’années. Je mets un « putain » au milieu
parce que si je croise encore une personne qui me dit que j’aurais
pu vivre d’autres expériences avant de me caser, je lui montrerai
cette putain de bague que j’ai obtenue d’un homme que j’avais
trompé dans le seul but de voir ce que ça ferait d’être
quelqu’un d’autre. Je lui cracherai à la gueule que ça n’a
pas l’air de valoir grand-chose, ces foutues expériences, quand
ils trompent tous leur conjoint, quand ils sont incapables de s’aimer
eux-mêmes et a fortiori leur partenaire.
Je ne peux dire à personne qui je suis.
Parce que c’est sale
et ridicule. Parce que c’est ce que j’ai trouvé pour sublimer
les saloperies qui m’ont traumatisées. Et non, ça non plus, j’ai
pas l’intention d’en guérir. J’ai honte, c’est vrai. C’est
pas vraiment surprenant, vu que j’ai eu honte toute ma vie. De moi.
De mes parents. De qui on était, de ce qu’on a vécu. Personne ne
comprendra jamais parce que toutes les explications du monde
n’éclairciront jamais la bizarrerie, la dégueulasserie de ce que
je suis. Parce que c’est pas réductible. Je les ai lues, les
théories. « Traumatisme dans l’enfance, sévices sexuels ».
Ça ne me décrit pas du tout, et même, eh ! si c’était le
cas ! Je ne suis pas une liste de symptômes. Je ne suis pas un
putain de profil.
Je suis une meuf qui
ouvre une cinquième bière à 20h. Je suis une meuf qui profite des
absences de son mec pour enfin se livrer à ses fantasmes les plus
sordides. Je suis une meuf qui chiale en écoutant Alphaville en
boucle à 20h sans avoir bouffé. Rien de tout ça n’est
explicable. Quid de tous ceux qui auraient vécu la même
chose que moi sans devenir comme moi ? (ouais désolée,
je viens de m’enfiler la saison 2 de Mindhunter. Tous les
psychopathes partagent un motif. Alors que faire de tous ceux qui les
partagent également et ne sont pas devenus psychopathes ?)
Pour expliquer qui je
suis, il faudrait que j’écrive une autobiographie détaillée. Pas
seulement des faits, mais de chaque putain d’écharde dans mon
subconscient. De ce que ça représente pour moi, de la manière dont
j’ai cicatrisé autour, de la façon dont ça continue de
m’influencer maintenant. Je ne me réduis pas à « j’aime
ceci parce que cela me fait ressentir cela. » Ça n’explique
rien du tout. Et je suis convaincue qu’il en faudrait des tonnes,
d’explications, pour me faire comprendre. Et comprendre, ce n’est
pas partager, loin de là. Alors je reste seule avec mes délires
honteux, ceux que je ne partage qu’avec les gens qui vivent dans ma
tête.
Et puis je sais bien
qu’il existe une frontière entre les fantasmes et leur
réalisation. Je vis très bien la réalisation des miens, du moment
que je suis seule. Je n’ai pas la moindre idée de ce à quoi ça
ressemblerait si je n’étais pas seule. Selon toute probabilité,
je serais encore plus dégoûtée que je ne le suis présentement.
L’année dernière,
j’ai noirci une page blanche et je l’ai supprimée le lendemain.
C’était une catharsis, une explosion. À la lumière du jour, ça
ne ressemblait à rien de plus qu’à des lignes mal écrites et
carrément sordides. Certaines choses n’ont d’existence que dans
les ténèbres, certaines choses doivent vraiment y rester.
Est-ce qu’elles me feraient moins mal si je les exposais ?
Non, car je ne veux rien d’autre que d’être broken.
Je n’admire pas les
gens lumineux et stables. Peut-être que ce n’est qu’une
apparence qu’ils se donnent, mais ça ne change rien !
Pourquoi font-il ça ? Parce que leur optimisme ne peut
s’entacher de douleur ? Mais l’optimisme sans la conscience
du malheur, c’est rien moins qu’une putain d’illusion.
« Malheureusement pour vous, vouloir être intelligent ne fera
jamais de vous un génie » disait Morrigan à Alistair. J’en
pense autant de l’optimisme. Je suis une personne optimiste (et
j’aimerais autant ne pas l’être.) C’est bien pour ça que je
déteste les gens équilibrés. La vie, ça fait mal sa race !
Continuer parce qu’elle est belle aussi, je trouve ça vachement
plus percutant que les discours des connards qui relèguent chaque
spectre au placard. Maman est morte, et avant ça, elle m’a légué
un jardin rempli de monstres. Papa va mourir (un jour, pas tout de
suite, s’il te plaît.) Je vais continuer de voir décliner et
mourir des gens que j’aime. Peut-être que c’est sur moi que va
tomber la prochaine tuile, comme sur cette Youtubeuse de trente ans
que je ne connaissais que via Mona Chollet, et qui vient de claquer
d’un cancer. Nan, la vie n’est pas belle parce qu’elle est
courte. Elle est belle malgré sa brièveté.
J’espère qu’un
jour je pourrai assumer qui je suis sans le concours de l’alcool.
Même si je ne le peux en face de personne d’autre que moi. Ne pas
avoir honte à chaque putain de minute de lucidité, ce serait déjà
pas mal.
21h47
Qu’est-ce qu’on a
foutu, maman ? J’ai transformé tes traumas en fantasmes. J’ai
élevé ta honte au premier rang. Tout ce que j’ai haï en toi (et
c’était en toi, mais ça n’était pas toi), je
l’ai remodelé pour en faire l’essence de mes extases. Tu
m’étonnes que j’ai honte. J’aimerais mieux être le genre de
personne dépourvue d’intelligence intra-personnelle, ça
m’éviterait de convoquer ma mère dans mes ébats. En même temps,
si j’avais pas fait ça… que se serait-il passé ? Je me
serais émiettée en mille morceaux ? J’aurais rampé en
gerbant jusqu’à m’être débarrassée de moi-même ?
Je ne sais pas ce que
c’est que d’être une femme. J’ai toujours été absolument
persuadée que j’en étais une, et ça ne m’a jamais posé de
problème. Maintenant que lesdites femmes prennent les armes toutes
les trente secondes pour se défendre, je me rends compte que je n’en
suis pas une. Oh, je les ai entendues, les remarques machos, les
sifflets dans la rue et les insultes parce que je devais être
lesbienne pour refuser une si gracieuse proposition que celle-ci :
« ça te dirait que je t’encule vite fait ? » (peu
ou prou, hein, j’ai pas appris par cœur.)
Je les ai entendues,
mais ça m’est passé au-dessus. Je ne me sens pas concernée,
puisque je ne donne pas suite. Je n’ai pas épousé le gars qui
fait des « blagues » sur les blondes ou les femmes au
volant. J’ai été furieuse de me faire traiter de salope par une
bande de racailles décérébrées à qui j’avais tourné le dos,
mais je suis tout aussi furieuse de savoir qu’ils « s’insultent »
de pédales. Je ne me sens pas concernée, parce que ces mecs
haïssent tout ce qui ne leur ressemble pas. Pas plus moi qu’un(e)
autre.
Quand j’étais plus
jeune, avoir mes règles me faisait me sentir sale, dégueulasse. Ça
n’a pas vraiment changé, surtout depuis que je joue à Bloody Mary
une fois par mois dans ma salle de bain. Pour autant, je ne répugne
pas à être une femme. Ça ne me fait pas grand-chose, pour tout
dire. J’admire les trans au moins autant que les universitaires,
pour une raison très simple : apparemment, iels savent très
bien qui iels sont. Je ne suis rien, moi. Je suis une femme avec un
vagin vide. Quand j’entends parler des cycles lunaires et de la
féminité à laquelle je devrais me reconnecter, je hausse les
épaules. Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ? Je suis
juste un corps doté de lèvres et d’un vagin. Je trouve même pas
ça spécialement beau, pas plus qu’une bite, autant te le dire
tout de suite. J’aime tout dans le corps des gens, sauf leur sexe.
Je suis bi. Je suis une
meuf bi casée avec un mec. J’ai appris récemment que même ça,
ça me rendait méprisable. Que je serais au moins quelqu’un si
j’avais été lesbienne. La vérité, c’est que je m’en fous.
La plupart du temps, je fantasme sur les gonzesses. Je les trouve
belles. Les mecs, vachement moins. Sauf les gays. Ça en dit sûrement
plus long sur ma notion de la virilité que sur ma sexualité. Je
suis bi et j’ai des fantasmes de régression. Apparemment, tout ce
que ça dit de moi, c’est que je devrais me faire soigner. C’est
ça, qui me caractérise, pas d’être une femme. Et la vérité,
c’est que, oui, moi aussi, je me cherche une étiquette. Depuis des
lustres. Je sais bien que tu le sais, ça fait quinze fois que j’en
parle. Ce que je veux dire, c’est que j’aimerais bien ne pas en
avoir besoin. Ou le contraire : tu sais, si j’avais été gay
et que j’avais dû me payer les insultes qui vont avec, j’aurais
su contre quoi diriger ma colère. Mais moi, je ne suis rien. Je suis
une meuf bi casée avec un mec. Je suis une meuf qui a découvert
vers sept-huit ans ce qui deviendrait son plaisir coupable, et quand
j’ai cherché sur le web si j’étais seule, je suis tombée sur
des forums remplis de gens « normaux » qui estimaient que
leurs fantasmes étaient partagés, et pas les miens, et qu’eux
valaient mieux que nous. Mais « nous » n’existons pas
en dehors de « nos » petites communautés invisibles.
« Nous » avons un nom qui n’a cours que sur le web.
« Nous » n’avons pas de « fierté ». Tant
mieux, tu sais. Chaque fois que j’ai espéré pouvoir dire
« nous », en dehors de mon couple, je me suis ramassée.
« Nous » n’étions qu’un groupe de personnes
hétéroclites, chacune croyant que sa voix représentait les autres.
(J’écoute la
« capsule temporelle » que m’a concocté Spotify sur la
base de ma date de naissance. C’est plein de Linkin Park, Manson, 3
doors down & Papa Roach. Très bien vu, donc. Je suis un peu
surprise d’y entendre les Doors : de très bon goût, mais ça
me vieillit, un peu !)
Mercredi 21 août 2019,
22h34
♫ Hocico – Dog
eat dog (doggy style remix by Solitary Experiments)
Plutôt ironique, le
titre de ce remix. Suivant : Animality, Aktivehate. Ha.
Mal’ et moi touchions
au fond, hier. Nous y étions presque. J’ai la sensation qu’il ne
restait qu’un voile à lever pour enfin voir. Mais je ne
suis pas sûre que je veuille voir. Je ne sais pas ce que je ferais
de ce que j’aurais découvert. Parfois, je me dis que la seule
question qui reste en suspens, c’est celle-ci. Vivrais-je ?
Ou franchirais-je la
dernière limite ? Celle que je sais toucher du doigt chaque
fois que je bois la bière de trop ?
J’aime à penser que
c’est un faux débat : si j’avais voulu en finir, ce serait
fait depuis longtemps. Mais ce n’est pas tout à fait vrai :
si j’avais voulu vivre… ne l’aurais-je pas fait depuis
longtemps ?
La vérité, je crois,
c’est que j’aime être en vie. Mais être en vie, pour moi, ça
ne sera jamais faire du yoga au soleil couchant. Être en vie, ce
sera toujours danser sur le fil du rasoir. C’est ça que j’ai
compris. Ce n’est pas une métaphore. Vivre, ce sera pleurer,
prendre des coups que j’aurais cherchés, m’humilier. Je vivrai,
mais dans les abysses. Il y aura toujours des ténèbres aux coins de
ma tête. Je n’ai pas l’intention de les dissiper. Ce n’est pas
ce que je voulais. Je n’avais pas compris que je ne souhaitais que
les amadouer. Je ne veux pas gommer qui je suis. Je ne veux
pas être heureuse. Je le suis !
Tu sais, Mal’, tout
ce que je t’ai dit hier, j’en ai toujours honte. Ne serait-ce que
parce que ça me perturbe que quelqu’un en sache autant sur moi.
Mais j’ai aussi l’impression d’avoir vécu un genre
d’épiphanie. Comme si tu avais confirmé le puzzle. Les pièces
sont toutes en place, et je sais pourquoi. Ce que nous partageons,
nous nous en serions bien passées. Mais nous avons cette chance de
dingue, celle d’être connectées. Nous sommes le miroir déformé
l’une de l’autre. À nous de vivre, désormais, avec le savoir de
l’autre. Avec ce que son image nous apprend sur nous-mêmes. Je
n’aime pas encore ce que je vois dans cette glace. Je vois un
monstre. Pourtant, il me fascine. C’est la première fois que je le
regarde en face. Et ce que j’aime chez lui, c’est qu’il sait
qui il est. Je sais qui je suis. Il ne me reste qu’à l’enlacer.
Il ne me reste qu’à regarder le miroir et dire « c’est
moi. »
Je crois que cet été
m’aura appris ça.
♫ Cyborg Attack –
Blutrausch
vendredi 23 août 2019,
00h20
Mathias ne rentre que
dimanche.
Je ne me souviens pas
que c’ait été si long, l’année dernière. Faut dire qu’il
était là le 22. Cette semaine n’est rien d’autre qu’une
interminable descente aux Enfers. Ne pas écrire une ligne de
fiction, ne pas bosser, passer mes journées devant Netflix, sans
discontinuer, et boire dès que 18h seront passées – un mantra,
18h. Dans How I met, ils disent que rien de bon ne peut
arriver après deux heures du mat’, je crois. Ma conviction est que
rien de bon ne peut arriver avant 18h. C’est mon garde-fou.
Je sais pas si j’ai
déjà été dans un tel état de déréliction intellectuelle, à
part la semaine qui a suivi le 22 août 2017.
J’avais jamais sauté
un repas de ma vie.
Je suis à deux doigts
de démonter le rasoir dont la lame me permettra de ressentir
n’importe quoi. Tout, plutôt que ça. J’ai l’impression d’être
en prison. Je voudrais hurler, mais je n’ai plus de voix. Je
voudrais écrire, mais les mots sont taris. Je suis piégée dans mon
cauchemar, et je l’ai voulu ! Je savais avant que Mathias
parte que cette semaine serait celle où je plongerais. Je voulais
savoir ce que ça ferait. Maintenant, je sais. Ça fait putain de
mal. J’ai l’impression d’avoir dix-sept ans à nouveau. Rien à
dire, mais du sang à faire gicler. N’importe quoi, pourvu que la
Dévoreuse s’en aille.
J’ai menti,
d’accord ! Si ce que je suis, c’est un corps brisé greffé
à un visage muet, alors non, je ne pourrai jamais l’enlacer.
J’espérais vraiment un déclic. J’espérais que la bouche
d’ombre s’ouvrirait, que je serais enfin capable de mettre en
mots les mélodies malades qui me traversent. Mais j’ai la bouche
cousue et les yeux clos. Charon n’en finit pas de me trimballer à
travers le Styx. Et je me suis étranglée avec la gorgée prélevée
aux eaux du Léthé, de toute évidence, parce que quand j’ai vu la
photo que Suzanne gardait de maman, je me suis aperçue que j’avais
commencé d’effacer ses traits de ma mémoire.
Elle conserve de maman
une photo de quand elle ne sortait plus de son lit. Pas une d’avant.
Est-ce qu’elle est plus forte que moi ?
C’est vrai qu’elle
est belle, cette photo. Maman y sourit. Suzanne l’a fait encadrer.
Suzanne a connu cette femme quand elle n’était encore qu’une
ado, mais c’est cette image qu’elle a conservée.
Je suis sûre de pas
vouloir crever, mais je serais pas contre quelques coups et
entailles, là tout de suite.
C’est une chose
extrêmement bizarre à demander à une personne qu’on aime, hein.
Pourtant y’a personne d’autre à qui je pourrais le faire, parce
que ça nécessite une confiance absolue. Comment avoir confiance en
la personne à qui on demande de nous faire mal ? Je n’en sais
rien, n’en étant pas là (rassurons les pudibonds). Le fait est
que la douleur, c’est comme le sexe, du moins je le crois – n’en
étant pas là. C’est meilleur quand c’est pas auto-infligé.
Lundi 26 août 2019,
01h24
♫ Guimauve
Mathias est rentré. Je
sais bien que la prochaine étape, c’est de me regarder dans une
glace en son absence. Cette semaine a été un enfer parce que je me
suis permise d’être tout ce que je voulais, et que quand il est
là, je me réfrène.
Bizarrement, j’ai le
souvenir de l’avoir bien mieux admis l’année dernière. En même
temps, c’est logique, j’imagine. L’an dernier, je franchissais
la barrière pour la première fois. Cette année, ce n’était plus
une transgression. C’était moi, je le savais.
Et pourtant… rien ne
m’apaise plus que de faire l’idiote devant mon PC, à fredonner
Angie, en sachant très bien qu’il est là, qu’il écoute
Lana Del Ray dans mon dos (littéralement : nos bureaux sont
chacun d’un côté de la pièce.) J’ai fait disparaître toute
trace de ma semaine passée sans lui, mais j’ai jamais été si
heureuse que quand je l’ai entendu se garer dans l’allée (bon,
j’suis pas mécontente qu’il soit arrivé pile au moment où je
finissais de lire Ready player et pas avant.)
Cette semaine a été
un enfer parce qu’il était pas là. Si je classe les trucs dans
deux colonnes, j’en arrive toujours au même point : il vaut
mieux qu’il soit là, même si ça implique que je fasse comme si
les deux-trois trucs qui m’obsèdent n’existaient pas.
Je suis putain de
dépendante. Si j’avais pas de mec, ma frangine ne me supporterait
plus. J’viens de passer une semaine à parler à mon chat, et la
seule soirée que j’aie passée avec ma sœur, je lui ai tout
balancé, comme si on allait mourir le lendemain. On était certes en
mode sans retour. Quand je suis avec Mu, j’ai souvent l’impression
qu’on passe un cap. Chaque conversation se répète sans jamais se
ressembler. Les pièces s’assemblent. Cela dit, vu que je parle
beaucoup, je ne sais pas trop ce qu’elle en pense. Je suis le genre
de personne qui vit ses épiphanies à voix haute. C’est sans doute
un peu encombrant.
Quand Mathias n’est
pas là, je parle de lui au chat. Il incarne chaque note des slows
pourraves que j’écoute depuis l’adolescence (Mathias, pas le
chat.) Je sais qui il est. Il me connaît par cœur. Et tout ce qu’il
ne sait pas, je finis par le lui dire, parce que j’ai confiance en
lui.